Hier
encore, ma jeunesse passée pleure Aznavour
Chanteur,
compositeur, poète, comédien, bête de scène. Il s’est éteint et sa lumière luit
en nous tant il nous a accompagné « au creux de notre cœur ». La presse
et la télévision, les média, comme on dit, nous ont tout raconté depuis sa
mort, la semaine dernière. Il y a eu, bien sûr, le bel hommage du président de
la République qui se terminait par ces mots : « En France, les poètes
ne meurent jamais ».
Pour
chacun et chacune d’entre nous, il représente un pan de notre histoire
personnelle, un souvenir, une émotion, un tremblement de l’âme. Sa voix nous
habite, une voix puissante venue d’un ailleurs trempé dans la souffrance et
l’exaltation, une voix couleur muraille qui nous arrache des larmes.
Il
a bien vieilli avec nous, son visage s’est buriné, les rides ont organisé une
géographie marquée par un tragique imprégné de gaieté. Télérama lui a consacré
un hors-série exemplaire. On le voit à différents stades de sa carrière. Le
noir et blanc lui sied bien. On feuillette les pages, on s’attarde, on découvre
ou on redécouvre des détails de sa vie et de sa carrière. Les portraits se
succèdent et ses yeux semblent nous inviter à ne pas l’oublier. Il y avait dans
les yeux d’Aznavour une tendresse infinie, une générosité discrète, une force
indomptable, une rage de vivre et de transmettre. Comme il nous manque déjà.
L'ami des Juifs et d'Israël
Il avait prévu de fêter son 95e anniversaire en 2019 à Tel Aviv ...
Image empruntée ici
« Nous
avons tant de choses en commun, les Juifs et les Arméniens, dans le malheur,
dans le bonheur, dans le travail, dans la musique, dans les arts. J’ai un petit
peu l’impression que je viens dans un coin de ma famille à moi parce que nous
avons la même manière, aussi, de vivre et de manger et de boire. »
Publié
dans The Times of Israël, 29 octobre
2017
La relation entre la
famille Aznavour et les Juifs repose également sur une reconnaissance mutuelle des souffrances endurées par les deux peuples. Charles Aznavour a maintes fois souligné
le fait que les Juifs ont été les premiers à reconnaître le génocide de son
peuple. C'est, de fait, l’un des trois génocides à posséder le droit d'être ainsi nommé.
Pour écouter Charles Aznavour chanter Yerushalaim, cliquez ici
Image empruntée ici
« Il
galéra jusqu’à l’âge de 36 ans pour imposer ses chansons sur scène, ne voulut
pas faire une « carrière américaine », juste être connu aux
Etats-Unis comme il fut connu ailleurs : un sondage du magazine Time et de
la chaîne CNN le classera en 1988 comme « Chanteur de variété le plus
important du XXe siècle », devant Elvis Presley et Frank Sinatra. Son
étoile est inscrite dans le « Walk of Fame » hollywoodien depuis
l’année dernière. Mais bien avant ces marques de reconnaissances
internationales, ses 600 chansons (et non 1300 comme on peut le lire un peu
partout…), 100 millions de disques vendus et plus de 50 films dans lesquels il
apparaîtra, Charles Aznavour était Varenagh Aznaourian, né en France le 22 mai
1924. »
Alain Granat, Jewpop, 2018
Pour lire l'intégralité de cet article sur Jewpop, cliquez ici
Aïda, l'âme sœur...
Charles a une sœur,
nommée Aïda. On a entendu parler, ces derniers jours, du pacte qu’il avait
conclu avec elle, de devenir centenaires ensemble… Ils étaient très proches.
Aïda a épousé le compositeur Georges Garvarentz, comme elle d’origine
arménienne, né en Grèce et Français. Si son nom ne vous est pas familier, ses
chansons le sont sûrement : Daniela,
ça vous dit quelque chose ? Et bien
sûr Retiens la nuit, pour Johnny
Hallyday, et La plus belle pour aller
danser, pour Sylvie Vartan. Pour Charles Aznavour il a composé La Marche des Anges, Hier encore, Désormais,
Les plaisirs démodés… entre autres. Et un nombre important de musiques de
films que tous connaissent, à commencer par Un
taxi pour Tobrouk.
En 1957, Aïda a chanté une chanson emblématique de la relation de sa famille avec les Juifs : Sarah. Il y est question d’une jeune fille
qui a quitté sa famille et la boutique de son père, tailleur. Et tous
l’enjoignent de revenir vers eux… Comme si elle partait pour une autre
communauté, un autre monde, qui la transformerait.
Cathie Fidler
Pour écouter Aïda Aznavour chanter Sarah, cliquez ici
Image empruntée ici
© Joël Saget/ AFP
« Il y a en moi
quatre personnages : je suis celui que l’on croit que je suis, celui que
je crois être, celui que je veux être et celui que je suis en vérité. »
Entretien donné à la 2e
chaîne de l’ORTF le 19 novembre 1967.
« Le matin quand je
me réveille et que je sais que je suis en vie, je repars du bon pied. Tous les
soirs, je pense à la mort et tous les matins, je pense à la vie. Je suis un bon
vivant. Moi j’aime vivre, je n’ai pas peur de la mort, j’ai peur de ne pas
vivre. »
Le 8 octobre dernier,
France 5 a eu la bonne idée de diffuser à nouveau l’inoxydable Un taxi pour Tobrouk de Denys de La
Patellière, 1960. À l’époque, la vedette, c’était Lino Ventura, le balèze de
service, une tronche, une voix qui percutait l’écran comme un uppercut.
Aznavour, c’était peu de chose à côté de l’ancien champion de catch. Et
pourtant, tout chétif qu’il était, il parvient à voler la vedette au massif
Lino. Acteur « naturel » par excellence, Charles Aznavour, lâche ses
répliques comme s’il était sur un ring. Il faut dire qu’il était servi par les
dialogues à l’emporte-pièce de Michel Audiard. Et puis, il y a les silences de
Charles, la respiration de Charles qui donnent encore plus de relief à cette
présence magique. Médecin juif dans le film, il est le seul à n’éprouver aucune
sympathie pour le soldat allemand au comportement honorable. Ce n’était pas
prévu dans le scénario original, c’est Aznavour qui a imposé cette vision forte
et cohérente du personnage qu’il incarnait. La France gaullienne célébrait la
réconciliation avec l’Allemagne et ce film est en partie le miroir de
cette époque. Charles Aznavour permet ainsi à Un taxi pour Tobrouk de ne pas sombrer dans un récit par trop
convenu, même si on y reconnait des accents antimilitaristes.
Jacques Lefebvre-Linetzky
Jacques Lefebvre-Linetzky
"Retiens la vie"
Charles Aznavour, invité de La Grande Librairie, novembre 2017
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Thé ou café?
Charles Aznavour "interviouvé"
par Catherine Ceylac, janvier 2018
par Catherine Ceylac, janvier 2018
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Ses voyages immobiles
« Aventurier des mots et de la chanson,
J’ai voulu découvrir, parcourir,
Visiter le monde et les choses.
Je l’ai fait de deux manières :
Les voyages et les dictionnaires.
Je suis allé d’est en ouest,
J’ai navigué sur toutes les mers et tous les océans
Visité les plus belles villes,
Contemplé les paysages les plus grandioses,
J’ai admiré les merveilles
Que la main de l’homme
A su modeler et construire.
Pourtant je me rends compte,
Pourtant je me rends compte,
À l’âge où les déplacements se font plus rares,
Que mes voyages les plus extraordinaires
Ont finalement été mes voyages immobiles. »
À voix basse, Charles Aznavour, Ed. Don Quichotte, 2009
Remerciements réitérés et chaleureux à Alain Granat qui nous a autorisé à utiliser son article.
Mise en page, Jacques Lefebvre-Linetzky, 2018
Remerciements réitérés et chaleureux à Alain Granat qui nous a autorisé à utiliser son article.
Mise en page, Jacques Lefebvre-Linetzky, 2018
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