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mardi 12 décembre 2017

L'ORDRE DU JOUR ET LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE

Cette semaine, l’émission de l’AMEJDAM, Au Nom des Enfants, a été consacrée à deux prix littéraires qui sont en quelque sorte des « marqueurs » d’Histoire.


L’ordre du jour, Actes Sud, 2017





Le prix Goncourt a été attribué à Eric Vuillard pour L’ordre du jour, publié chez Actes Sud. C’est un court récit de 165 pages. Ce n’est pas un roman, c’est un récit habillé comme un roman.

Deux moments clefs ponctuent ce récit. Tout d’abord la réunion de 24 patrons allemands le 20 février 1933 où, reçus par Göring et Hitler, ils sont fortement encouragés à financer la campagne du parti nazi aux élections législatives. On connaît la suite, Hitler deviendra Chancelier.

Le texte d’Éric Vuillard décrit la scène en ouverture du récit – les mots sont autant d’instantanés photographiques :

Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants.

mardi 5 décembre 2017

ALAIN KLEINMANN ET LE LIVRE




© Somogy éditions d'Art


Alain Kleinmann est considéré comme le peintre de la mémoire, comme un passeur d’images. Son œuvre restitue le passé d’un peuple décimé à partir de collages d’images et d’objets.

Il a exposé dans plus de 40 musées dans le monde (Centre Pompidou à Paris, Musée Léonard de Vinci à Milan, Kunsthalle à Berlin, New York Coliseum, Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, Musée National des Beaux-Arts à La Havane, Magnes Museum à Berkeley, Musée Tretiakov d’Art Contemporain à Moscou, Tokyo Bunkamara, Musée de l’Académie des Beaux-Arts de Chine à Pékin, …).
Une trentaine de livres et de monographies a été publiée sur son travail.

Il vient d’être nommé Chevalier de la Légion d’honneur pour l’ensemble de son œuvre.

Alain Kleinmann nous a accordé un entretien exclusif qui a été diffusé dans le cadre de notre émission, Au Nom des Enfants, sur RCN 89.3 FM. En voici de larges extraits:




© Alain Kleinmann, DR. 

La place du livre

Avant de m’intéresser aux objets, dont les livres, je trouvais que la dimension la plus touchante de ce qui est représentable, c’est évidemment l’être humain, son regard, son attitude. Bien que les matériaux soient abstraits, ma peinture peut être qualifiée de figurative et je me suis aperçu qu’un certain nombre d’objets, assez rares, à vrai dire, portent aussi une sorte de charge émotionnelle, de vie propre. Il en va ainsi des livres… il y a l’histoire qui est racontée de l’intérieur, il y a l’histoire de celui qui l’a écrit, de celui qui le lit et enfin, l’objet en tant que tel. Il se dégage une sorte d’émotion très puissante au même titre que celle générée par un regard humain. Il y a aussi d’autres objets, comme les valises, les clefs, les serrures. Mais enfin, il n’y en a pas tant que ça.

jeudi 2 novembre 2017

MOSHE FELDENKRAIS, PIONNIER DU JUDO EN FRANCE


Le 31 octobre dernier, l’émission de l'AMEJDAM, , Au Nom des enfants, était consacrée au judo et en particulier à celui qui a introduit le judo en France, Moshe Feldenkrais. 

Jigoro Kano (1830 -1938)



Image empruntée ici

Jigoro Kano est le fondateur du ju-do, dérivé du Ju-Jitsu ou Voie de la souplesse. En 1882, il a posé les principes fondateurs de cette nouvelle discipline qui permet de vaincre la force grâce à la souplesse.

Par « souplesse», il faut comprendre « non-résistance » ou « adaptation ». Le principe est de ne pas résister à la force de l’adversaire, mais, bien au contraire, de profiter de sa force pour le déséquilibrer et le faire chuter.

Le judo commence à être enseigné au Japon en 1882 au Kodokan, le temple du judo à Tokyo.


mercredi 18 octobre 2017

L'AMEJDAM EST AU C.U.M. LE 26 OCTOBRE 2017

ATTENTION ! 
MODIFICATION DE DERNIÈRE MINUTE. LA POSE DE PLAQUE AURA LIEU À 11:30. L'ALLOCUTION "NICE, THÉÂTRE ET SAUVETAGE" PRÉVUE EN FIN DE MATINÉE EST DONC REPORTÉE À 14:00. 



mercredi 11 octobre 2017

NOTRE POSE DE PLAQUE À GOLFE-JUAN - LE 6 OCTOBRE 2017



C'est le travail essentiel de l'AMEJDAM que de poser des plaques dans les Alpes-Maritimes à la mémoire des enfants juifs qui y ont vécu avant leur déportation.

Habituellement nous plaçons ces plaques sur la façade d'une école, celle que ces enfants avaient fréquenté avant d'être arrêtés. 

Dans le cas de Golfe-Juan, cela n'a pas été possible, car l'école dont nous avions trouvé la trace n'en était pas vraiment une. En effet, ce "Centre École de Céramique" était hébergé par ce qui s'appelait, à l'époque du gouvernement de Vichy, un "Camp Moissons Nouvelles" (au singulier ou au pluriel selon les cas...). Ce centre pour jeunes travailleurs était  logé dans une grande villa entourée d'un jardin. Située Route d'Antibes, elle était nommée "Villa les Palmiers". 

Cette maison a été démolie depuis. Le lieu de mémoire n'existe plus, et personne n'avait plus la moindre idée  concernant l'existence de ce camp de jeunesse. Nous avons cherché, et encore cherché, sans succès. 

C'est la raison pour laquelle il a été décidé de poser cette plaque mémorielle près d'un jardin d'enfants, et du monument aux morts – à un endroit libre qui semblait l'attendre – et ce, grâce au soutien inconditionnel de Mme Michelle Salucki, Maire de Vallauris Golfe-Juan. 





Tous les détails de ces recherches et de leur aboutissement figureront dans les discours qui suivent, que nous publions dans leur intégralité. 

Mais auparavant, quelques mots sur ce qui a précédé la cérémonie.

vendredi 22 septembre 2017

LES ARCHIVES DU PROCÈS BARBIE


Un homme "banal"




Klaus Barbie dans sa cellule à Montluc, 1983 
Crédits : Archives départementales du Rhône
Image empruntée ici

L'homme est âgé, le front dégarni, les traits tirés, les épaules tombantes. Toutefois, de son regard jaillit une intensité malfaisante et maléfique. Il regarde droit devant lui en direction de l’objectif. Il semble fragile, banal. L’homme n’a pourtant rien de banal. La photo a été prise le 9 janvier 1983. L’homme mesure 1m 70, il s’appelle Klaus Barbie



Cet homme nous regarde et il est impossible de lire dans ses pensées. Il incarne le mystère de la "banalité du mal".

Trente ans après la fin du procès Barbie, les archives judiciaires du dossier de celui que l’on appelait le « boucher de Lyon » sont désormais accessibles au grand public. Les ministres de la Justice et de la Culture l’ont annoncé officiellement le 3 juillet 2017.

Premier procès pour crime contre l'humanité en France


Klaus Barbie lors de son procès pour crimes contre l'humanité le 11 mai 1987 
© Getty / Francis Apesteguy
Image empruntée ici

Klaus Barbie a été jugé par la cour d'assises du Rhône, à Lyon, du 11 mai au 4 juillet 1987. C'est à Lyon qu'il a sévi, qu'il a torturé, qu'il a signé des arrêts de mort avec un zèle sadique.

mercredi 7 juin 2017

LES LETTRES DE LOUISE PIKOVSKY



Des bouteilles à la mer…




Bidon de lait utilisé par le groupe Oyneg Shabbos
Image empruntée ici

Il y a quelque chose de profondément émouvant à trouver par hasard des lettres dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Ce sont des messages venus d’un lointain passé qui, tout à coup, deviennent d’une actualité fébrile. Ces lettres sont des voix qui reprennent vie, des bouteilles à la mer. En 1946, dix boites métalliques contenant des milliers de documents ont été découvertes dans les ruines de Varsovie. Deux bidons de lait ont été déterrés dans la cave d’une maison en 1950. La vie quotidienne du ghetto de Varsovie était cachée là dans toute sa misère. L'historien Emmanuel Ringelblum et les membres de son groupe, Oyneg Shabbos, ont collecté toute sorte de documents qui nous permettent aujourd'hui de saisir la "réalité" de la vie dans le ghetto de Varsovie. 

Remonter le fil du temps



Image empruntée ici

C’est grâce à Khalida Hatchy, professeure-documentaliste au lycée Jean de La Fontaine, que les lettres de Louise Pikovsky sont remontées du passé et de l’oubli.

dimanche 28 mai 2017

SAINT-ALBAN-SUR-LIMAGNOLE, UN HÔPITAL PSYCHIATRIQUE À LA POINTE DE TOUS LES COMBATS



Saint-Alban-sur-Limagnole, Image empruntée ici

C’est un petit village en Haute-Lozère situé non loin de Mende. Il connut un destin tout à fait exceptionnel durant la Seconde Guerre mondiale en raison de son hôpital psychiatrique. Cet hôpital fut un laboratoire où de nouvelles méthodes furent expérimentées, ce fut aussi un refuge pour les Résistants et les Juifs et enfin, un lieu de foisonnement artistique.



L'hôpital psychiatrique de Saint-Alban, image empruntée ici

De nouvelles méthodes

En 1936, le psychiatre lyonnais, Paul Balvet, prend la direction de l’établissement et introduit des réformes pour traiter les malades de manière plus digne. Paul Balvet est en faveur d’une thérapeutique plus engagée à l’hôpital psychiatrique. Il veut donner plus d’autonomie aux malades et considère que l’hôpital psychiatrique doit être un espace d’échanges et d’ouverture. Il jette les fondements de l’ergothérapie qui consiste à donner aux malades un travail rémunéré. 
En 1942, il crée le Club, qui ensuite deviendra la « société du Gévaudan », dont l’objectif est d’organiser la vie des patients à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement. Les relations entre les patients et les soignants sont totalement transformées grâce à ces nouvelles méthodes. Cette approche novatrice deviendra la « Psychothérapie institutionnelle ». Cette révolution sera poursuivie et même amplifiée par François Tosquelles et Lucien Bonnafé, psychiatres et communistes convaincus.

samedi 20 mai 2017

BARBARA CHANTE À GÖTTINGEN

"Le chant jailli, dans un déchirement 
de la pensée inspiratrice"
Stéphane Mallarmé



Barbara en 1968 lors de l'enregistrement de l'émission télévisée, Discorama
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Barbara, une voix de cristal, des textes écorchés

Toutes les chansons de Barbara comptent et elles font vibrer nos émotions, nos souvenirs, nos joies et nos angoisses. Elle n’est plus, mais elle là, au creux de nos songes.

Ses chansons donnent vie et corps au mal de vivre, c’est presque rien et c’est beaucoup, c’est inestimable. Sa voix est unique et son style n’appartient qu’à elle.  Barbara est à la fois forte et fragile – c’est sa fragilité qui la rend forte. Elle nous effleure au plus profond. Comment vivre sans écouter Barbara ? Elle était mystérieuse et rayonnante. Elle s’est façonnée, transformée en longue dame brune. Elle aimait séduire. Dans les années 1960, on ne savait rien ou presque de sa judéité, elle ne l’affichait pas, elle était Barbara et on l’aimait.



Barbara en 1968 lors de l'enregistrement de l'émission télévisée, Discorama
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dimanche 14 mai 2017

GRANDIR EN ALLEMAGNE AU LENDEMAIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE


Hans-Jürgen Schönhage
© Jacques Lefebvre-Linetzky

Le 9 mai dernier, j'ai reçu Hans Jürgen Schönhage à l'antenne de RCN 89.3 dans le cadre de l'émission de l'AMEJDAM, Au nom des enfants. Nous avions convenu avec Hans de parler de son enfance et de son adolescence dans l'Allemagne de l'après-guerre. 
Hans est un personnage chaleureux et attachant qui vit à Nice depuis quelques années et qui apprend le yiddish. Il s'exprime très bien en français avec juste une pointe d'accent qui me rappelle les intonations de ce formidable acteur qu'était Curd Jürgens. 

Voici l'essentiel de notre conversation: 

Présentation liminaire


Bielefeld
Image empruntée ici

"Je suis né le 3 avril 1941. J’ai grandi dans une ville industrielle, Bielefeld, c’est entre la Ruhr et Hanovre dans le Nord-Est de l’Allemagne et, au sortir du lycée, à l'âge de 19 ans, j’ai choisi la profession de professeur d’histoire et de français. J’ai étudié le français au lycée pendant 6 ans et j’ai continué après l’obtention de mon baccalauréat en 1961 –  Au lycée, j’ai fait 6 ans de français, 7 ans d’anglais et 9 ans de latin, une formation assez classique. J’avais dans ma classe le fils de notre proviseur et nous avions donc les meilleurs professeurs. 

mardi 2 mai 2017

YOM HASHOAH 2017


Cérémonie au cimetière israélite du Château à Nice,
 le 24 avril 2017

©Jacques Lefebvre-Linetzky

Ce fut une belle cérémonie, empreinte de gravité en ces temps tourmentés. Les discours furent sobres, fermes, à l’unisson : ne pas oublier, ne pas céder devant les assauts des extrêmes, lutter contre celles et ceux qui, sans vergogne, s’ingénient à réécrire l’histoire et souillent les valeurs de notre république. 

©Jacques Lefebvre-Linetzky

Jérôme Culioli, président du CRIF Sud-Est a rappelé l’absolue nécessité de ce combat de tous les jours. Il a inscrit cette commémoration dans l’action, la mémoire ne peut se vivre, selon lui, que dans l’action. M. Philippe Pradal, maire de Nice, a prononcé un discours admirable dont chaque mot vibrait d’une profonde humanité. Ces mots n’étaient pas vains, c’étaient ceux d’un homme sincère et déterminé. Martine Ouaknine, déléguée aux affaires juridiques, a également pris la parole, de même que Daniel Wancier, président du comité Yad Vashem, Nice. Ces voix parlaient toutes la même langue au service d’une mémoire en action. Douze élus étaient présents.

Martine Ouaknine et Daniel Wancier
©Jacques Lefebvre-Linetzky

Aux discours répondirent des chants, des prières, des noms lus parfois de manière maladroite. Et puis ces voix se turent pour laisser la place à la minute de silence. C’est toujours un moment très impressionnant où le temps semble s’arrêter, où chacun entend le souffle de l’autre, où les voix des orateurs sont encore présentes à nos oreilles, où le chant des oiseaux devient soudain perceptible et glorieux. Ce silence bruit de mille sons qui résonnent dans nos consciences.

Philippe Pradal et Maurice Niddam
©Jacques Lefebvre-Linetzky

mercredi 22 mars 2017

NOURRITURE RÊVÉE DANS LES CAMPS


La faim. Dessin de Henri Gayot. Source : Collection Hisler / Musée de Struthof
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On cherche, on lit, on écoute et l’on sait que l’on ne pourra jamais s’approcher de l’horreur que fut la « vie » dans les camps. Seuls les survivants connaissent le goût âcre de cette nuit insondable. Les mots se dérobent, ils sont de piètres béquilles, on est tenté de rester silencieux par respect, par humilité. Dans un avenir plus ou moins proche, il n’y aura plus de survivants parmi nous et il faudra continuer à transmettre, malgré tout, malgré notre incapacité ontologique.

Qui suis-je pour parler de la faim dans les camps ? J’ai bien conscience de la difficulté de l’entreprise. Il a quelque chose d’indécent à aborder pareil sujet, à le transformer en objet d’étude. Et pourtant, ces pauvres mots sont les seuls outils dont je dispose. Merci de votre compréhension.

lundi 13 mars 2017

REPRÉSENTER LA SHOAH PAR LA BANDE DESSINÉE



Shoah et bande dessinée


Le Mémorial de la Shoah propose une exposition 
consacrée à la Shoah vue par la bande dessinée,  
du jeudi 19 janvier au lundi 30 octobre 2017


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Extrait de la présentation

« La mémoire contemporaine réserve une place particulière à la Shoah, un événement sans précédent dans l’Histoire. Le propre de tout événement est d’être historicisé, médiatisé, bref de devenir sujet de fiction. Le génocide des Juifs d’Europe ne pouvait y échapper. Non sans prudence, erreurs et tâtonnements, parfois avec génie, la bande dessinée s’est donc emparée de la Shoah.
C’est ce parcours historique et artistique dans ce qu’il est convenu d’appeler le 9e art que vous invite à explorer l’exposition Shoah et bande dessinée, en interrogeant les sources visuelles de ces représentations, leur pertinence, leur portée et leurs limites.
Il appartenait logiquement au Mémorial de la Shoah de s’emparer du sujet, de s’interroger sur les tenants et les aboutissants de cet art, populaire s’il en est, et ce dans toute sa diversité, des comics à la bande dessinée franco-belge, des romans graphiques aux mangas. »

Des visites guidées sont organisées ainsi que des conférences aux angles surprenants et novateurs.  

Thèmes abordés en janvier et février 2017

Le roman graphique : lieu privilégié du discours mémoriel ?  (19 janvier 2017)
Pourquoi les super-héros n’ont-ils pas libéré Auschwitz ?  (22 janvier 2017)
Les mangakas japonais et l’histoire de la Shoah (22 janvier 2017). 
« Art mineur » et questions majeures (05 février 2017). 

Pour consulter le site de l'exposition, cliquez ici


Une série de films d’animation et une bande dessinée


Rescapés de la Shoah (Zane Wittingham et Ryan Jones, Flammarion, 2017) est une bande dessinée traduite de l’anglais et adaptée d’une série de films d’animation produite par les studios d’animation, Fettle.



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La série s’intitule, Children of the Holocaust. Elle a été coproduite avec BBC Learning dans un but pédagogique à l’occasion du 70e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.  Six films d’environ cinq minutes ont été réalisés et sont suivis, pour chaque film, d’une interview de deux minutes. Cette série rassemble les témoignages de six rescapés : Heinz, Trude, Ruth, Martin, Suzanne et Arek. Tous habitent la région de Leeds. Chaque épisode relate des événements marquants tels que, entre autres,  la Nuit de Cristalle Kindertransport, le quotidien à Auschwitz vu par un adolescent, le destin d’une enfant cachée. Le point de vue privilégié est celui de l’enfant. 



Children of the Holocaust, image empruntée ici

Les studios d’animation Fettle ont leur siège à Marsden dans le Yorkshire, au nord-ouest de l’Angleterre. Ils ont été créés par Kath Shackelton et Zane Whittingham qui travaille dans l’animation depuis plus de 25 ans. Les six films ont obtenu de nombreuses récompenses (BAFTA, - British Academy of Film and Television Arts ).



Image empruntée ici

Pour découvrir la  bande annonce de la série, cliquez ici

Sensibiliser les enfants grâce à l’animation

Le recours à l’animation permet de rapprocher les enfants au destin particulièrement tragique des témoins. Ce sont des enfants qui sont représentés, ils n’ont donc aucun mal à s’identifier au narrateur. À la suite du film, ils découvrent le visage du témoin (tous ont entre 80 et 90 ans) et à ce moment-là, ils sont prêts à écouter quelqu’un de plus âgé. L’animation met l’horreur à distance tout en la rendant palpable et crédible pour des enfants. 




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Ces films ne sont pas encore disponibles en France, mais la bande dessinée qui vient d'être publiée rend compte de la qualité graphique de ce projet. La traduction en français est de Faustina Fiore. 

La bande dessinée reprend le dispositif des films d’animation. L’avant-propos écrit par Lilian Black définit parfaitement le contenu de cet ouvrage.

«  Chacune des histoires de ce livre est un compte rendu fidèle de ce qui est arrivé à six jeunes gens, il y a plus de soixante-dix ans. Heinz, Trude, Ruth, Martin, Suzanne et Arek vivaient chez eux, avec leurs familles. Ils allaient à l’école, avaient des amis, des activités, des projets d’avenir. Et puis un jour, leur vie a changé pour toujours. Ils n’avaient rien fait de mal. Ils étaient simplement nés dans des familles juives et ils furent persécutés pour cette seule et unique raison : ils étaient juifs. »

 Une grande rigueur esthétique

Chaque histoire est racontée à la première personne et le traitement des couleurs varie en fonction des récits. Ainsi, les trois couleurs dominantes de la Nuit de Cristal sont le rouge, le noir et le jaune. Les couleurs choisies pour la représentation d’Auschwitz sont des nuances de bleu sombre, des bruns et des beiges. Le graphisme et simple, net, sans fioritures. 

La couverture



Image empruntée ici

C’est en fait l’image qui ouvre l’album avec le témoignage de Heinz. Le rouge domine – le sang, la peur, la violence, la mort sont ainsi suggérés. Heinz est au centre de l’image – il porte des lunettes et on ne voit pas son regard. Il pourrait être n’importe quel enfant, cela facilite l’identification. Derrière lui, une série de maisons et trois synagogues sont la proie des flammes (noir, jaune et rouge). Sur le fond rouge, des éclats blancs signifient que des vitrines ont été brisées durant cette folle nuit. L’enfant est pris au piège, il est une victime emblématique. Sur la gauche de l’image, les visages apeurés des Juifs persécutés et, en face, quatre soldats nazis, arme à la main et visage déformé par la haine, mettent l’enfant et les habitants en joue. Le dispositif graphique et à la fois simple, rigoureux et efficace. L’image est reprise dans des tons d’ocre et de bruns en ouverture du témoignage de Heinz. 



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La représentation d’Auschwitz

Comment représenter l’horreur d’Auschwitz ? Comment faire pour suggérer l’insupportable ? Comment choisir les mots justes ? Peut-on tout montrer ? Que peut-on montrer. Peut-on se contenter de suggérer ? La représentation d’Auschwitz pose mille questions. 

Les choix graphiques et chromatiques sont parfaits. De simples volutes échappées du pommeau d’une douche suggèrent les chambres à gaz ; le rouge est exclu des flammes qui dansent en un ballet noir et beige sur un fond gris. Le quotidien est restitué avec un sens synthétique particulièrement fort. Les châlits sont « habités » par des têtes (toutes identiques) – trois couchages superposés et dix hommes par étage. Des gros plans font irruption (le bras tatoué d’Arek – B 7608). L’un des images les plus touchantes est celle qui représente la famille d’Arek décimée par les nazis. Il s’agit d’un arbre sur lequel figurent les visages des membres de sa famille (81 en tout). L’arbre renvoie bien sûr à l’arbre généalogique. 

Les témoins

À la fin de l’ouvrage, on découvre le vrai visage des témoins ainsi que le résumé de ce qui leur est arrivé par la suite. 
Chaque témoin est un exemple pour des enfants – réussite dans les études, investissement dans la transmission de la Shoah. 

Le glossaire

Les dernières pages sont consacrées à un glossaire. Cela permet de fixer les épisodes et de prolonger la discussion avec les enfants.


La fabrication mémorielle de l'imaginaire historique

"À l'exception du cinéma et de la télévision, aucun autre médium ne me semble participer autant à la fabrication mémorielle de l'imaginaire historique. L'impact de la bande dessinée sur la formation de l'opinion de l'enfant est plus important qu'on ne l'imagine de prime abord et ce, dans la mesure où ce qui est acquis durant la socialisation primaire subit généralement peu de bouleversement. C'est, en effet vers 11-12 ans, que se situe la phase la plus importante pour la socialisation politique. 
Le jeune lecteur amasse au fil de ses lectures des bribes d'information qui participeront à l'élaboration de sa culture politique première. Quand bien même il ne saisit pas toutes les implications historiques de l'histoire qu'il est en train de lire (prenons l'exemple de Tintin au Congo), la BD participe de fait à la construction de sa vision du monde. En offrant des récits perçus, à tort ou à raison, comme exemplaires, le bédéiste en vient ainsi à créer, qu'il le vieille ou non, une source historique, en concurrence directe avec les manuels d'histoire. Ce simple fait impose à l'historien de ne pas se désintéresser de l'étude du Neuvième Art." 
Joël Kotek

Source, cliquez ici

Joël Kotek est historien, professeur à l'Université Libre de Bruxelles et enseignant à Sciences Po Paris. Il est l'un des commissaires de l'exposition, Shoah et Bande Dessinée


Texte et mise en page : Jacques Lefebvre-Linetzky









lundi 6 février 2017

VISITE À DACHAU, ÉTÉ 2007





©JL+L Encre de Chine

En 2007, après une visite à Dachau, j’ai écrit ce texte qui désormais vient en écho au film de Jonathan Hayoun, Sauver Auschwitz? 

En voici un extrait : 

(…) Nous nous approchons – nous sommes dans la banlieue de Dachau.  Je m’imaginais un camp perdu dans la campagne, la ville s’est étendue et le camp est désormais une enclave dans la ville. Je me demande comment on peut dire que l’on habite Dachau, comment on vit avec un passeport où Dachau figure comme lieu d’habitation, je me demande pourquoi on n’a pas débaptisé la ville pour la distinguer du camp. C’est peut-être ça voir son passé en face, mais un doute m’étreint et je me demande si la population n’est pas anesthésiée, immunisée. Le camp est là et sa présence est si familière qu’on ne le voit plus. Nous n’avons pas visité la ville dont on dit qu’avant 1933 elle était le Barbizon de la capitale bavaroise. Peintres et écrivains aimaient s’y retrouver. Qui se souvient de cela ? Ironie funeste quand on songe au dictateur qui se voyait peintre…


©JL+L Encre de Chine

Nous nous approchons, je me dis qu’il y a sûrement des cartes postales en vente dans la coquette petite ville, est-il possible d’envoyer une carte postale de Dachau ? Je me dis qu’il doit bien y avoir un club de football et des supporters qui encouragent leur équipe… Des pensées saugrenues m’assaillent ainsi tandis que je scrute les panneaux. C’est là, nous tournons à gauche en direction d’un grand parking. J’éprouve un sentiment de malaise car ce lieu de mort est devenu un site touristique. Je suis un touriste comme un autre, je suis venu pour voir, pour m’imprégner de ce paysage. Je reste pourtant sur mes gardes, à l’écoute du murmure des graviers, complainte lancinante des souffrances du passé. Je scrute les arbres, en quête d’un témoin muet des cohortes de prisonniers.



©JL+L Encre de Chine

Il faut marcher sur une distance d’environ 500 mètres avant d’atteindre le petit local où l’on peut se procurer le guide audio pour une modique somme. On écoute, on suit les chiffres qui correspondent à des stations, on choisit sa langue. Il y a quelques ouvrages en vente. Un local plus grand est en construction pour accueillir les visiteurs dans de meilleures conditions, j’espère qu’ils ne céderont pas à la tentation de vendre des souvenirs. (…) Nous progressons vers la grille d’entrée où l’on peut lire, « Arbeit Macht Frei ». La grille a été rénovée, les visiteurs s’acharnent sur leur appareil photo, je parviens à prendre un cliché, saisi au vol, vide de tout personnage. J’éprouve à nouveau un sentiment de malaise, suis-je un voyeur du passé ? Ma main se crispe sur mon appareil. La grille a été repeinte, il faut entretenir le souvenir des horreurs du passé sinon les traces s’estompent et rouillent au fil des années. Il n’y a pas d’autre solution, mais la réalité est en quelque sorte travestie, habillée de neuf. La foule n’a pas encore investi les lieux. Des groupes cheminent ici et là. Les bâtiments administratifs ont été conservés ainsi que quelques miradors. Le soleil est à son zénith, les pierres et les graviers sont d’une blancheur aveuglante. Une vaste esplanade nous fait face. Je sais que cet espace est peuplé de numéros, j’imagine la foule debout sous le soleil ou dans la froidure, j’entends les aboiements du passé. Prévu pour 9000 personnes, le KZ comptera à l’automne 44 plus de 35 000 détenus.

©JL+L Encre de Chine


Les anciens bâtiments de l’administration ont été convertis en musée. De salle en salle, on prend la mesure de la « vie » au camp. Sur les panneaux et dans les vitrines, des photos, des documents divers, des dessins, des écuelles, des bribes de vie, des lambeaux de vie, des plaies encore fraîches des tortures du passé. Dachau était un camp modèle, une véritable ville comprenant, outre les blocks destinés aux détenus, des casernes, des usines, des armureries et de jolies villas destinées aux officiers. Ce que nous voyons est en fait un camp en miniature. Il ne reste presque plus rien des dix-sept blocks – un block a été reconstruit et les autres sont délimités par des rectangles de pierres. Par une fenêtre, nous découvrons le mémorial international dédié à tous ceux qui sont morts en tentant de s’enfuir du camp – enchevêtrement qui suggère à la fois les membres décharnés des prisonniers et les barbelés qui étaient disposés en double rangée autour des blocks. Le panneau consacré aux expérimentations médicales est particulièrement éprouvant. Nous progressons lentement, le regard se perd, s’accroche à des détails puis se fixe à nouveau. Une assiette en fer-blanc m’impressionne plus particulièrement – témoin dérisoire et pourtant « vivant » des atrocités et des humiliations. Mon regard vagabonde et je remarque un panneau indiquant les toilettes, je songe aux latrines des prisonniers… Un dessin reproduit les scènes de flagellation. Le trait est mal assuré, le papier est jauni, les cris semblent jaillir des couleurs défraîchies.



©JL+L Encre de Chine

Un petit groupe se constitue de panneau en panneau et je remarque la présence de deux personnages d’environ vingt-cinq ans, deux brutes qui ressemblent aux tortionnaires d’antan. Ils sont grands, massifs, adipeux. L’un des deux arbore un T-shirt au message provocant inscrit en anglais. Il s’agit vraisemblablement d’un supporter de foot. Mon regard ne parvient pas à se détacher de son crâne rasé et de sa nuque repoussante. Son compagnon a une mise plus discrète. Je me pose des questions, je me rapproche d’eux afin d’essayer de saisir au vol quelques phrases, mais ils restent muets. Je les suis, je reste perplexe, est-ce moi qui projette un jugement négatif ? Ils passent de longues minutes à examiner chaque panneau. Écœuré par leur présence, je les fuis.




©JL+L Encre de Chine

Nous quittons les bâtiments administratifs pour nous rendre dans l’unique block reconstruit. Quelques châlits sont en place. Tout est d’une propreté impeccable. Je songe à la réalité, à la crasse, aux bagarres entre les prisonniers pour occuper la place du dessus afin de ne pas être aspergés par les excréments des autres prisonniers (…) Les deux brutes ont réapparu. Il est impossible que je me trompe, ils ne sont pas là pour se recueillir, ils sont là pour savourer… Nous nous dirigeons vers la chambre à gaz, nom de code : Baracke 10. Le modèle est classique : une pièce réservée au déshabillage, une chambre de douches camouflée et un crématoire. Les appareils photos crépitent dans la chambre des douches, je ne comprends pas ce désir malsain. Les deux brutes sont à nouveau avec nous. Celui qui a le crâne rasé s’approche des bouches « d’aération », regarde à l’intérieur. Que cherche-t-il ? Il semble observer cela avec le détachement du professionnel qui apprécie le travail bien fait. Suis-je en train de fabuler ? Je suis tenté de m’approcher de lui et de lui demander franchement ce qu’il en est. Des touristes américains sont également médusés par la présence des deux brutes.
J’ai lu depuis que ces chambres à gaz furent utilisées de manière expérimentale par le sinistre docteur Rascher… Il n’y a pas eu de gazage de masse à Dachau.

À l’extrémité du camp, nous découvrons trois lieux de recueillement dédiés aux trois religions : juive, protestante et catholique.




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Nous repartons en direction des grilles, les touristes affluent. La lumière est toujours aussi aveuglante. Je songe aux soldats américains qui ont libéré le camp le 29 avril 1945, je vois des images d’archives, j’entends les détonations des exécutions sommaires, mais je sais qu’il m’est impossible de véritablement appréhender la réalité des camps. Je suis condamné à rester au seuil de cette réalité. J’entends la voix de mon ami Herman Idélovici, l’infatigable témoin qui se rendit dans de nombreux établissements scolaires des Alpes Maritimes dans les années 1990. Grâce à lui, je me suis approché de cette réalité et sa vie est inscrite dans la mienne. Je l’entends me dire : « j’ai quitté les camps, mais les camps ne m’ont pas quitté »…



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Texte et encres: Jacques Lefebvre-Linetzky