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mercredi 28 novembre 2018

MATTHIAS HAÏM NIYONZIMA, TUTSI ET JUIF



Matthias a été invité mercredi 7 novembre 2018 par l'association Bnai Brith d'Antibes. Sa présidente, Rosine Levy, a accueilli le conférencier. 

Il est présenté par son ami Jacques Wajsbrot qui l’a rencontré dans le désert d’Israël, lors d’une Marche pour l’eau organisée par le KKL. Il n’était alors pas encore converti au judaïsme orthodoxe par le consistoire de Paris (celui de Belgique n’organise pas de conversion). 


Matthias NIYONZIMA 
Crédit photo : ©Jacques Wajsbrot

Histoire personnelle de Matthias NIYONZIMA

Matthias est né le 7 juin 1957, à Kirundo dans le "Ruanda-Urundi(actuellement au Nord du Burundi) 
C’est un élève brillant et, en 1983, il obtient une bourse pour faire des études en Belgique. À côté de ses études de droit à l’Université de Louvain (K.U.Leuven), il étudie le droit international à la Cour Internationale de La Haye en 1984 et le droit comparé à la faculté internationale de droit de Strasbourg en été 1985. Il devient assistant en droit au King’s College London (1986-1987),  obtient son diplôme de doctorat en droit en Belgique en juin 1990,  professeur assistant en droit des contrats en Belgique (1987- 1991), avocat au Barreau de Bruxelles dès octobre 1990 et avocat au Barreau d’Anvers depuis 2012.  
En 1986, il rencontre Adam Samuel et fait la connaissance de Juifs touchés par la Shoah.
1996-1999 : il assiste à des conférences sur la judaïté des Tutsi. 
2003-2004 : il se rapproche de Rav David Kupperman, de l’association Kulanu qui organise également des seders de Pessach pour les Tutsi de Belgique.
2005 : il évolue vers un judaïsme religieux avec rav A. Guigui (Grand Rabbin de Bruxelles) et rav Elie Monsonego. 
2006 - 2008 : il suit un cursus religieux et se convertit avec le Beth Din de Paris, pour être reconnu partout comme juif. 
Depuis 2008, il pratique un judaïsme orthodoxe. 

Tutsi et Ethiopiens en Afrique

Pour expliquer la géopolitique de cette région de l’Afrique, il faut remonter à la conférence de Berlin en 1884. C’est là que l’empire d’Ethiopie a été amputé de ses territoires méridionaux autour du Nil Blanc. Selon le Kebre Negest (Histoire des Rois d’Ethiopie), l’Empire a été fondé par Ménélik 1er(vers le 10èmesiècle avant l’ère commune). La dynastie ahmarique est fondée par l’Empereur Zana en 324 de notre ère ; elle entretient des traditions juives et chrétiennes (la chrétienté est installée dès l’an 324 par des missionnaires coptes venant du Sud de l’Egypte ; ils influencent fortement l’Empereur qui se convertit au christianisme).

Carte de l'Afrique de l’Est

La colonisation européenne de l’Afrique a débuté au 16ème siècle et a connu son apogée avec la conférence de Berlin (1884 – 1885) ; l’Afrique est partagée entre les grandes puissances. La colonisation des territoires tutsi commence en 1896 ; en 1903 la loi allemande est imposée. À l'époque des indépendances, la mémoire collective juive des Batutsi se concrétisa notamment par l'adoption de l'étoile de David sur le drapeau du Burundi.

 
Le drapeau du Burundi

Les Tutsi ont une tradition orale qui montre des similitudes avec la tradition juive : 
-un monothéisme strict très ancien toujours pratiqué,
-le respect de la casheroute, 
-l'attachement à la Tradition, 
-le refus du baptême chrétien et de l'assimilation 
 
Tutsi du BURUNDI

Le judaïsme des Tutsi est prétalmudique, comme celui des Patriarches, des rois David et Salomon. Il semble que les Tutsi descendent de la tribu de Juda. Ce sont des nomades qui ressemblent d’avantage aux Massaïs qu’aux  Africains dits « bantous » (ces derniers ayant leur origine en Afrique de l’Ouest). 
À partir de 1931, les missionnaires les forcent à se convertir au christianisme. 
Dans la tradition judéo-chrétienne, les Juifs éthiopiens descendent de la Reine de Saba et du roi Salomon ; Ménélik 1erest leur fils, ce qui explique la présence de symboles juifs dans la tradition éthiopienne (africaine). 
Selon Rav Ovadia Yossef, z ‘’l, ils descendent plutôt de la tribu de Dan. 

Israël et l’Afrique  

En 1950, l’Afrique est solidaire avec le jeune état d’Israël et les échanges sont nombreux. 
L’opération Entebbe, en juillet 1976, a permis un réveil des Tutsi qui sont massacrés depuis 1959. Idi Amin Dada avait édicté des lois discriminatoires à l’égard des Juifs et des Tutsi. Il a été renversé en 1979.
D’autres génocides contre les Tutsi ont lieu en 1965 et 1988 au Burundi et en 1964, 1973 et 1990 au Rwanda. 
Les Juifs éthiopiens sont en grand danger d’extermination et Israël organise en 1985 l’opération Moïse et l’opération Salomon en 1991 pour leur venir en aide. Ils les font venir et les intègrent à la population israélienne. 
En août 1988, les Tutsi sont massacrés au Burundi. L’épouse de Matthias est une survivante qui a vu sa famille massacrée. 
En 1994, après le génocide des Tutsi, des associations juives leur viennent en aide.  
Après une période de relations difficiles, Israël revient progressivement en Afrique et établit une coopération durable avec certains états africains. Avec les Tutsi, les liens sont plus forts, notamment à cause du devoir partagé de Mémoire.
Les Tutsi sont une minorité dispersée, des nomades ayant un mode de vie  pastoral. Ils ont des vaches aux longues cornes recourbées et se déplacent en fonction des besoins des groupes humains et des troupeaux. 


La justice se pratique avec  un tribunal selon le mode traditionnel Tutsi. 
Leur habillement traditionnel est particulier : long vêtement clair et un bâton comme au temps de Moïse. 
Les missionnaires qui veulent les évangéliser leur interdisent les vêtements traditionnels et la pratique de la cacherout. Ils interdisent aussi une fête qui ressemblait à Souccoth, dite « umuganuro ». Ils ont pratiqué une sorte d’inquisition à l’égard des Tutsi. 
Aujourd’hui le nombre de Tutsi s’élève à environ 3 000 000, mais tous ne se reconnaissent pas comme ayant des origines juives. 

Bergers tutsi en costumes traditionnels, et leurs troupeaux

En fait, d’après Matthias, 10% se réclament de la judaïté et 10% ne pratiquent pas la religion mais sont nettement judéophiles. D’autres (une infime minorité) sont convertis à l’Islam. La grande majorité (plus de 75%) pratiquent le christianisme dans ses différentes variantes. Cependant, suite à l’expérience du génocide, tous les Tutsi ressentent une certaine affinité avec les Juifs.
Les Tutsi font partie d’une élite qui, quand elle n’est pas discriminée, vit bien dans son pays et n’a pas la même demande d’Alya que les Ethiopiens qui étaient en danger de mort à cause de la famine, et de l'antisémitisme...  
Il n’y a pas de synagogue, pas de circoncision systématique, et si les Tutsi se regroupent pour prier, il n’y a pas de référence au Beth Hamidash, mais une transmission uniquement orale et familiale dans laquelle on peut noter l’interdiction de viandes non casher.

  
Tusti en costumes traditionnels avec les tefilines (1920)

Position d’Israël  

Les Juifs et les Tutsi ont en commun le devoir de Mémoire du génocide.

Lors des motions de l’ONU, le Rwanda est l'un des rares pays à ne jamais voter contre Israël. 
Il y a beaucoup de coopération entre eux : les Rwandais viennent étudier en Israël puis rentrent chez eux. Ils ne sont pas considérés comme juifs. 
Au point de vue religieux : les rabbins orthodoxes (qui incluent le grand rabbinat d’Israël) exigent une conversion orthodoxe des Tutsi, si ces derniers veulent faire l’aliah.  
Il y a une différence importante entre Ethiopiens et Rwandais : les premiers ont demandé massivement à faire leur Alya mais pas les seconds. Les Ethiopiens sont venus avec leurs livres de prières et pratiquent un judaïsme certes très ancien mais leurs références bibliques sont les mêmes que les Juifs d’autres pays éloignés.  Pour eux, la pression était telle que c’était partir en Israël ou mourir en Ethiopie. 

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Un grand merci à Matthias NIYONZIMA qui nous a aimablement communiqué les illustrations de ce billet. 



Texte de ce billet : Michèle Merowka

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