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mercredi 11 septembre 2019

LES ENFANTS JUIFS SAUVÉS À OPIO


 
 Fannie Kolinski et ses deux fils
(photo prise sur ce site)



Ainsi que nous l’avons rapporté dans nos deux billets précédents, Opio a été un lieu de vie important pour une communauté anglophone, et ce, depuis la Première Guerre mondiale. 

Et, ainsi que l’a raconté Pierre Loeb, un ancien "enfant caché", ce village a également servi de refuge à des enfants juifs. Même si un très jeune homme, Georges Bocobza, y a été arrêté et déporté, d’autres y ont été sauvés, ainsi que des adultes. 

Parmi ces enfants figuraient, dans la bâtisse appelée le Castello, deux petits garçons du nom de Fromentin. Léon et Pierre Fromentin. Les fiches les concernant ont été conservées dans les archives des Abadi (Association des Enfants et Amis Abadi) et elles sont à présent consultables dans celles du Mémorial de la Shoah, à Paris. 

Leur véritable nom était KOLINSKI (parfois écrit KOLINSKY). Leo (né le 22 juillet 1931) et Willie Kolinski (né le 26 juin 1930). 

Une première recherche permet de découvrir qu’ils étaient nés en Allemagne à Francfort. La piste suivante aboutit sur le site de cette ville qui, comme bien d’autres en Allemagne, a rédigé l’histoire individuelle de chacun de ses citoyens qui a subi les horreurs du National-Socialisme. Ce, en vue de les honorer, à l’aide, de surcroît, de ces « pavés du souvenir » (Stolpersteine)  placés dans les rues qu’ils avaient habitées. 




En cliquant sur ce lien, vous pourrez lire (en allemand) l’histoire de cette famille Kolinski. 

On y apprend qu’après avoir fui l'Allemagne en 1939 pour Anvers, en Belgique, les parents – Berthold et Fannie Kolinski – ont emmené leurs enfants vers le sud de la France, mais qu’ils y ont été arrêtés et internés dans le camp de Gurs, et ensuite dans celui de Rivesaltes. Le père a été déporté de Drancy vers Auschwitz, le 21 octobre 1942, sans jamais revoir sa famille. 

Les enfants Kolinski ont été extraits de Rivesaltes, peut-être grâce aux réseaux Quaker, de l'OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) ou encore à celui du "Réseau Marcel" (organisé par Moussa Abadi), car on sait qu’Odette Rosenstok était elle-même allée chercher des Républicains espagnols à Gurs, en 1938. 
Les petits garçons n'ont jamais revu leur maman, déportée, le 16 septembre 1942.

Les frères Willie et Leo Kolinski ont été placés à Opio, où ils sont restés jusqu’en septembre 1944, cachés sous le nom de Pierre et Léon FROMENTIN. Leurs parents ne sont jamais allés les chercher, et pour cause, ils ont été déportés vers Auschwitz où ils ont été assassinés. 

Les fiches de suivi de ces enfants n’ont sûrement pas été renseignées par Mademoiselle Diane van Dommelen (qui a continué à résider au Castello après le décès, en février 1943, d’Elisabeth Starr) : elle n’aurait pas mal orthographié le nom de la maison qu’elle occupait ! (Castellot, au lieu de Castello). 


Pas très lisible, mais cela donne une idée
de la manière dont les enfants étaient suivis
par Odette Rosenstock, alias "Mademoiselle"

Mme Andrée Poch-Karsenti, Présidente de l’Association des Enfants et Amis Abadi, nous a appris qu'Odette Rosenstock se rendait elle-même régulièrement auprès des enfants cachés pour noter sur un cahier tout ce qui les concernait. 



La franco-américaine Elisabeth Starr* accueillait au Castello des soldats, et sans doute aussi des résistants.  
L'expérience de cette dernière auprès de la Croix Rouge lors de la 1ère Guerre mondiale lui a servi pour la création de Foyers du Soldat, en Provence et dans les Alpes (dans les zones alpines proches de l’Italie, en particulier). Bien que très basiques, ils servaient de refuge et de lieu de récupération pour les militaires épuisés par la guerre. Le Castello devint alors le siège de l’État-Major de la Défense des Alpes-Maritimes, sous la houlette d’Elisabeth Starr. 

Citons à présent ce qu'écrit Maureen Emerson au sujet de cette si discrète héroïne :

« Son entreprise de création de « Foyers des soldats » ayant été brutalement suspendue en raison de l’Armistice (NB : celui de juin 1940), elle (NB. Elisabeth) entreprit d’aider à accueillir et installer les milliers de réfugiés, en provenance de Menton, et d’Alsace-Lorraine, récemment ré-annexée, qui se déversaient dans le sud de la France. (…) Des villageois se souviennent l’avoir vu foncer sur les routes de campagne au volant de la Peugeot dans laquelle elle transportait souvent une cargaison d’enfants à placer dans leurs nouveaux foyers. En ces jours sombres, au cours desquels les enfants étaient séparés de leurs parents, ceux qui étaient le plus en danger étaient, bien entendu, juifs.  Elisabeth entreprit de cacher certains de ces gamins vulnérables. Vingt-cinq ans plus tard un certain M. Kolinski, qui vivait à présent aux Etats-Unis, gara sa voiture dans la cour du Castello, et demanda à voir la pièce qui lui avait servi de refuge salvateur pendant la guerre. C’était un Juif polonais (NB. Allemand, en fait, originaire de Francfort) qui avait perdu ses parents, déportés dans un camp de concentration. Il revisita la pièce mansardée dans laquelle il avait été caché. Il savait alors que d’autres enfants étaient cachés tout près, il les entendait, mais ne les voyait jamais. Ces placements de réfugiés se faisaient en coordination avec le Comité d’Aide et de Soutien des Quakers, qui était basé à Marseille. (…) Bien que n’étant pas particulièrement croyante, les gènes Quakers d’Elisabeth ne l’avaient pas désertée. »

On apprend aussi, grâce aux recherches de Maureen Emerson, qu’après la mort, en février 1943, d’Elisabeth Starr, due à la malnutrition causée par les terribles privations de ces années de guerre, Mademoiselle Diane Van Dommelen lui a succédé dans la gestion du Castello (Le Castello San Peyre). Cette dernière a continué à héberger des personnes vulnérables et en danger, même quand cela était très risqué. 

Notamment les deux enfants juifs mentionnés ci-dessus, dont il est également rapporté qu’ils suivaient l’enseignement de deux instituteurs communistes de la commune voisine du Rouret, M et Mme Dardaillon.  Ces derniers entraient le soir à la mairie, soi-disant pour y passer des appels téléphoniques, mais en fait pour utiliser les tampons officiels qu'ils apposaient sur de faux-papiers à destination de ceux qui étaient menacés de déportation.

(Le fait que le jeune maire du village, M. Michel, ait été Résistant a dû quelque peu leur faciliter la tâche !)

Ces détails de la vie quotidienne du village se trouvent tous dans le livre de Maureen Emerson, qui a consulté pour ses recherches de nombreux historiens, dont Jean-Louis Panicacci, le Président du Musée de la Résistance azuréenne, et également Membre d’Honneur de notre association. 

Une chose est certaine : dans un village aussi petit qu'Opio les informations devaient circuler de bouche à oreille de voisin sans aucun problème. À cette époque, le village manquait de tout. Les restrictions alimentaires y étaient épouvantables et délétères. Les incitations à la délation contre récompense devaient être fortes. Le fait que ces enfants (et sans doute d'autres) aient pu être cachés si longtemps, et sauvés d'une mort certaine, prouve le bon cœur et la solidarité de ses habitants d'alors. Ils font partie des Justes anonymes qui méritent notre plus grand respect. 

Qu'ils en soient ici remerciés, ainsi que leurs descendants. 



Ces pavés au nom des frères survivants 
rappellent leur triste trajectoire


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NB. Dans le billet précédent, nous avons rajouté le témoignage très récent d'un habitant d'Opio qui se souvient encore de la famille Bocobza. Vous pouvez le consulter en cliquant


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* CLIQUEZ ICI POUR VOIR DES PHOTOGRAPHIES ANCIENNES D'OPIO, ET D'ELISABETH STARR. ET POUR UNE TRADUCTION (à la manière de "Google translate " !) DE LA BIOGRAPHIE D'ELISABETH STARR.



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Billet rédigé et mis en page par Cathie Fidler


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