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lundi 14 décembre 2015

ENSEIGNER L'HISTOIRE DE LA SHOAH






Textes et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky


Une tâche complexe, une nécessité pédagogique …

Enseigner la Shoah est une tâche complexe. C’est une nécessité morale qui relève du devoir de mémoire, mais en enfermer l’enseignement uniquement dans ce cadre, expose l’enseignant à des difficultés auxquelles il n’est peut-être pas préparé. Il y a bien sûr un socle de connaissances et de faits à transmettre qui impose au professeur une distance, non pas critique, mais historique afin de restituer l’ampleur et l’unicité de cette catastrophe. Le professeur a quantité de documents à sa disposition – témoignages, romans, films documentaires et films de fiction, photographies, dessins et peintures. Il lui faut faire des choix, faire le tri dans cette abondance qui peut submerger de jeunes esprits. Le professeur peut faire appel à des rescapés dont la parole ne peut être mise en doute. Nous savons tous que, malheureusement, le nombre de survivants s’amenuise chaque année.  Et c’est pour cette raison qu’il nous faut nous poser la question de la transmission et de l’enseignement de la Shoah avec une acuité renouvelée. 



Dachau


Que nous disent les textes officiels ?

L’extermination des Juifs d’Europe est inscrite dans les programmes de l’école primaire. Les nouveaux programmes applicables à la rentrée 2008 confirment l’enseignement obligatoire au cours moyen de l’extermination des Juifs et des Tziganes par les nazis, un crime contre l’humanité.

Soucieux de la transmission de la mémoire de ces événements tragiques et uniques de l’histoire de notre continent, ainsi que du nécessaire ajustement des enseignements à l’âge des élèves, le Président de la République a récemment demandé que la mémoire des enfants victimes de la Shoah soit privilégiée à l’école.

Les recommandations suivantes sont formulées à partir des travaux de groupe de travail placé sous la direction de Mme Hélène Waysbord-Loing, inspectrice générale honoraire, à qui le ministre de l’éducation nationale a confié la mission de réfléchir à la mise en œuvre pédagogique de la demande du Président de la République.

mercredi 25 novembre 2015

LES FRAGMENTS DE MÉMOIRE DE MARCELINE LORIDAN-IVENS



La 18e édition du Festival International du Film sur la Résistance vient de s’achever. Ce festival nous a permis de voir ou de revoir des films passionnants, tant la programmation a été riche et bien construite. Jean-Louis Panicacci, président de l’Association Azuréenne des Amis du Musée de la Résistance et son équipe, ont fait un travail remarquable et proposé de nombreux films directement liés avec la Shoah, aussi bien des films de fiction que des documentaires. Les membres de l’AMEJDAM se sont personnellement impliqués et sont intervenus de nombreuses fois auprès du grand public et des scolaires, comme à Roquefort-les-Pins.



Serge Binstock, membre du bureau de l'Amejdam, témoigne auprès des élèves du collège César à Roquefort-les-Pins. ©Michèle Merowka

Les élèves ont pu découvrir des films désormais classiques et d’autres, plus rares, plus exigeants, notamment, La petite prairie aux bouleaux de Marceline Loridan-Ivens, film que nous avons présenté (entre autres) au lycée Honoré d’Estiennes d’Orves à Nice, le 23 novembre dernier, avec la participation de Daniel Wancier. 

Marceline Loridan-Ivens :
Qui est-elle ? 

Marceline Loridan-Ivens
(Image empruntée ici)

mercredi 11 novembre 2015

BERNARD HEJBLUM : HORS DE LA CAGE.

Annonce 
Un festival à ne pas manquer

La 18e édition du Festival International du Film sur la Résistance aura lieu du 13 au 23 novembre 2015. « Compte tenu du 70e anniversaire de la fin des combats en Europe et dans le Pacifique comme de la libération des camps de concentration nazis, la programmation du 18e FIFR est essentiellement consacrée à l’évocation des derniers mois du second conflit mondial en Allemagne, en Italie et dans l’archipel nippon ainsi qu’à la mémoire de la Déportation".

Consultez le programme ici

Tel : 04 93 81 15 96
Site : musee-resistance azureenne.com

L'invité du jour: Bernard Hejblum



©JL+L

Bernard Hejblum est un homme fascinant et attachant. Sa vie est riche de mille expériences, de mille traversées et autres aventures. D’une voix grave et mélodieuse, il se livre avec juste ce qu’il faut de pudeur retenue. Lorsqu’on le côtoie, on songe immédiatement à un arbre. Il en a la force, la fragilité, la rugosité, la tendresse. Les pieds fermement arrimés à la terre, il se souvient, il crée, il s’indigne, il vit au gré des bourrasques, son cœur palpite sous l’écorce…

mercredi 28 octobre 2015

RIVESALTES,UN MÉMORIAL, DANIEL WANCIER TÉMOIGNE ...




Image empruntée ici
© M. Hédelin/ région Languedoc-Roussillon/ février 2015

Ce billet de blog est consacré au camp de Rivesaltes et évoque également le camp de Gurs. Lors de notre émission, les invités du jour étaient, Daniel Wancier, président de Yad Vashem, Nice-Côte d’Azur et Cathie Fidler, écrivain.
Daniel Wancier est l’un des rares témoins de ce que fut le camp de Rivesaltes puisqu’il y fut interné avec sa mère et sa sœur.

Rivesaltes se situe dans le département des Pyrénées-Orientales en région Languedoc-Roussillon. C’est un lieu surtout connu pour son vignoble. Il couvre d’ailleurs la plus grande partie du Roussillon viticole et s’étend jusqu’aux corbières dans l’Aude.

Mais Rivesaltes, ce n’est pas qu’une histoire de vin doux, c’est là que fut construit le camp Joffre, communément appelé le camp de Rivesaltes. Ce camp a un lourd passé, longtemps occulté, effacé de la mémoire collective.

700 hectares, une dizaine d’îlots, 150 baraques…


Image empruntée ici
© Olivier Amsellem

Ce devait être à l’origine un camp militaire.  Sa vocation évolua au fil des aléas de l’Histoire. Dès 1939, il servit de centre d’hébergement pour les Républicains espagnols et puis on y « accueillit » les Juifs étrangers et les Tsiganes. Le 21 août 1942, le camp devint le « Centre inter-régional de rassemblement des Israélites ». Entre août et octobre 1942, 2313 hommes, femmes et enfants furent déportés de Rivesaltes en direction d’Auschwitz via Drancy. En novembre 1942, le centre d’internement fut fermé et le camp fut occupé par l’armée allemande. Après la libération du camp en août 1944, le camp servit de lieu d’internement pour des collaborateurs et autres profiteurs. De 1945 à 1948, le camp devint un centre d’internement pour les combattants ennemis (allemands, autrichiens et italiens). Le dépôt fut dissout en 1948. Il devint à nouveau opérationnel à partir de 1954 et servit de centre de formation militaire. De janvier à mai 1962, il fut à nouveau utilisé comme centre pénitentiaire et on y envoya en majorité des combattants du FNL (Front de Libération Nationale). À partir de septembre 1962, le camp de Rivesaltes hébergea les « Harkis » et leurs familles dans des conditions extrêmement difficiles en raison de la précarité des installations. Le camp de transit de Rivesaltes fut fermé officiellement en décembre 1964.

Arrestations, fuite, une famille disloquée : 
le témoignage de Daniel Wancier



© JL+L

Mon père a été arrêté le 14 mai 1941 par ce qu’on appelait le « billet vert ». La plupart des Juifs étrangers se sont engagés comme volontaires pour la durée de la guerre. D’abord par conviction et ensuite parce qu’ils voulaient absolument devenir Français. Après l’Armistice, ils ont été libérés. Quelques mois après, mon père reçoit, comme d’autres, un billet vert qui lui indique qu’il lui faut se présenter au commissariat de police pour affaire le concernant. Presque tous étaient persuadés que c’était pour avoir des papiers français en vue de leur naturalisation. Ils s’y rendent et immédiatement ils sont arrêtés et conduits à Beaune-la-Rolande et à Pithiviers. Ils resteront là 10 mois et le 17 juillet 1942, ils partent pour Auschwitz. (…) Nous, pendant ce temps-là, ma mère, ma sœur et moi, on est arrêtés le 16 juillet 1942 à la rafle du Vel’ d’Hiv’. À 6 heures du matin, on nous met dans des autobus. Ma mère comprend que ce n’est pas « très bon pour la santé » quand on commence à arrêter les enfants. Il n’y avait que des gendarmes et des policiers – aucun Allemand. Donc, on est arrêtés, on est dans l’autobus, ma mère dit au policier qui nous gardait : « j’ai encore des paquets à prendre ». Le policier l’autorise à les chercher. Et elle y va accompagnée de ses enfants.  On ne revient pas, on reste cachés dans une cave. On attend quelques heures que le bus parte. Ensuite on va dans le métro parce que la nuit il n’y avait pas de rafles dans le métro. On reste une dizaine de jours. Ma mère rencontre quelqu’un qu’elle connaît qui lui dit qu’il peut la faire passer en zone libre. Elle donne une bague à un passeur qui doit nous faire franchir la Saône. Manque de chance, le passeur nous avait vendus et la milice nous attendait de l’autre côté. Et de là, on est conduits à Rivesaltes.

Souvenirs de Rivesaltes

On y arrive le 1er août 1942. Là, les enfants sont dans une baraque séparée des parents. Ma mère, on lui fait faire la cuisine, peler les pommes de terre, préparer quelque chose. On a très peu à manger. Les conditions sont très difficiles. Il y a beaucoup de monde, on est gardés par des chiens et par des gendarmes. Moi, j’ai la chance d’être avec ma sœur qui me donne un peu à manger. Et ma mère, qui a survécu aussi, nous a toujours dit : « souffrir soi-même, c’est dur, mais voir souffrir ses enfants devant soi, c’est ce qu’il y a de plus dur au monde. » On avait faim, on avait des maladies, de l’impétigo, des poux, etc. Une sœur de mon père habitait dans la région de Toulouse. Elle a su qu’on était là. Elle a soudoyé un paysan qui livrait des pommes de terre dans le camp pour nous faire partir ma sœur et moi. Ma mère a dit à ma sœur : « tu t’occuperas de ton petit frère. » J’avais 4 ans, ma sœur, 8 ans. Malheureusement, dès notre sortie du camp, on a été séparés et pris en charge par l’O.S.E.
Ce qui me reste de Rivesaltes, jusqu’à un âge très avancé, j’ai eu peur des chiens et j’ai eu peur des uniformes (…) après la guerre, j’ai été malade pendant longtemps.

Retours à Rivesaltes

J’y étais déjà allé avec ma sœur et nos enfants en 1993 parce que Serge Klarsfeld y avait fait apposer une stèle. Cette stèle a été vandalisée par la suite. À cette époque, on parlait d’un mémorial, mais cela ne venait pas.
Je suis très content que ce mémorial existe désormais. Il y a encore des baraques du camp. On peut montrer à nos enfants, nos petits enfants où on est passés et ce qui s’est passé. Le bâtiment est à moitié enfoncé et presque enfoncé complètement. On peut dire que c’est une immense tombe. Mais il faut faire très attention à ne pas tout mélanger. Certes, des Espagnols ont été arrêtés, des Harkis ont été arrêtés, des Tziganes, des Gitans, mais seuls les Juifs ont été déportés vers Auschwitz. Les trains qui sont partis étaient composés à 99% uniquement de Juifs.
Donc, c’est un outil pédagogique et c’est ce qui est important puisqu’il y aura des collégiens et des lycéens  qui viendront.

Un moment fort

Nous étions 6 juifs à être passés par là dont deux femmes qui sont venues d’Israël avec qui on a pu parler en yiddish et on s’est étreints comme du bon pain. Il y avait Manuel Valls, Premier ministre, Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Éducation nationale, Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d’État chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire et Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion. Les quatre ministres, dont le Premier ministre, ont tenu à passer une heure uniquement avec les témoins. Cela s’est passé dans un petit auditorium et ils ont demandé à tous les journalistes de sortir et cela été, pour nous, le moment le plus fort. On a pu converser, dire les choses. Et ensuite, il y a eu la cérémonie officielle. Les discours ont été très, très intéressants, mais pour nous, ce qui nous a marqués, c’est ce moment où nous avons pu avoir des contacts directs et sans les médias. Les quatre ministres ont pris le temps de parler et ils ont insisté sur l’importance de la pédagogie. On a expliqué au Premier ministre, ce que l’on faisait et moi j’ai dit que je me rendais souvent dans les collèges et dans les lycées et il m’a encouragé à continuer. La présence de la ministre de l’Éducation Nationale était également essentielle.


Image empruntée ici

Les Juifs de Bade, Cathie Fidler raconte…

Le lien avec Rivesaltes, c’est que à Rivesaltes il y a des traces des baraques, mais à Gurs il n’y a plus rien et pendant longtemps, ce n’était qu’une forêt, des bois laissés à l’abandon. Un mémorial national y a été construit en 1994. Deux grandes dalles portent des inscriptions commémoratives. Je voudrais parler aujourd’hui de ce camp de Gurs qui a vu arriver d’abord l’internement des femmes allemandes en France, juives et non juives, qui heureusement n’y sont passées qu’un printemps et qui ont été relâchées à partir de  juin 1940.* Mais du 22 au 25 octobre 1940, 6538 Juifs déportés de Bade y ont été acheminés et c’est la seule déportation qui eut lieu vers l’ouest, chapeautée par Eichmann qui était à l'origine de l'idée et qui s’est appelée, l’opération Bürckel, du nom du "Gauleiter" de Lorraine-Sarre-Palatinat. Ils sont arrivés à Gurs dans des conditions qu’on imagine. Lors d’un voyage récent à Mannheim, j’ai vu devant la gare un panneau mémoriel qui indiquait la distance entre Mannheim et Gurs (1349 km). Gurs est près d’Oloron-Sainte-Marie et j’en parle aujourd’hui parce que j’ai cité les dates entre le 22 et le 25 octobre 1940, nous sommes donc dans une période d'anniversaire, et aussi pour évoquer mon histoire personnelle. Mon arrière-grand-mère a été déportée à Gurs avec ces plus de six mille Juifs et ensuite elle a été transférée de Gurs à Rivesaltes en mars 1941 – elle y est décédée en juin 1941, à l’âge de  83 ans. Donc, évidemment, ces deux camps étaient liés et de nombreux Juifs ont été transférés d’un camp à l’autre, l’autre étant, comme l’a dit, Daniel, l’antichambre de Drancy. C’est un fait qui n’est pas très connu  du grand public, et c’est la raison pour laquelle je souhaite que ces mémoriaux servent de point de départ à des recherches encore plus poussées par les familles, et qu’ils permettent un travail pédagogique approfondi à partir de maintenant, grâce à celui de Rivesaltes.

* Les archives du Camp de Gurs, concernant la période de mars à juillet 1940 ont toutes été détruites lors de la signature de l’Armistice par le directeur du camp, le commandant Davergne (futur résistant) qui craignait qu’elles ne nuisent gravement aux internées si les informations qu’elles contenaient tombaient entre les mains des nouveaux occupants. Pour plus de détails sur le Camp de Gurs, cliquer ici. Ce site rénové est extrêmement détaillé.


Le Mémorial de Rivesaltes


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© M. Hédelin/ région Languedoc-Roussillon/ février 2015

En 1978, Serge Klarsfeld publie la liste des déportés juifs et des Juifs décédés du camp de Rivesaltes.


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Le projet du mémorial a été initié dès 1998 par le Conseil Général des Pyrénées-Orientales. Il a été repris par la Région Languedoc-Roussillon à partir de janvier 2012. Cette région est la première région de France à porter un projet mémoriel. Ce lieu a une dimension régionale, nationale et internationale.

Une vocation éducative et culturelle

Espace d’histoire et de mémoire à vocation éducative et culturelle, le Mémorial a pour missions :
- la recherche historique, la restitution et le partage de cette connaissance avec les publics, sous forme d’expositions temporaires, de publications, de colloques, de conférences, etc.
- un travail pédagogique et éducatif afin de diffuser la connaissance et de susciter un questionnement sur les thématiques présentées et la relation entre histoire et mémoire : visites guidées, ateliers, documents pédagogiques, etc.
- une approche sensible et différente grâce à l’art et à la culture qui permettent d’interroger l’histoire et la mémoire : expositions, résidences d’artistes, concerts, projections de films, etc.
Deux parcours de visite sont proposés : l’un à l’intérieur du Mémorial, l’autre en plein air, au milieu des baraques reconstituées telle qu’elles étaient en 1940 et des vestiges du camp laissés en l’état.
En liant histoire et mémoire, témoignages et archives historiques, l’objectif du parcours de visite est de reconstituer l’histoire du lieu et des populations qui y ont été internées, d’expliquer les causes et les mécanismes de leur enfermement et de témoigner de leurs conditions de vie et de leurs destins.

Source, Fondation pour la Mémoire de la Shoah, cliquez ici 

Imaginer un Mémorial



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Comment maintenir la mémoire des drames du passé ? Comment sauver les vestiges, les marques, les traces, les empreintes visibles de ce passé que le temps ne cesser d’éroder ? Comment rendre visible ce qui est devenu invisible ? Le défi est immense pour l’architecte qui se fait bâtisseur de la Mémoire. Il n’est pas question pour lui (ou elle) de restaurer, rénover, réhabiliter. Il lui faut construire un édifice qui suscite la méditation, le recueillement. Mais pour nourrir cette méditation, il convient d’informer, de révéler, d’inscrire le passé dans le présent afin que le visiteur puisse s’imprégner de cette expérience. L’esthétique du lieu joue un rôle essentiel et complexe. L’édifice impose sa monumentale présence et pourtant il doit s’effacer car sa fonction première est de convoquer les ombres du passé.


L’architecte, Rudy Ricciotti, s’exprime à propos du mémorial qu’il a conçu :


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© AFP Boris Horvat

C’est un lieu désertique, battu par les vents. Un lieu qui n’existe pas à quelques centaines de mètres et que l’on découvre au dernier moment. J’ai été frappé par sa solitude, bien qu’il y ait quelques tracés de voiries quand on arrive sur place, et notamment dans l’îlot F (où est implanté le mémorial). Je l’ai survolé en avion, et l’on voit très bien tout le carré du camp Joffre. On voit les îlots, on voit que c’est à l’autre bout d’un pays. Et pourtant, quand on le parcourt, c’est une terre invisible, qui disparaît dans le paysage. C’est gigantesque. C’est ce qui m’a frappé. Il s’est passé des choses là, sourdes, des choses muettes. 


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© M. Hédelin/ région Languedoc-Roussillon/ février 2015


À cette époque-là, l’armée allemande n’occupait pas encore la région sud. Rivesaltes est le fruit de la collaboration exemplaire entre la préfecture, la gendarmerie et la SNCF, trois grands services de l’État. C’est bouleversant. La dimension que j’évoque à propos de Rivesaltes, c’est l’isolement et la surdité appliqués à un système. De la même manière que le site disparaît dans le paysage, la mémoire administrative française a effacé ses propres responsabilités exercées à 100 % dans « l’excellence ».


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© AFP Éric Cabanis

 … J’ai choisi d’affronter la violence cachée de ce lieu. Le bâtiment est un monolithe de béton de 210 mètres de long, construit sur le seul endroit où rien n’avait été construit : la place d’armes, là où était le pouvoir. Rivesaltes était un camp militaire avant d’être un camp d’internement. Le point le plus haut du bâtiment correspond au point le plus haut des baraquements. (…)
Le bâtiment est la rencontre, l’incarnation de la rencontre que les Français, aujourd’hui, n’ont pu faire avec la réalité de l’histoire de ce lieu, celle des Français avec l’histoire du camp. 

Ce monolithe est enfoui dans le sol, comme une mémoire enfouie. Il émerge à peine. C’est une expérience lorsqu’on entre dedans. Ça n’est pas comme quand on entre dans un bâtiment du XIXe siècle. On y entre par un parcours souterrain. Derrière sa violence apparente, le lieu en réalité, dégage une tendresse. Il suscite énormément d’empathie. 

Source : Le Monde en date du 25 septembre 2015, propos recueillis par Jean-Jacques Larrochelle.

Vous pouvez découvrir le récit de la déportation du père de Daniel, Berek Wancier, dans l’ouvrage suivant : Convoi n°6, Le cherche midi, 2005, pp 268-282.  




Textes, entretiens et mise en page : Jacques Lefebvre-Linetzky



mercredi 14 octobre 2015

BEATE ET SERGE KLARSFELD, UNE LEÇON DE VIE, UN MODÈLE DE COURAGE




La rencontre avec le public de Passerelles à Nice

Jacqueline Parienté accueille Beate et Serge Klarsfeld à Passerelles.
©Michèle Merowka


À Nice, ce 30 septembre 2015, la salle de réunion du FSJU est bondée. Jacqueline Parienté, responsable locale de Passerelles* a œuvré pour faire venir Beate et Serge Klarsfeld. Chacun sait que cette rencontre sera riche d’enseignements et d’émotions. Cette date n’a pas été choisie au hasard, c’est la date anniversaire de l’arrestation du père de Serge Klarsfeld, Arno, le 30 septembre 1943 à Nice. Il est mort  le 28 octobre 1943 à Auschwitz après avoir assommé le Kapo qui l’avait frappé. Une plaque figure au-dessus de la porte d’entrée du 15 de la rue d’Italie où habitait la famille Klarsfeld. Beate, Serge et sa sœur, Tania, se rendent à Nice chaque année pour honorer la mémoire d’Arno.

©JL+L

Depuis le 9 octobre 2009, et en grande partie grâce aux Klarsfeld, une stèle rappelle le rôle de l'hôtel Excelsior durant l'occupation allemande. Il était le siège du commissariat à la question juive et servait de camp d'internement pour les Juifs avant leur départ pour Drancy et Auschwitz. 


©JL +L


lundi 7 septembre 2015

NOUVELLE ANNÉE



Après cette longue parenthèse estivale, c'est l'heure de la rentrée pour l'émission de l'AMEJDAM : AU NOM DES ENFANTS. 

Pour cette reprise, nous vous proposons de revenir sur quelques événements récents et de vous inviter à voir quelques expositions.

Image empruntée ici
©Bruno Bébert/Bestimage

27 août 2015 : Inauguration d’une stèle commémorative en souvenir des juifs arrêtés à Monaco dans la nuit du 27 au 28 août 1942 en présence de S.A.S. le prince Albert II de Monaco et des autorités monégasques, civiles et religieuses. Les représentants diplomatiques des pays dont étaient originaires les Juifs déportés ainsi que leurs descendants ou ayants-droits ont également été conviés. 45 Juifs ont été arrêtés à Monaco en 1942, 31 arrestations ont eu lieu en 1944. 16 Juifs résidant à Monaco ont été arrêtés hors de la Principauté et ont été ensuite déportés. Sur ces 92 Juifs arrêtés, il n’y eut que 9 survivants.
Lors de cette inauguration le prince Albert II de Monaco a demandé pardon pour l’intervention de la police monégasque pendant la rafle du 27 août 1942.
Etaient également présents, le grand Rabbin de France, Haïm Korsia et Serge et Béate Klarsfeld.
C’est grâce au travail inlassable de Serge Klarsfeld avec l’appui du prince Albert que  cette stèle a pu être inaugurée.

mardi 7 juillet 2015

NUIT ET BROUILLARD, DES MOTS ET DES NOTES (2)


Comme promis, voici une exploration de ce merveilleux texte, que Jean Ferrat a su graver dans nos mémoires.


Margaret Bourke-White, Buchenwald 1945. 
Image empruntée ici

Nuit et Brouillard (1963)

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Ils se croyaient des hommes, n’étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu’une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d’arrêts et de départs
Qui n’en finissent pas de distiller l’espoir

Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou
D’autres ne priaient pas, mais qu’importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

Ils n’arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux 
Ils essaient d’oublier, étonnés qu’à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues

Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers

On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours
Qu’il vaut mieux ne chanter que des chansons d’amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l’histoire
Et qu’il ne sert à rien de prendre une guitare

Mais qui donc est de taille à pouvoir m’arrêter ?
L’ombre s’est faite humaine, aujourd’hui c’est l’été
Je twisterais les mots s’il fallait les twister
Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent

Jean Ferrat