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jeudi 21 avril 2016

HUGUETTE WAHL ET NICOLE WEIL-SALON: DESTINS CROISÉS...




Il y quinze jours, nous recevions à l’antenne de RCN, Tamar Jacobs-Loinger qui a rendu hommage à sa maman, Fanny Loinger. Tamar nous a confié que son deuxième prénom était Huguette, en souvenir d’une amie de Fanny, avec qui elle avait travaillé pendant la guerre.

Cette semaine nous allons donc prolonger notre propos en évoquant Huguette Wahl et Nicole Weil-Salon, qui ont œuvré à l’O.S.E. pour sauver des enfants, et qui ont toutes deux péri dans les chambres à gaz d’Auschwitz en refusant de quitter les petits dont elle avaient la charge.

Marseille au printemps 1940



Image empruntée ici


Les principaux centres de résidence assignée étaient l’Hôtel du Levant, l’Hôtel Bompard et le Terminus du Port. Ils étaient sous contrôle policier, et ce, dès la fin du printemps 1940. Les internés femmes et enfants étaient dans l’attente d’un visa en vue d’émigrer outre-mer. Les hommes, quant à eux, étaient internés au camp des Milles. C'est à Marseille qu'ils devaient entreprendre les démarches nécessaires qui leur permettraient de s’embarquer et de quitter la France.


Image empruntée ici

À l'Hôtel du Levant, l'O.S.E. (Œuvre de secours aux enfants) avait établi un centre d'hébergement. Une centaine d’enfants partageaient l'espace avec 80 femmes, alors que l’hôtel n’avait qu’une capacité de 50 personnes.

Initialement, le statut de toutes les femmes logées au Levant était celui d’ «étrangère libre ». Mais en septembre 1941, les hôtels Bompard et Terminus du Port étant  saturés, 50 places au Levant furent réquisitionnées pour y loger des « transitaires » qui venaient d’un camp d’internement, généralement Gurs, Rieucros ou Le Récébédou. La vie dans les hôtels était difficile, mais n’avait rien à voir avec les conditions imposées aux réfugiés emprisonnés dans des camps d'internement.
Georges Garel dans le livre le sauvetage des Enfants par l’O.S.E., s’exprime en ces termes : « les journées dramatiques les longues nuits de criblage, les départs au petit jour en wagons à bestiaux, et toujours et encore, ces cris déchirants » p. 113
Cette équipe s’employait à faire sortir les enfants du camp des Milles où étaient internés les Juifs étrangers, surtout après les rafles d’août 1942, en zone libre.
Le camp fut fermé fin 42, mais Huguette Wahl et Nicole Weil-Salon poursuivirent leur travail de sauvetage.


Image empruntée ici

dimanche 10 avril 2016

FANNY LOINGER, L'INFIRMIÈRE AU GRAND COEUR



NOTRE INVITÉE DU JOUR, TAMAR JACOBS-LOINGER


© Jacques Lefebvre-Linetzky

Le 5 avril, Tamar Jacobs-Loinger a évoqué au micro de RCN le combat de sa mère Fanny, l’une des femmes qui ont participé à la Résistance juive, ces femmes qui, par leur courage et leurs initiatives, ont contribué à sauver un grand nombre d’enfants juifs de la déportation.


FANNY LOINGER



Collection Tamar Jacobs-Loinger (DR)

Fanny Loinger est née à Strasbourg le 29 mai 1915, dans une famille de Juifs ashkénazes traditionnalistes, 4ème d’une fratrie de 7 enfants. Tous fréquentent la Hatikwa, mouvement de jeunesse sioniste.



Fanny, Emma, Amanda et Georges
Collection Tamar Jacobs-Loinger (DR)

SAUVER LES ENFANTS, LE PARCOURS D'UNE VIE

En 1936, elle part pour la Palestine, pays sous mandat britannique. Elle travaille au Kibboutz  Naan, mais se rend compte qu’elle serait plus utile si elle avait un métier. Elle retourne à Strasbourg et entreprend des études d’infirmière.
La guerre et l’annexion de l’Alsace à l’Allemagne entrainent l’évacuation de l’école vers Bordeaux où elle obtient son diplôme. Elle est alors contactée par une de ses amies, Andrée Salomon, pour venir travailler à l’OSE (Œuvre de secours aux enfants) d’abord à l’Hôtel du Levant, à Marseille, puis au camp des Milles, près d’Aix en Provence où elle est « internée volontaire ». Elle fait sortir du camp des jeunes filles et des enfants.  Après les rafles en zone Sud, les Juifs internés au camp des Milles sont envoyés à Drancy ; le dernier convoi part le 11 septembre 1942.



Collection Tamar Jacobs-Loinger (DR)
Munie de papiers au nom de Stéphanie Laugier, Fanny entre dans le Réseau Garel, à Grenoble, puis dans la région lyonnaise. Elle est responsable de la région sud /est et organise le placement des enfants juifs dans des lieux sûrs. Elle leur rend visite à bicyclette. Elle s’est occupée de plus de 400 enfants et aucun ne fut arrêté, ce fut sa plus grande récompense.

LES ENFANTS DE BUCHENWALD

Après la Libération, elle se rend au camp de Buchenwald dès son ouverture et découvre avec horreur l’état des jeunes survivants. Elle prend en charge enfants et adolescents rescapés de la Shoah, puis travaille pour le Joint et l’Agence juive où elle s’occupe de l’Alyah des jeunes. L’Alya est un mot hébreu signifiant la montée ; il désigne l’immigration vers la Terre Promise. 

PUIS VINT LE TEMPS DU SILENCE…

En 1949, Fanny rencontre Heini Nezer, un Juif allemand ayant fui le nazisme dès 1936, en émigrant en Israël. Ils se marient à Paris et elle réalise enfin son rêve sioniste en retrouvant la Terre Promise où elle met au monde ses filles jumelles, Irit et Tamar.
Et Fanny, comme la plupart de ceux qui ont agi, s’est tue…



Fanny et Charlotte Rosenbaum-Helman
Collection Tamar Jacobs-Loinger (DR)

LA RECONNAISSANCE

Le 29 septembre 2014 était inauguré le centre Fanny Loinger à Créteil.  



© Michèle Merowka

Extrait du discours de Tamar lors de l’inauguration :

« Dès notre petite enfance, Irit et moi entendions maman nous raconter ses "aventures" que nous écoutions passionnément comme des histoires à suspense.
Cela se passait dans une sorte de huis clos entre nous trois, dans une Allemagne d'après-guerre. 
Nous, deux petites Israéliennes, avons donc grandi en écoutant les récits que Maman nous faisait de ses amies et collègues du réseau Garel : le docteur Joseph Weill, Lilly et Georges Garel, Andrée Salomon, Charlotte Hellmann, Robert Epstein, Huguette Wahl dont j'ai l'honneur de porter le prénom, mon deuxième prénom, et tant d’autres héroïnes et héros de la guerre. (...)
Avec nos poupées, ma sœur et moi jouions à cacher « nos  enfants », parce que c'est ainsi que maman nous parlait des enfants dont elle avait la responsabilité. Elle retrouvait nos poupées aux endroits les plus improbables, comme dans le panier à linge, dans les boites à chaussures ou autres tiroirs secrets, toujours accompagnées de vrais aliments et de fausse monnaie. Il fallait bien que nos enfants mangent, et soient vêtus, comme les  "autres" enfants de maman, ceux dont elle avait pris soin pendant la guerre.(...)
Quelle émotion lorsque, petites filles, notre maman nous avait raconté, qu'elle avait sorti un bébé dans un panier à linge du Camp des Milles… Toute sa vie, elle a gardé le regret de ne pas avoir pu également sauver la maman. 
Quelle émotion aussi quand elle nous a raconté avoir entendu un soldat allemand et un cheminot, sur le quai de la gare de Roman, discuter d'une rafle prévue dans le monastère où elle venait de cacher un petit garçon et ses deux sœurs. Elle est immédiatement  retournée  au monastère pour récupérer ces enfants, et cela contre la volonté de la mère supérieure. Le lendemain, les nazis sont repartis furieux, sans les trois enfants ! »




Tamar et son époux, entourés de leurs filles, Chloé et Julie. 
À la droite de l'image, Yaïr, le fils de sa sœur, Irit. 
© Michèle Merowka


Tamar Jacobs-Loinger est impliquée comme bénévole à l'OSE. Elle a eu l'honneur de représenter l'OSE à Houston (Texas, USA) en 2015 lors de la conférence qui s'y est tenue à l'initiative de la World Federation of Jewish Child Survivors of the Holocaust and Descendants. 

Si vous souhaitez consulter le site en anglais, cliquez ici

L'OSE

"Association juive créée le 28 octobre 1912, l’OSE place ses actions au service des valeurs humaines fondamentales.
Reconnue pour le sauvetage héroïque de plus de 5000 enfants durant la Seconde Guerre mondiale puis l’accueil des enfants survivants des camps, l’OSE prend en charge dans les années 1960, les enfants rapatriés d’Egypte, d’Afrique du Nord et leurs familles.
En France, l’OSE est reconnue d’utilité publique en 1951. Aujourd’hui, l’OSE diversifie ses actions et se déploie.
Près d’un siècle après sa création, l’OSE réunit 650 salariés et plus de 100 bénévoles.
L’association continue d’exercer sa mission d’aide médico-sociale autour de six grands pôles : l’enfance, la santé, le handicap, le grand-âge, la mémoire et l’action internationale.
L’association développe ses actions dans le respect des valeurs humanistes juives et de la laïcité républicaine.
En 2012, l’OSE a célébré les 100 ans de sa création par des médecins juifs de Saint-Pétersbourg."

Source: site de l'OSE.

Pour consulter le site de l'OSE, cliquez ici


LES FEMMES DANS LA RÉSISTANCE

Elles sont nombreuses, et elles ont accompli un travail extraordinaire, aussi dangereux et courageux que celui des hommes. Beaucoup y ont laissé leur vie : Hanna Senesh, Huguette Wahl, Marianne Cohn, Nicole Weil-Salon et Mila Racine dont nous vous parlerons lors de nos prochaines émissions. 

Texte: Michèle Merowka
Mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky


*** 

POUR RAPPEL : 

HOMMAGE À DEUX DÉPORTÉS

Charles Gottlieb, est décédé le 8 mai 2015 à Nice. Jeudi 31 mars, un hommage lui était rendu à la  Synagogue de Nice, en présence de sa compagne Rebecca Maraschek, d’Annette Barbut, ancienne déportée, de Maurice Niddam, Lucien Samack et des amis de Charles. Christian Estrosi a rappelé l’amitié qui le liait à Charly, ce témoin infatigable.   


Ce même jour, Imre Kertész est décédé à Budapest. Né en 1929, déporté à Auschwitz à 15 ans, il a survécu à l'horreur des camps, puis à la terreur stalinienne. Prix Nobel de littérature en 2002 pour l’ensemble de son œuvre, entre autres : Être sans destin (1975) et Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas (1990).