DEUX ÉVÉNEMENTS MAJEURS ONT EU LIEU À NICE DANS LA MÊME SEMAINE.
Le 4 novembre à 19 heures, et malgré les intempéries, L'AMEJDAM a consacré au Centre Jean Kling de Nice, une soirée en mémoire du "réseau Marcel".
En présence de deux autres "enfants" sauvées par ce réseau – Jeannette Wolgust, et Marthe Kuperminc – Andrée Poch-Karsenti, a évoqué en particulier le parcours d'une femme extraordinaire, qui aurait eu 100 ans cette année : Odette Rosenstock.
Jeannette Wolgust et Marthe Kupermink,
toutes deux sauvées par le réseau Marcel, racontent sur RCN.
RAPPELONS ICI QUELQUES FAITS HISTORIQUES :
Le 8 septembre 1943, l’Italie signe l’armistice avec
les alliés. Le 10 septembre, les nazis
occupent les territoires contrôlés précédemment par les italiens. Aloïs
Brunner, lieutenant d’Eichmann, organise l’arrestation et la déportation des
Juifs de Nice et de sa région.
(image prise sur ce site)
Odette Rosenstock-Abadi (1914-1999)
(image prise sur ce site)
Au début de l’année 1943,
Odette Rosenstock et Moussa Abadi, sollicitent et obtiennent l’aide de
Monseigneur Paul Rémond, évêque de Nice, afin de constituer un réseau de sauvetage et de résistance destiné à cacher les enfants juifs traqués par les nazis. Ils reçoivent
également le soutien des pasteurs Edmond Evrard et Pierre Gagnier.
Monseigneur Paul Rémond (1873-1963)
(image prise sur ce site.)
Monseigneur Rémond nomme
Moussa (Monsieur Marcel) inspecteur des écoles de l’enseignement libre
puis, brièvement, professeur de diction au petit séminaire ; Odette, précédemment médecin, est nommée "Assistante
Sociale de l’Evêché en charge des enfants réfugiés du diocèse".
Moussa et Odette trouvent des
lieux d’accueil pour les enfants ; Moussa fabrique de faux papiers et de
fausses cartes d’alimentation – il s’occupe également de réunir des fonds, surtout
grâce à l’aide de l’American Joint Committee représenté par Maurice Brenner. Le
réseau Marcel reçoit également l’aide d’Huguette Wahl, assistante sociale de
l’O.S.E (Œuvre de Secours aux Enfants). Pour en savoir plus, cliquez ici. Et là.
Le Réseau Marcel est
opérationnel à partir du 10 septembre 1943.
Odette et Moussa déploient
une énergie de tous les instants au péril de leur vie :
La France envahie, les Juifs
hollandais, belges, autrichiens et allemands ayant fui leurs pays tentent de
gagner la zone libre. Ils ont des noms dont la consonance permet de les identifier.
Comme les Juifs français, qu'ils le soient de longue date où par naturalisation
récente, leurs patronymes les rattachent au judaïsme. Il faut dépersonnaliser
les enfants, leur donner des prénoms et des noms à consonance chrétienne,
vaincre leurs réticences, les convaincre qu'après la guerre leurs parents les
retrouveront. C’est le travail de Moussa qui invente pour chacun une
"nouvelle" histoire de famille dans une maison que les Sœurs Clarisses ont
mis à sa disposition à Cimiez, sur les hauteurs de Nice. Il devient, selon ses dires, un « voleur d’identité ».
(Source ici.)
527 enfants Juifs seront ainsi sauvés par le réseau Marcel.
Odette est arrêtée le 25
avril 1944 et livrée à la Gestapo. Elle est ensuite transférée à Drancy et
déportée à Auschwitz le 20 mai 1944. Dans son livre "Terre de détresse", elle raconte son arrivée au camp. Ce qui s'est passé à ce moment-là est symbolique de toute son action.
"Nous essayons de rester groupés, la foule affolée nous en empêche. Je marche avec deux gosses, un à chaque main. Je vois passer un vieux couple ami, les Téplansky, courant sans se lâcher, tête baissée, dos courbé, comme si une tempête les poussait. De loin, Fanny me fait signe … Un détenu me tire en avant avec la poignée recourbée de sa canne qu’il accroche à mon cou, me parle bas et très vite : « Je suis grec, juif comme toi. Il faut qu’on te sépare des enfants pour que tu vives ». Je ne comprends pas ; je reprends les petites mains qui m’avaient échappé. D’autres détenus m’arrachent les gosses encore plus violemment et, comme je me révolte et veux revenir en arrière, le premier me tire de nouveau et plus fort et me porte presque devant les Allemands. Ce sont quatre officiers qui se tiennent très calmes devant la grande porte du camp et qui ne semblent pas voir notre déroute éperdue. Ils classent « Links » ou « Rechts », à gauche les femmes, à droite les hommes – et à part, la masse énorme des vieillards, des infirmes, des femmes enceintes et de celles qui n’ont pas voulu lâcher leurs petits, de tous ceux qui n’ont pas pu et qui vont aller aux gaz." *
Odette est libérée par les Anglais le 15
avril 1945. Elle reprend ensuite son activité de médecin. Odette et Moussa se marient
en 1959 ; ils seront unis religieusement en 1989 par le rabbin Farhi.
En 1991, le titre de Juste parmi les nations a été décerné,
au nom de l’État d’Israël, par le Mémorial de Yad Vashem, à Monseigneur Paul
Rémond, évêque de Nice, et à des membres de son diocèse qui s’impliquèrent dans
le sauvetage des enfants, ainsi qu’au pasteur Edmond Evrard et sa famille, et
au pasteur Pierre Gagnier et son épouse.
Cette soirée a été suivie le jeudi 6 novembre par toute une journée d'étude sur les Juifs des Alpes-Maritimes pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet événement s'est tenu sous les ors de la République, au "Palais sarde", à savoir au Palais préfectoral, Place Pierre Gautier, à Nice.
Cette soirée a été suivie le jeudi 6 novembre par toute une journée d'étude sur les Juifs des Alpes-Maritimes pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet événement s'est tenu sous les ors de la République, au "Palais sarde", à savoir au Palais préfectoral, Place Pierre Gautier, à Nice.
De 9:30 h à 18 h nombreux ont été ceux qui ont pris la parole pour raconter l'Histoire et rappeler que la mémoire est le meilleur garant de la tolérance.
Se sont succédés au micro, le matin :
– M. Olivier Lalieu, (responsable de l'aménagement des lieux de mémoire et projets externes du Mémorial de la Shoah) qui a invité les jeunes lycéens présents à aller consulter les panneaux datant de 2002, retraçant l'histoire des Juifs de France dans la Shoah. Réalisés grâce aux travaux de Me Klarsfeld, pour les Fils et Filles de Déportés Juifs de France, et à ceux de M. Jean-Louis Panicacci, Professeur émérite de l'Université de Nice-Sophia Antipolis, quatre de ces panneaux sont consacrés au destin des Juifs dans les Alpes-Maritimes.
– M. Olivier Lalieu, (responsable de l'aménagement des lieux de mémoire et projets externes du Mémorial de la Shoah) qui a invité les jeunes lycéens présents à aller consulter les panneaux datant de 2002, retraçant l'histoire des Juifs de France dans la Shoah. Réalisés grâce aux travaux de Me Klarsfeld, pour les Fils et Filles de Déportés Juifs de France, et à ceux de M. Jean-Louis Panicacci, Professeur émérite de l'Université de Nice-Sophia Antipolis, quatre de ces panneaux sont consacrés au destin des Juifs dans les Alpes-Maritimes.
– Michèle Merowka, notre Présidente, a eu la lourde charge de "remplacer" Me Serge Klarsfeld, empêché. Elle a expliqué avec une grande clarté le contexte historique, en insistant bien sur la différence entre les trois périodes : "zone libre", "zone d'occupation italienne" et "zone occupée" par les nazis à partir de septembre 1943, et le crescendo tragique que cela a impliqué pour les Juifs réfugiés dans les Alpes Maritimes.
– Eric Gili, professeur d'histoire, a très bien détaillé le rôle des églises (catholique et protestante) face à la persécution, et de leur implication dans le sauvetage des Juifs et des enfants en particulier.
– Philippe Boukara, historien, a posé les questions essentielles : Qui savait quoi ? Comment agit-on ? Qu'en est-il de la mémoire après la guerre ?
Il a su nous faire comprendre que la tragédie qui se déroulait à Auschwitz avait été racontée à Nice à la section juive de la MOI (Main d'Œuvre immigrée) du Parti Communiste par Ignacy Honig et Chaïm Salomon, deux évadés d'un camp satellite. Ce témoignage "d'un Juif de Nice qui, déporté, vécut pendant 8 mois dans l'un des plus atroces camps de Pologne" a été publié dès le 1er août dans Notre Voix, a circulé ensuite, et sa trace prouve bien que, dès 1943, si on voulait l'entendre, on pouvait "savoir". Vous aurez peut-être envie de prendre le temps d'écouter ici une de ses conférences.
Il a su nous faire comprendre que la tragédie qui se déroulait à Auschwitz avait été racontée à Nice à la section juive de la MOI (Main d'Œuvre immigrée) du Parti Communiste par Ignacy Honig et Chaïm Salomon, deux évadés d'un camp satellite. Ce témoignage "d'un Juif de Nice qui, déporté, vécut pendant 8 mois dans l'un des plus atroces camps de Pologne" a été publié dès le 1er août dans Notre Voix, a circulé ensuite, et sa trace prouve bien que, dès 1943, si on voulait l'entendre, on pouvait "savoir". Vous aurez peut-être envie de prendre le temps d'écouter ici une de ses conférences.
– Andrée Poch-Karsenti (photo ci-dessus) a ensuite raconté avec sensibilité et précision l'histoire d'Odette Rosenstock, et celle de la création du Réseau Marcel.
– Mme Bénédicte Gilardi, documentaliste, et Mme Muriel Blanc professeur d'histoire au lycée Thierry Maulnier, qui accompagnaient deux classes de première (L & STMG) impliquées dans un projet d'étude sur les génocides arménien, juif et rwandais, ont précisé leur travail et annoncé la semaine du mois d'avril (du 13 au 18) pendant laquelle les travaux d'élèves seraient présentés. Leur projet : "Semer quelques graines pour qu'ils deviennent des citoyens actifs – mémoire et citoyenneté".
Après une (très belle) pause buffet, qui a permis à tous et à toutes de poursuivre les échanges dans la convivialité, l'après-midi a d'abord été consacrée aux discours des officiels :
– M. Ladislas Polski, conseiller régional, représentant M. Michel Vauzelle, Président de la région PACA.
– M. Ladislas Polski, conseiller régional, représentant M. Michel Vauzelle, Président de la région PACA.
– M. Christian Estrosi, député-maire de Nice, Président de la Métropole Nice-Côte d'Azur.
– M. Gilbert Mary, conseiller général, représentant M. Eric Ciotti, député et Président du Conseil Général des Alpes-Maritimes.
– M. Adolphe Colrat, Préfet des Alpes-Maritimes, dont le discours très sobre et émouvant à la fois peut être consulté ici. (Nous vous engageons vivement à cliquer sur le lien !)
– M. Jacques Fredj, Directeur du Mémorial de la Shoah.
Tous – avec chacun son style – ont insisté sur le devoir républicain, qui consiste, entre autres, à continuer de transmettre les notions de respect et de tolérance. Sous l'égide majestueuse de la République ce fut un grand moment d'émotion et d'union nationale.
– M. Gilbert Mary, conseiller général, représentant M. Eric Ciotti, député et Président du Conseil Général des Alpes-Maritimes.
– M. Adolphe Colrat, Préfet des Alpes-Maritimes, dont le discours très sobre et émouvant à la fois peut être consulté ici. (Nous vous engageons vivement à cliquer sur le lien !)
– M. Jacques Fredj, Directeur du Mémorial de la Shoah.
Tous – avec chacun son style – ont insisté sur le devoir républicain, qui consiste, entre autres, à continuer de transmettre les notions de respect et de tolérance. Sous l'égide majestueuse de la République ce fut un grand moment d'émotion et d'union nationale.
Et, pour finir, l'assistance a pu entendre tour à tour le témoignage, passionnant et bouleversant à la fois, de Roger Wolman, Marthe Kuperminc (photo ci-dessous) et de Jeannette Wolgust, tous trois enfants cachés, et sauvés.
La journée s'est terminée par une pose de gerbes devant la stèle de la déportation du cimetière de Caucade. Celle de l’AMEJDAM a été déposée par Andrée Poch-Karsenti et Marthe Kuperminc, toutes deux membres de notre association et par notre vice-présidente, Madeleine Germain.
Au cours de cette cérémonie de clôture, Gabriel Pélisson, élève de première littéraire du Lycée Thierry Maulnier a lu un extrait de Terre de détresse.
Son implication (tout comme la qualité de l'écoute des deux classes invitées) laisse à penser que la relève est bel et bien assurée en matière de transmission de la mémoire. Qu'il en soit ici chaleureusement remercié.
JL+L & C.F.
Vous trouverez davantage de photos sur la page facebook de la Préfecture des Alpes Maritimes. ICI. Et ici.
Jeannette Wolgust
Au cours de cette cérémonie de clôture, Gabriel Pélisson, élève de première littéraire du Lycée Thierry Maulnier a lu un extrait de Terre de détresse.
Son implication (tout comme la qualité de l'écoute des deux classes invitées) laisse à penser que la relève est bel et bien assurée en matière de transmission de la mémoire. Qu'il en soit ici chaleureusement remercié.
JL+L & C.F.
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Odette Abadi, Terre de détresse (Birkenau – Bergen-Belsen), Éditions L’Harmattan, 2012.
Andrée Poch-Karsenti, Les 527 enfants d'Odette et Moussa, Éd. Le Publieur, 2006.
Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Un département dans la tourmente, Éditions Serre, 2004.
Serge Klarsfeld, Les rafles des Juifs à Nice, 1942-1944. Publication des FFDJF.
Jean Kleinmann, La vie des Juifs à Nice pendant la Seconde Guerre mondiale et leur déportation (Thèse de doctorat d'État, disponible en lecture libre ici.)
Nos remerciements à David Nakache, chargé de mission, pour son aide précieuse à la rédaction de billet.
Crédits photographiques JL+L & Michèle Merowka pour l'AMEJDAM
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