Voici, pour ceux qui l'ont manquée, une partie du contenu (illustré) de l'émission Au nom des enfants du 21 octobre 2014. Son thème principal : les oubliés de la mémoire.
Nous avons tous en tête des images du mémorial de l’Holocauste à Berlin,
réalisé par Peter Eisenman.
Il s’agit d’un immense champ de stèles
rectangulaires, absolument identiques, 2711 au total…
Un nouveau mémorial vient d’être inauguré
à Berlin, dédié aux personnes handicapées massacrées dans le plus grand secret
par les nazis.
Plus de 300 000 personnes handicapées exterminées par les
nazis…
Photo prise sur ce site
Anna Lehnkering et Benjamin Traub, deux
noms sortis de l’oubli récemment à l’occasion d’un mémorial inauguré à Berlin
le 2 septembre 2014 et dédié aux 300 000 personnes handicapées massacrées par
le IIIe Reich. Ce mémorial vient s’ajouter à ceux déjà édifiés autour du grand
parc de Tiergarten et qui rendent hommage aux populations juives, homosexuelles
et tziganes exterminées par les nazis. Ce mémorial se compose d’un mur de verre
aux reflets bleutés d’une hauteur de 24 mètres et repose sur un socle noir. Des
panneaux explicatifs informent le visiteur. Il a été édifié au n°4 de la
Tiergartenstrasse, là où fut élaboré secrètement le programme « T4 »
ou programme d’euthanasie destiné à éliminer de la société les handicapés
physiques et mentaux. Le programme « T4 » a été une sorte de
laboratoire préfigurant l’extermination de masse organisée "scientifiquement" par
les nazis dans le cadre de la Solution finale. Les nazis aimaient avoir recours
à des euphémismes pour maquiller l’horreur. Hitler employait le terme de Gnadentod pour signifier une mort
miséricordieuse alors qu’il s’agissait, en fait, de crimes de masse. Si l’on utilise
le terme, « euthanasie », il faut lui apposer des guillemets afin de
bien souligner qu’il s’agissait d’une entreprise criminelle perpétrée dans des
centres de gazage. Les mots ont leur poids et il convient d’en mesurer la
pesanteur.
Anna à l’âge de 17 ans. Photo prise ici.
Anna Lehnkering est née en 1915. En 1935,
elle a été stérilisée de force et de 1936 à 1940, elle a été internée dans un
asile psychiatrique à Bedburg-Hau. En 1940, elle a été transférée à Grafeneck,
puis gazée dans une chambre à gaz qui a été déguisée en salle de douches.
Sigrid Falkenstein
Photo Marko Friske, prise ici.
Lors de l’inauguration de ce nouveau
mémorial, sa nièce, Sigrid Falkenstein, a décrit le parcours douloureux de
cette tante, que même la mémoire familiale avait effacée depuis de nombreuses
années. Grâce à l’énergie de sa nièce, Anna est sortie de l’oubli, une
installation imaginée par l’artiste Ulrike Oeter lui est consacrée et a été
achetée par la clinique de Bedburg-Hau ; un site lui est dédié ; son nom figure sur un « Stolperstein »
qui a été apposé devant la maison qu’elle habitait jadis. Voir la définition ici.
Benjamin Traub est le 2ème à partir de la droite ; il a environ 15 ans
Benjamin Traub est né en 1914. À l’âge de
16 ans, les médecins le déclarent schizophrène. En 1931, il a été admis dans un
hôpital psychiatrique près de la frontière néerlandaise. Le 13 mars 1941, il
est gazé dans le centre d’extermination de Hadamar, une petite ville située
entre Cologne et Frankfort-sur-le-Main. Plus de 10 000 personnes sont mortes
asphyxiées dans ce centre. Les parents de Benjamin ont reçu une simple lettre
les informant que leur fils « avait soudainement et inexplicablement
succombé à une grippe suivie d’une méningite ». En outre, « comme
Benjamin Traub souffrait d’une maladie mentale sérieuse et incurable », sa
famille devait accueillir sa mort comme un « soulagement ».
Harmut Traub était également présent lors de l’inauguration de ce nouveau mémorial. Il a lu des extraits de la biographie qu’il a consacrée à son oncle :
"Benjamin s'est retrouvé enfermé avec 63 autres hommes nus, dans l'espace le plus restreint qui soit. Les portes se sont fermées" (…)
"Des pommeaux de douche est sorti le monoxyde de carbone. Benjamin s'est senti mal. Il a perdu conscience. Après quelques minutes, lui et ses 63 camarades de souffrance étaient asphyxiés ».
Afin que la mémoire trébuche…
Le procès des médecins (1946-1947)
En décembre 1946, un tribunal militaire américain a statué
sur le sort de 23 médecins accusés de crimes contre l’humanité. Après 140 jours
de procès reposant sur 85 témoignages, 16 médecins ont été déclarés coupables.
Sept d’entre eux ont été exécutés le 2 juin 1948. En République Fédérale
d’Allemagne, peu de médecins ont été condamnés, environ une quarantaine. Ainsi
de nombreux médecins impliqués dans le programme « T4 » ont échappé à
la justice. Le silence s’est installé…
Ce nouveau mémorial permet de rendre hommage aux disparus
de la mémoire collective. Ce mur de verre est un obstacle tranparent, c’est le
mur de l’oubli enfin rendu visible…
Jacques Lefebvre-Linetzky
En plus des événements annoncés précédemment sur ce blog, prenez bonne note de ceux qui figurent sur cette affiche, les 26 & 27 octobre prochains.
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