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jeudi 22 octobre 2020

HERBERT TRAUBE : UN PARCOURS MOUVEMENTÉ

Herbert Traube, entre  Michèle Merowka et Cathie Fidler,
dans le studio de RCN 89.3 
(sans masque, mais juste le temps de la photo !)


Le 6 octobre dernier, nous avons eu l'immense honneur de recevoir, sur l'antenne de RCN, un homme exceptionnel à tous égards : Monsieur Herbert Traube. 

Herbert Traube – dont nous pouvons révéler qu'il a plus de 96 ans – a répondu à nos nombreuses questions sur son parcours, depuis son enfance dans sa ville natale de Vienne et son départ d'Autriche, sur ses internements dans les camps de Gurs, de Rivesaltes (une détention à laquelle, hélas, sa maman ne survécut pas) et des Milles, sur ses diverses évasions (spectaculaires), son engagement militaire dans la Légion Étrangère, et tout ce que cela a impliqué. 



Nous avons été éclairées, grâce à lui, sur les diverses périodes de cette vie véritablement exceptionnelle – le terme n'est pas trop fort – et nous avons été sidérées par le contenu de ses réponses, si détaillées et précises. 

Plutôt que de les retranscrire ici, nous vous engageons à cliquer sur ce lien afin de les entendre. Promis, vous ne le regretterez pas. Herbert Traube est passionnant à écouter. 


Tout jeune homme encore,
Herbert Traube a fait preuve d'une résilience 
et d'un courage extrêmes...

Vous pouvez également lire une partie de ses souvenirs de l'hiver 1940-41 sur le site du Camp de Gurs

Ce sera ICI

Nous ajoutons, en guise de conclusion, que le livre qu'Herbert Traube a écrit sera bientôt à nouveau disponible, car enfin en ré-impression. Guettez-en aussi la sortie. Vous le lirez comme on lit un roman, le roman de sa vie, raconté avec une voix précise, sincère et authentique. Il devrait figurer dans tous les centres de documentation des établissements scolaires, car cette vie, sa vie, est exemplaire, à tous égards. 



Ouvrage édité par le Camp des Milles




Bonne écoute, en attendant !

RAPPEL : C'EST PAR ICI





Texte et mise en page de ce billet : Cathie Fidler

  

lundi 19 octobre 2020

LE MASSACRE DE TULLE, ENTRETIEN AVEC FABRICE GRENARD

 



Ouest-France, DR
Image empruntée ici


Le 13 octobre dernier, Fabrice Grenard nous a accordé un entretien à propos du massacre de Tulle le 9 juin 1944. 

Fabrice Grenard est diplômé de l'IEP, Paris, agrégé de l'Université et docteur en Histoire. Il a enseigné en lycée et à Sciences PO, Paris. Il dirige actuellement le département recherche et pédagogie de la Fondation de la Résistance. Il s'est spécialisé dans les aspects économiques et sociaux des années de guerre. Ses recherches ont également porté sur les maquis et la Résistance. Enfin, il s'est  intéressé à la reconstruction de la France au lendemain de la guerre.
 
Fabrice Grenard a publié de nombreux ouvrages :

La traque des résistants, Tallandier, 2019.
Tulle, enquête sur un massacre, 9 juin 1944, Tallandier, mai, 2014.
Une légende du Maquis, Georges Gingouin, du mythe à l'histoire, Vendémiaire, 2014.
Les scandales du ravitaillement. Détournements, corruption, affaires étouffées en France, de l'Occupation à la guerre froide, Paris (Éditions Payot & Rivages), 2012.

Maquis Noirs et Faux Maquis, 1943-1947, Vendémiaire, 2011.
La France du marché noir (1940-1949), Payot, 2008.

Il a participé à la rédaction d'ouvrages collectifs :

Atlas de la France dans la Seconde Guerre mondiale, Fayard, 2010.
Dictionnaire historique de la France libre, Robert Laffont, 2010.
Histoire économique de Vichy : l'État, les hommes, les entreprises, Perrin, 2017. 

Enfin, il a été conseiller historique du film documentaire d'Emmanuel Amara intitulé, Le massacre de Tulle, 9 juin 1944, 2014. 


Image empruntée ici


Les faits

Le 9 juin 1944, Les SS de la division Das Reich raflent tous les hommes âgés de seize à soixante ans sur lesquels ils ont pu mettre la main. 120 d'entre eux sont condamnés à la pendaison. Finalement, 99 seront suppliciés en présence de leurs familles et de leurs amis. Le nombre total de victimes civiles tuées par les SS, s'élève à 213. 


Image empruntée ici

L'essentiel de l'entretien avec Fabrice Grenard 



Image empruntée ici


La chronologie des événements

La première date importante, c'est le 5 juin 1944. La division Das Reich, qui est basée à Montauban, reçoit l'ordre de remonter vers le nord, vers le Limousin pour empêcher qu'une insurrection ne s'y développe alors que les Allemands sentent que les Alliés sont sur le point de débarquer. De fait, le lendemain, le 6 juin 1944, a lieu le débarquement. Les résistants sont sur le pied de guerre et le 7 juin 1944, les FTP de Corrèze décident donc d'attaquer la garnison allemande de Tulle pour libérer la préfecture alors que partout, des appels à l'insurrection et à participer  à la bataille de France  se multiplient. Les combats couvrent deux journées, les 7 et 8 juin 1944. À la fin de la journée du 8 juin, les FTP maîtrisent quasiment totalement la ville de Tulle à l'exception d'un ou deux points de résistance qui sont maintenus, notamment dans le quartier de la gare. Mais le 8 juin au soir, la division Das Reich arrive dans Tulle pour reprendre le contrôle de la ville et le lendemain, le 9 juin, la division Das Reich rafle l'ensemble de la population masculine de la ville et va procéder aux exécutions.

La division Das Reich


La bataille de Koursk
Image empruntée ici

C'est une division SS, une division d'élite qui a combattu en 1942/43 sur le front de l'Est, qui a donc été engagée dans la guerre contre les partisans. À la fin de l'année 1943, cette division a été lourdement touchée sur le front de l'Est, notamment lors de la bataille de Koursk, la grande bataille de chars.  

Hitler a décidé de transférer cette division en France à la fois pour la reconstituer et aussi pour qu'elle puisse agir en France en cas de débarquement allié. Elle va être reconstituée avec de jeunes combattants, y compris des Malgré Nous, des Alsaciens qui ont été enrôlés de force. 

La division est basée à Montauban, simplement parce on ne sait pas si les Alliés vont débarquer sur la côte méditerranéenne  ou sur la côte atlantique. Montauban est à égale distance des deux littoraux. Cette division va importer en France les méthodes qu'elle avait utilisées sur le front de l'Est en 1942/43. Son chef est le général Lammerding. 

Le mode opératoire


Cette photographie n'a pas été prise à Tulle, elle date de juillet 1944, 
elle figure dans les archives fédérales allemandes. 
Image empruntée ici

Les méthodes utilisées sont simples. Elles consistent à considérer que les résistants et tout particulièrement les partisans dont les équivalents en France sont les Maquisards, ne sont pas des combattants réguliers, ce sont des terroristes. Donc, si on arrête des partisans, il n'est pas question de les traiter comme des prisonniers de guerre ou de leur faire des procès réguliers. Ce sont des personnes à abattre immédiatement et comme ces partisans sont difficilement saisissables, puisqu'ils sont mobiles et qu'ils ont l'avantage du terrain, on s'en prend surtout aux populations civiles des secteurs où s'implantent les maquis en considérant que, quelque part, elles sont complices. Les directives allemandes sont très claires en la matière : on peut arriver dans un village, brûler le village et exécuter ou déporter une partie des habitants que l'on considère comme complices. 

Les objectifs définis par le général Lammerding


Heinz Lammerding (1905-1971)
Image empruntée ici




Les Allemands savent qu'il y a plusieurs zones de maquis importantes à la fois contre les Alliés sur les plages normandes et à l'intérieur du territoire contre des FFI/FTP qui auraient libéré des zones entières de la France.  Cela gênerait considérablement les transports et les communications, indispensables dans la bataille qui s'engage. 


Image empruntée ici

La mission première de Lammerding, c'est d'éviter que le Limousin ne se libère de lui-même à l'annonce du débarquement allié. Il doit pour cela démanteler au maximum les maquis qui s'y sont développés. Il doit aussi reprendre le contrôle des villes et des villages libérés par le maquis. Ce sera le cas à Tulle. Mais comme il a très peu de temps pour accomplir sa mission, il lui faut terroriser la population afin de la décourager de soutenir la résistance. 

Les pendaisons


La Manufacture d'Armes de Tulle
Image empruntée ici

Ce type d'exécution avait été déjà utilisé sur le front de l'Est. C'est une façon de criminaliser les personnes exécutées. La pendaison est le mode d'exécution le plus infamant. Il s'agissait toujours de terroriser les populations et, également, de criminaliser la résistance, montrer que les résistants ne sont pas des patriotes, mais des bandits. Les affiches apposées à Tulle vont présenter les pendaisons comme des représailles, mais il s'agit en fait d'un crime de guerre. La grande majorité des otages qui sont pendus n'avaient rien à voir avec la résistance. 

Beaucoup, notamment, sont de jeunes étudiants qui sont venus se réfugier à Tulle pour fuir les bombardements. (...) Les otages ont été sélectionnés selon des critères assez simples. Les Allemands observent les gens, s'arrête sur quelqu'un qui a une barbe hirsute et décident que c'est un maquisard qui n'a pas eu le temps de se raser. La scène est terrible, elle se joue le 9 juin en début d'après-midi à la Manufacture d'Armes de Tulle où plusieurs centaines de Tullistes ont été rassemblés par les Allemands. Et c'est Walter Schmald, membre du Sicherheitsdienst (service de la sécurité) qui est en charge de la sélection. 


Walter Schmald (1917-1944) - fusillé le 22 août 1944
Image empruntée ici

L'effet du massacre sur la population

L'effet a été terrible, on en voit encore aujourd'hui les conséquences dans la ville. La population soutient en majorité les résistants lors de leur tentative de libérer la ville. Une partie va se désolidariser au lendemain du massacre. Des tensions et des rancœurs vont suivre entre ceux qui pensent que l'attaque était trop précoce et ceux qui disent qu'il ne faut pas tomber dans le jeu des Allemands. (...)

Les chefs de la Résistance étaient conscients de cet échec. On dispose d'un rapport écrit du responsable FTP qui a mené l'opération, Jean-Jacques Chapou dans lequel il souligne qu'il s'agit d'un échec militaire et politique puisqu'une partie des Tullistes s'est éloignée des résistants. 



Jean-Jacques Chapou (1909-1944)
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L'après-guerre

Les responsables n'ont pas été traduits en justice. Un certain nombre d'officiers de la Das Reich vont disparaître lors des combats de juin/juillet 1944. Le principal responsable, le général Lammerding, va finir ses jours tranquillement en Allemagne. Il était en zone d'occupation américaine d'où il ne sera jamais extradé vers la France. Comme on n'a pas fait le procès des responsables du massacre, comme aucun jugement n'a été rendu,  la ville de Tulle n'a jamais pu tourner la page. 




Pour écouter l'intégralité de l'entretien avec Fabrice Grenard, cliquez ici


Liens utiles

Le massacre de Tulle, 9 juin 1944, Emmanuel Amara, (2013), cliquez ici

La bataille de Koursk, cliquez ici


Das Reich, une division SS en France, Michael Prazan, (2014), cliquez ici

Un été en Limousin, Pascal Coussy, Karl Constable, Chantal Cogne, (2014), cliquez ici

"La bataille suprême est engagée..." Pour écouter le discours du général de Gaulle, le 6 juin 1944, cliquez ici 

Le texte du discours du général de Gaulle est disponible ici



Le champ des Martyrs à Tulle
Image empruntée ici


Extraits de l'ouvrage de Fabrice Grenard 
Tulle, enquête sur un massacre, 9 juin 1944. 


La Division Das Reich

Véritable armée parallèle issue de la "garde noire" initialement dévolue au service d'ordre et de protection d'Hitler et apparaissant comme la troupe spéciale du parti nazi, la SS voit se créer en son sein, à la veille du déclenchement de la guerre, de véritables unités combattantes (Kampfgruppen) indépendantes de la Wehrmacht et appelées à participer aux combats à venir. Après que les premières unités SS ont opéré lors de la campagne de Pologne, leur chef Himmler obtient que de nouvelles troupes soient constituées, bientôt qualifiée de "Waffen SS" ("SS combattantes"). Ces unités sont organisées en plusieurs régiments qui forment, à partir de l'automne 1939, la première "SS V-Division" ("SS Verfügungstruppen Division", division SS des troupes à disposition). Engagée lors de la campagne contre la Belgique, les Pays-Bas et la France, elle stationne en mai dans l'Aisne puis participe en juin à l'offensive vers le sud de la Loire. À la fin de l'année 1940, elle prend le nom de "Division SS Deutschland" avant d'être finalement rebaptisée "Division Das Reich" au début de l'année 1941. 

Walter Schmald, le "chacal"

De façon assez étrange d'ailleurs, tous les témoins qui l'évoquent l'appellent par son prénom, Walter, n'utilisant jamais son nom de famille. L'instituteur Soulier en a fait une description physique précise: "Longs cheveux blonds, avec des reflets fauves et ramenés en arrière, visage rasé, teint mat, 30 ans environ, yeux toujours demi-fermés pour mieux voir, et surtout la demi-lèvre supérieure droite toujours relevée, comme gonflée de venin. Il parlait peu, questionnait beaucoup, ne marquant de déférence pour aucune autorité. Ce qui le caractérisait, c'était son dos, un dos en arc, sans entrailles, un dos comme en supportent ceux qui ont pioché la terre toute leur existence, ou qui ont pâti toute leur vie sur de gros registres."

Le tri

... À chaque fois qu'une personne est extraite du groupe fatal, cela en condamne une autre qui se trouvait initialement dans l'un des deux autres groupes. Cet élément a pesé considérablement par la suite sur la mémoire particulière de l'événement et la rancœur des familles de victimes : il était clair qu'un grand "marchandage", avec un enjeu terrible, la vie ou la mort, s'était déroulé dans les heures précédant les pendaisons, la situation des otages apparaissant très inégalitaire selon leurs relations et leur statut. 

Une blessure impossible à refermer

Depuis la Libération, Tulle a toujours vécu avec le poids des journées de juin 1944. À travers ses stèles, ses rues et ses monuments, la ville porte de façon indélébile la marque de ces événements tragiques. Les commémorations annuelles semblent illustrer à la fois la douleur toujours présente ainsi qu'une communion consensuelle de la population autour des pendaisons: c'est ce que rappellent les bouquets de fleurs accrochés aux façades et lampadaires qui avaient servi de potence aux SS. Mais en réalité, les souvenirs et représentations mémorielles qui se développèrent autour du massacre de Tulle témoignent aussi d'une "mémoire désunie", selon la variété des expériences vécues. Cela illustre parfaitement les analyses de l'historien Olivier Wieviorka au sujet de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, qui "apparaît comme une mémoire fragmentée, conflictuelle et politisée qui sépare plutôt qu'elle rassemble". 

Le massacre de Tulle n'est pas un dérapage

Le massacre de Tulle n'est donc pas un "dérapage" ou un acte dont seule la division SS "Das Reich", présentée comme la plus barbare des unités allemandes stationnées en France, aurait été capable. Il s'est bien agi du côté  allemand de susciter à travers les pendaisons du 9 juin une terreur généralisée afin de couper la population des maquis et d'empêcher que de nouvelles tentatives de libération de villes n'aient lieu en France, à l'heure où s'engageait en Normandie la bataille décisive. Cela explique toute la mise en scène développée : l'obligation pour toute une partie de la population d'assister aux pendaisons, l'interdiction qui a été faite d'enlever les cordes des suppliciés pendant près d'une semaine. Tout en étant peut-être moins connu, le massacre de Tulle n'en fait pas moins partie de ces massacres collectifs de populations civiles importants qui ont été perpétrés par les Allemands dans toute l'Europe au cours de la guerre. 

Tulle, enquête sur un massacre, 9 juin 1944, Tallandier, mai, 2014.


Texte et mise en page de ce billet : 
Jacques Lefebvre-Linetzky








jeudi 1 octobre 2020

SUIVEZ-NOUS SUR RCN 89.3 : "AU NOM DES ENFANTS"

VOUS VOULEZ NOUS ÉCOUTER, EN DIRECT OU EN DIFFÉRÉ ? 

C'est bien entendu possible, puisque nous animons chaque mardi À 15:00 heures une émission de 30 minutes, "AU NOM DES ENFANTS" SUR RCN 89.3, dont les podcasts sont facilement disponibles. 

Nous vous invitons donc à cliquer sur CE LIEN, pour (re) découvrir notre avant-dernière émission, consacrée au massacre d'Oradour-sur-Glane. Ce site mémoriel ayant été victime de dégradations récemment, nous avons pensé utile d'en rappeler l'histoire, et le sens de sa préservation. 


Les tags nuisibles ont, heureusement, 
été dissimulés très vite par les autorités locales

Et puis, la dernière émission de septembre est revenue sur l'histoire du ghetto de Vilnius, en Lituanie, et surtout sur celle d'une chanson très émouvante, une berceuse composée par un enfant de onze ans, Shtiler, Shtiler. Ce jeune garçon,  Alexandre Volkovistki, est ensuite devenu, sous le nom d'Alexander Tamir, un musicien à la carrière exceptionnelle. 

Vous pourrez écouter ici l'émission en elle-même et, en cliquant , vous aurez accès à l'interview que le talentueux Helios Azoulay (bien connu des membres de l'AMEJDAM) avait accordée à l'AKADEM. 


Mais surtout, écoutez, , Marielle Rubens chanter "Shtiler, Shtiler"... Une merveille d'émotion. 


À bientôt, amis et amies de l'AMEJDAM, sur les ondes de RCN ou ici-même. En attendant, continuez à prendre soin de vous !


NB : L'émission de la semaine dernière, sur Alain Kleinmann, ayant eu droit à un billet très complet, nous ne l'avons pas évoquée à nouveau ici. 


* * * * * * * 


Rédaction et mise en page de ce billet : Cathie Fidler

mardi 22 septembre 2020

L'ART ET LA MÉMOIRE, UN ENTRETIEN AVEC ALAIN KLEINMANN


Alain Kleinmann, un peintre d'exception


© Alain Kleinmann, DR. Image empruntée ici

Alain Kleinmann est peintre, c'est aussi un sculpteur, un collagiste, un assembleur d'objets, un dessinateur au trait subtil et évocateur. Il travaille à Paris. 
Il apprécie les mathématiques et la philosophie, il se rend souvent aux Puces afin de chiner des photos et des objets qui appartiennent à un passé révolu et il aime écrire - la peinture n'est-elle pas une forme d'écriture?  C'est un fou de Cuba et un adepte des arts martiaux.


© Alain Kleimann, DR. Image empruntée ici

Alain Kleinmann est un arpenteur du passé dont l'art est ancré dans le présent. Il affectionne les grands formats, le sépia et le blanc; il façonne ses toiles à la manière d'un orfèvre ou d'un enlumineur. Le terme lui va bien car il fait surgir la lumière des ténèbres en utilisant les tons dorés de Rembrandt. De nombreuses monographies et un énorme volume paru chez Somogy, nous permettent de voir et de revoir les images qu'il a confectionnées au fil des années. Il a exposé ses travaux dans le monde entier (plus de 200 expositions à son actif), son œuvre a été mise en scène au théâtre, notamment à La Havane. Sa capacité de production est impressionnante. 


© Alain Kleinmann, DR. Image empruntée ici

On dit souvent d'Alain Kleinmann qu'il est le peintre de la mémoire ou le peintre des mémoires. Il vient de participer à une table ronde le 13 septembre dernier dont le sujet est le suivant: Mémoire, transmission, création, Art, psychanalyse, pensée juive en marge d'une exposition intitulée Mémoires, au Centre Européen du Judaïsme qui vient d'être inauguré.

Enfin, on peut admirer ses œuvres dans les moindres recoins grâce à un site revu, corrigé et enrichi; il vous suffit de cliquer ici. Vous pourrez même vous procurer des œuvres en vous dirigeant vers la rubrique, boutique


© Alain Kleinmann, DR

La mémoire est un sujet complexe. Le travail de l'historien sur la mémoire n'est pas le même que celui du témoin; les recherches du sociologue sont différentes de celles du philosophe et que dire de cette archéologie de la mémoire que scrute le psychanalyste. 

L'art et la mémoire

Le 15 septembre dernier, Alain Kleinmann a accepté d'aborder ce sujet dans le cadre de notre émission, Au Nom des Enfants, sur RCN 89.3. Voici quelques extraits ce cet entretien. 

La mémoire familiale 


© Alain Kleinmann, DR. Image empruntée ici

"Je suis issu d'une famille ashkénaze. Ces familles ont migré de pays en pays et n'ont pas pu sauvegarder leurs albums de famille et leurs photos durant la dernière guerre. J'ai très peu de vrais documents de famille qui pourraient servir d'assise à une mémoire personnelle.Et c'est peut-être la raison pour laquelle je me suis senti comme le devoir de repeupler de manière imaginaire les albums qui m'avaient manqué. Je ne pense pas que cela m'appartienne uniquement, bien sûr. C'est quelque chose de générationnel pour des personnes dont l'histoire personnelle ressemble à la mienne. (...) Toutefois, le peintre utilise tout d'abord le vocabulaire de la peinture elle-même; ce sont des formes, des matières, des couleurs avant d'illustrer une thématique ou un discours sur un terme. Il y a toujours une distorsion entre le titre de l'œuvre, qui est une caricature, et l'œuvre elle-même. (...) Le peintre permet une approche sensible, plus ouvertes en termes d'énoncés. C'est un écran de projection sur lequel les spectateurs peuvent projeter leurs propres sentiments, leur propre mémoire. Je veille toujours à ce qu'il y ait toujours quelque chose d'un peu générique de manière à ce que chacun puisse avoir le sentiment de retrouver un arrière-grand-père imaginaire". 

Les matériaux de la mémoire


© Alain Kleinmann, DR

"Après un certain nombre d'années de travail, je me suis rendu compte que tout pouvait parler, que tout était un signe de langage en peinture. J'ai commencé de manière très classique avec de l'huile sans oser arracher un morceau de papier. Et puis, je me suis dit, pourquoi pas, essayons. Ce fut une sorte de déchirure très compliquée, très profonde. J'ai commencé à comprendre que beaucoup d'objets qui semblaient abandonnés dans des marchés au puces, chez des antiquaires, dans une poubelle au coin de la rue, finalement parlaient aussi de leur vie, de leur vécu. Assez naturellement, la jonction s'est faite entre les matériaux traditionnels des arts plastiques et l'adjonction de matériaux plus exogènes à ces habitudes-là et qui venaient les enrichir".

Le landau


© Alain Kleinmann, DR. Image empruntée ici

"Je suis constamment à la recherche d'objets dont il me semble qu'ils pourraient porter des traces de vie et le landau est un objet formidable. C'est "l'œuf fondateur" de ce que va devenir la vie du bébé, c'est le lieu premier de sa relation au monde. Ces landaus portent la trace de l'enfant qui y a passé les premières heures de sa vie. (...) Je me suis rendu compte qu'en mettant simplement quelques allusions à des souvenirs, à de vieilles photos, d'un seul coup, au lieu d'atterrir dans une poubelle, ce landau pouvait faire semblant de reprendre une forme de vie, une forme de mémoire, la trace d'un moment d'existence de l'enfant et de ceux qui l'ont accompagné". 

Les valises et les cages


© Alain Kleinmann, DR. Image empruntée ici


© Alain Kleinmann, DR. Image empruntée ici

"Aussi bien les valises que les cages sont des contenants. La valise peut représenter notre valise intérieure, celle que nous portons tous; elle est aussi l'objet qui accompagne nos voyages et dans le cas le plus tragique, elle représente les amas empilés dans les camps. L'objet est très puissant. C'est assez mystérieux parce qu'on ne sait pas ce qui se trouve à l'intérieur de la valise, comme on ne sait pas ce que contient le livre fermé. Quant aux cages, c'est un contenant qui emprisonne, bien sûr, mais, en même temps on voit au travers. (...) La valise qui a l'air plus calme me semble plus terrible parce qu'on ne voit pas ce qu'il y a dedans; la cage, qui est un lieu d'emprisonnement laisse quand même paraître le contenu". 


© Alain Kleinmann, DR. Image empruntée ici


Une table ronde au Centre Européen du Judaïsme


Cette table ronde a été organisée dans le cadre d'une séance exceptionnelle du séminaire Schibboleth. Le contenu était vaste et passionnant :
Mémoire, transmission, création, Art, psychanalyse, pensée juive
Ce fut également l'occasion de présenter un recueil d'articles, La transmission en question(s) sous la direction de Michel Gad Wolkowicz, en hommage à Michaël Bar Zvi et à Raphaël Draï. 

Ont participé à cette table ronde : Cyril Aslanov, Patrick Bantman, Georges Bensoussan, Pascal Bruckner, Evelyne Chauvet, Daniel Dayan, Roger-Paul Droit, Frédéric Encel, Daniel Epstein, Simon Epstein, Bernard Golse, Michaël Govrin, Michel Granek, Laurence Kahn, Francine Kaufmann, Alain Kleinmann, Rivon Krygier, Érice Marty, Thibault Moreau, Jean-Jacques Moscovitz, Alexis Nuselovivi-Nouss, Marc-Alain Ouaknin, Michaël Prazan, Daniel Sibony, Sam Tyano, Monique Vacquin, Philippe Val, Simone Wiener, Jean-Paul Winter... 


© Alain Kleinmann, DR



Pour prolonger votre réflexion

Et tu choisiras la vie... 

Marc-Alain Ouaknin, dans le cadre de son émission, Talmudiques, sur France Culture, a invité Michel Gad Wolkowicz, psychiatre et psychanalyste. Sur la page de l'émission vous trouverez des liens qui vous permettront d'écouter Raphaël Draï et Michaël Bar Zvi. 

Liens:


France Culture,Talmudiques, "Et tu choisiras la vie... " c'est ici.





Pour écouter ou réécouter l'émission, Au Nom des Enfants, consacrée à Alain Kleinmann, cliquez ici


© Alain Kleinmann, DR

L'AMEJDAM tient à remercier chaleureusement Alain Kleinmann de lui avoir consacré de son temps pour cet entretien et d'avoir autorisé la publication des images qui figurent sur ce blog. 


Mise en page et conception de ce billet : 
Jacques Lefebvre-Linetzky. 
























mardi 1 septembre 2020

LE 24 AOÛT À OPIO : HOMMAGE ET MÉMOIRE


Chaque année le village d'Opio célèbre la Libération d'août 1944, qui annonça la fin de la Seconde Guerre mondiale. Organisée de main de maître par son maire, M. Thierry Occelli, et son conseil municipal, cette importante cérémonie réunit également les maires de Châteauneuf-de-Grasse (M. Emmanuel Delmotte), du Bar-sur-Loup (M. François Wyszkowski) et du Rouret (M. Gérald Lombardo). 


Les lecteurs et lectrices de ce blog se souviennent sûrement que l'an dernier, à la même date, notre association a contribué à la pose d'une plaque commémorant les cinq membres d'une même famille juive qui y furent arrêtés, pour être ensuite déportés vers les camps de la mort. Pour mémoire, suivre CE LIEN


Cette année, nous avons eu l'honneur et le plaisir de recevoir une invitation du maire de ce village, M. Thierry Occelli, afin que nous soyons à nouveau présents sur les lieux, et que nous puissions fleurir à nouveau cette plaque en mémoire de la famille Bocobza. L'accueil de Monsieur le Maire et de ses adjoints a été particulièrement chaleureux. Nous avons été très sensibles à l'invitation "ouverte" qui nous a été faite de revenir à Opio chaque année, et de donner à notre commémoration l'ampleur que nous souhaiterons lui accorder.