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lundi 23 février 2015

AVANT-PREMIÈRE DE L'ANTIQUAIRE




CETTE PROJECTION AURA LIEU À LA CINÉMATHÈQUE DE NICE
LE LUNDI 16 MARS À 19H
et sera suivie d’un débat avec le réalisateur, 
François Margolin

Le site officiel du film :
Cliquez ici


Adresse : Cinémathèque de Nice
3, Esplanade Kennedy, Tunnel André Lieutaud, 
06300 Nice
Téléphone : 04 92 04 06 66
Prix du billet: 10 €
Organisation : L'AMEJDAM, le Bnai Brith - Loge Eistein, et Mme Schneeberg, attachée de presse. 
Grâce à l'aimable collaboration de Mme Odile Chapel, Directrice de la Cinémathèque de Nice.


L’Antiquaire (The Art Dealer)

Synopsis

Esther, une jeune femme de 30 ans, part à la recherche de la collection de tableaux volés à sa famille, juive, pendant la Deuxième Guerre mondiale. En cours de route, tout en mettant à jour des secrets de famille profondément enfouis, elle redécouvre son père.
Source : dossier de presse

Le réalisateur, François Margolin


Image prise ici


Né en 1955, élève de l’IDHEC, il a commencé comme assistant puis monteur de Raymond Depardon. Son premier court-métrage, Elle et Lui (1987), lui a valu le Prix Jean Vigo.
Il est réalisateur, scénariste et producteur. Affectionne aussi bien les films de fiction que les documentaires.
1992 : Mensonge, Grand Prix des Festivals de Chicago et de Tokyo
1996 : La pitié dangereuse
2000 : L’opium des Talibans
2005 : Les petits soldats
2015 : L’Antiquaire


Interprètes :



Image prise ici

      Anna Sigalevitch
  Michel Bouquet
  Robert Hirsh
  François Berléand
   Louis-Do de Lencquesaing


Question au réalisateur
L’histoire est-elle inspirée de faits réels ?

Au départ, oui. J’ai eu le projet, il y a une douzaine d’années de faire un documentaire sur les tableaux volés pendant la Guerre. J’ai commencé à travailler sur le sujet avec Hector Feliciano, un journaliste américain qui vivait à Paris et qui venait d’écrire un livre, « Le Musée Disparu », qui a réouvert, au milieu des années 90, le débat sur la question du vol des tableaux aux collectionneurs juifs par les Nazis et sur leur non-restitution par les musées français ou, disons, leur restitution au compte-gouttes. Mais, la question n’intéressant pas trop les chaînes de télévision à l’époque et, surtout, beaucoup des descendants des collectionneurs spoliés ne voulant pas parler à visage découvert – ils avaient peur de ne jamais rien récupérer s’ils se montraient –, nous avons été contraints d’abandonner le projet.

jeudi 12 février 2015

LE MAL

Jacques Lefebvre-Linetzky a reçu Sarah Barnaud-Meyer à l’antenne de RCN le 9 février 2015, dans le cadre de l’émission de l’AMEJDAM, « Au Nom des Enfants ».




Sarah Barnaud-Meyer est professeur de philosophie, agrégée de l’université. Elle enseigne en classes préparatoires littéraires et commerciales au lycée Masséna de Nice.
Nous avons choisi d’explorer le mal, ce mal qui, pour Paul Ricoeur, est une énigme.


Saturne dévorant un de ses fils, Francisco Goya
image prise ici


Voici une synthèse des propos de Sarah :

Pour le cœur, mais aussi pour la pensée, le mal est un scandale. D’après Leibnitz, philosophe allemand du 17ème siècle, on distingue des maux :
Le mal physique, la douleur subie.
Le mal moral qui désigne les fautes commises par les hommes et qui mettent en cause la responsabilité humaine.
Le mal métaphysique qui est un mal inhérent à la nature des choses.
Dans une perspective religieuse, le mal soulève une question fondamentale : comment comprendre que Dieu ait créé le monde et qu'il ait permis que le mal existe ? 

On a cherché à expliquer le mal.

Les Anciens, comme Socrate dans la Grèce du Vème siècle avant Jésus Christ, relèguent le mal dans le dérèglement, l’hubris ou l’excès. Celui qui fait le mal juge mal.
Tout change avec l’invention du péché, c’est-à-dire en Occident avec le judéo-christianisme. L’emblème du problème, c’est le personnage de Job, l’archétype du juste qui est mis à l’épreuve par Satan avec la permission de Dieu.
Avec le 18ème siècle, le mal comme entité cesse d’être le nom d’un problème spécifique. La croyance en la perfectibilité humaine, au progrès par une raison de plus en plus éclairée, semble « réconcilier » les hommes avec le mal. C’est ce que tentent les grandes philosophies de l’histoire, de Kant à Hegel.


Lot’s Wife, Anselm Kiefer
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Mais l’existence des camps de concentration et d’extermination au 20ème siècle fait resurgir la question : on ne sait quel nom donner à l’extermination méthodique de millions de personnes tout en soupçonnant que cet innommable, cet indicible, cette chose insensée, c’est le Mal.
La question s’est posée aux survivants, aux témoins comme aux héritiers de ce que Primo Levi a appelé le « trou noir d’Auschwitz ». Peut-on penser le mal ? Peut-on rendre intelligible ce qui a conduit à Auschwitz ?
Or vouloir comprendre le mal, c’est prendre le risque d’évacuer la responsabilité des hommes.
Ceux qui avaient vécu la Shoah ont eu le même questionnement : que dire, qu’en dire, comment le dire ?

Pour Hannah Arendt la question s’est posée d’emblée comme une nécessité de penser ce qui avait eu lieu.
Pour en savoir plus sur Hannah Arendt, consultez ce site 



image prise ici



En 1951, elle publie Les origines du totalitarisme où elle pose trois questions :

Que s’est-il passé ?
Pourquoi cela s’est-il passé ?
Comment cela a-t-il été possible ?

En 1961, Hannah Arendt couvre le procès d’Eichmann pour The New Yorker. Deux ans après, elle publie Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal. Elle voit en Eichmann une « normalité » terrifiante, un nouveau type de criminel qui commet des crimes dans des circonstances telles qu’il lui est pour ainsi dire impossible de savoir ou de sentir qu’il fait le mal. Il allie intelligence stratégique et vide moral – il a abdiqué toute pensée.

Eichmann représente un archétype de l’anesthésie de la pensée. Eichmann a renoncé à la première personne du singulier. JE PENSE repose sur JE. L’absence du JE, c’est le début des tous les crimes possibles.

Plutôt qu’une « théorie du mal », Hannah Arendt propose une interrogation qui motive une vigilance critique et éthique.

Comment peut-on basculer dans le mal ? Une question qui est toujours d’actualité.

La soumission à l’autorité et les expériences de Stanley Milgram.


image prise ici



Dans les années 1960 aux USA, Stanley Milgram s’appliqua à identifier et à mesurer expérimentalement les facteurs de soumission à l’autorité. Pour plus de détails consultez ce site  

« L’individu qui entre dans un système d’autorité ne se voit plus comme l’auteur de ses actes mais plutôt comme un agent exécutif des volontés d’autrui. Cet état, Milgram l’appelle « l’état agentique » et l’oppose à « l’état autonome » dans lequel l’individu s’estime responsable de ce qu’il fait et de ce qui lui arrive. Autrement dit, dans l’état agentique, le sujet ne se sent pas responsable de ce qu’il fait puisqu’il en attribue la responsabilité à l’autorité ; il n’est plus que des bras qui exécutent une volonté de la hiérarchie sans porter de jugement sur ce qu’on lui demande d’exécuter. »

L’expérience de Milgram par A. Cerclé et Alain Somat, Psychologie sociale, cours et exercices, Dunod, 2002, pp : 134 & 136.

La radicalité du bien

Selon Hannah Arendt, seul le bien a de la profondeur. La profondeur du bien tient à l’exercice de la pensée : JE suis responsable de ce que JE PENSE et de ce que JE FAIS.
Elle l’exprime clairement dans une lettre à Gershom Scholem :

« Mon avis est que le mal n’est jamais « radical », qu’il est seulement extrême, et qu’il ne possède ni profondeur, ni dimension démoniaque (…) il défie la pensée (…) parce que la pensée essaie d’atteindre à la profondeur, de toucher aux racines, et du moment qu’elle s’occupe du mal, elle est frustrée parce qu’elle ne trouve rien. C’est là sa banalité. Seul le bien a de la profondeur et peut être radical. » 
Hanna Arendt, lettre à Gershom Scholem, janvier 1964.

Dire que le mal est banal, ce n’est pas dire qu’il est ordinaire au sens où on pourrait le banaliser, mais c’est dire qu’il appelle une vigilance critique et, qu’au fond, toute la réflexion mérite d’être centrée sur les conditions du bien, c’est-à-dire sur sa profondeur. C’est une vigilance critique aussi bien politique, collective, qu’individuelle pour éviter ce que Milgram appelait « la soumission à l’autorité ».

En guise de conclusion

Les faiseurs de bien…

" Dans les faits, l’aide apportée par les sauveteurs de Juifs provenait, dans plus de 90 % des cas, d’un profond sentiment d’injustice et de l’horreur que suscitait en eux la politique nazie à l’égard des Juifs, de réactions émotionnelles face au spectacle de leur sort, qui éveillaient le sentiment impérieux d’une obligation personnelle de venir à leur secours (…)
Ce devoir, cette nécessité qu’ils éprouvaient naturellement, ne se rapportait pas à une conception théorique et abstraite, purement rationnelle, de l’obligation morale, mais au contraire de leur propre spontanéité. Ils n’agissaient pas dans le cadre d’une obéissance inconditionnelle à l’impératif catégorique de la loi morale. (…)
Leurs actions étaient le fruit d’un profond accord avec soi, d’un accord avec leurs émotions, leurs sentiments et leurs croyances. Le soi dont il est question n’est pas uniquement le soi rationnel (…) mais le soi individué, riche de toutes les forces spirituelles, intellectuelles et affectives d’un être singulier, capable de surmonter par lui-même non seulement des obstacles et des dangers redoutables, mais plus encore la règle d’or de l’intérêt bien compris – « Fais à autrui ce que tu voudrais qu’il te fasse ». (…) Les motifs  qui poussaient les sauveteurs à agir étaient formulés dans des phrases du type « que pouvais-je faire d’autre ? », « ces personnes étaient en grave danger et c’était tout naturel de les aider ». Ces motifs n’avaient pas besoin d’être rationnellement explicités ni d’être justifiés par une argumentation quelconque…
Les comportements altruistes que nous avons évoqués ne sauraient donc être compris à partir d’une conception dualiste de l’homme qui sépare la raison de la sensibilité, l’esprit et le cœur. Ils résultaient au contraire d’un profond sentiment d’unité intérieure, d’une parfaite intégration des différents composants de la personnalité humaine, à la fois subjectifs et rationnels, et ils ont été le fait d’êtres qui avaient réalisé en eux cette intégration et cette synthèse. Seule une personnalité ainsi psychiquement unifiée est capable de s’ouvrir à la souffrance d’autrui et de courir de tels risques pour la soulager."

Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d’humanité, banalité du mal, banalité du bien, La découverte/poche, 2005, pp : 237/238.

Bibliographie

Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme(The Origins of Totalitarianism), 3 volumes (Antisemitism, Imperialism, Totalitarianism), 1951 ; nouvelles éditions en 1958, 1966, 1973. Traduction française en trois ouvrages séparés (puis réunis en un seul volume, Paris, Gallimard, 2002)

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, trad. A. Guérin, Paris, Gallimard, 1966 ; revue par Michelle-Irène Brudny de Launay, Paris, Gallimard, coll. "Folio", 1991 (Eichmann in Jerusalem : A Report on the Banality of Evil, New York, The Viking Press, 1963).

Robert Merle, La mort est mon métier, Gallimard, 1952.

Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d’humanité, banalité du mal, banalité du bien, La découverte/poche, 2005.