Un appareil mythique
Le Leica est un appareil photo
connu pour la qualité exceptionnelle de son optique qui permet d’obtenir des
images parfaites même en faible lumière. Cet appareil mythique au design épuré est d’une robustesse incomparable.
Les pratiques photographiques ont été révolutionnées par l’apparition des
smart phones, mais le Leica reste
« la » référence auprès des professionnels et des amateurs éclairés.
Il a été inventé par Oskar Barnack (1879-1936), un ingénieur en mécanique de précision employé par l'entreprise Leitz spécialisée dans la production de microscopes, de jumelles et de lunettes de visée. Sa grande trouvaille a été d'adapter la taille de la pellicule cinéma à un format 24 x 36 mm. Le premier Leica, le Leica Ur (originel) fut fabriqué en 1914 et ne pesait que 377 grammes. Le nom donné à l'appareil est une contraction de Leitz (la société d'optique) et camera. Il s'agissait aussi de concurrencer le Brownie en carton de Kodak au format 6x6 cm qui offrait des clichés de mauvaise qualité.
Le Leica est produit en série à partir de 1925 – la production a été retardée en raison de la Première Guerre mondiale. Petit, maniable, léger, le Leica a révolutionné la presse et a permis l’essor du photo-reportage. Il est adopté par le magazine VU en France dès 1928 et Life Magazine l’utilise à partir de 1936, notamment pour couvrir la guerre d’Espagne. C’est l’appareil fétiche des grands photographes tels que André Kertész, Edourad Boubat, Henri Cartier-Bresson, Robert Capa …
Le Leica est produit en série à partir de 1925 – la production a été retardée en raison de la Première Guerre mondiale. Petit, maniable, léger, le Leica a révolutionné la presse et a permis l’essor du photo-reportage. Il est adopté par le magazine VU en France dès 1928 et Life Magazine l’utilise à partir de 1936, notamment pour couvrir la guerre d’Espagne. C’est l’appareil fétiche des grands photographes tels que André Kertész, Edourad Boubat, Henri Cartier-Bresson, Robert Capa …
Robert Capa (Weymouth, Angleterre, 7 juin 1944)
© David Schermann. Image empruntée ici.
Un patron hors du commun
Ernst Leitz II (1871-1956)
Image empruntée ici
Le patron de l'entreprise, Ernst Leitz II, avait de nombreux collaborateurs juifs qu'il a protégés et sauvés durant les années noires du régime nazi. Il a été surnommé de manière quelque peu emphatique, le Schindler de l'industrie de la photographie.
Ernst Leizt II était un homme d'une totale intégrité, profondément attaché aux valeurs du protestantisme. Son père, Ernst Leitz I avait déjà marqué de son empreinte son entreprise en instaurant l'un des premiers systèmes d'assurance maladie.
Il est
d'abord le légataire d'une tradition morale, enracinée dans de fortes
convictions protestantes. Son père, Ernst I, fut un patron progressiste qui
instaura, dans son entreprise, l'un des premiers systèmes d'assurance-maladie ; ce dernier introduisit également la production en série dès 1871. À l’aube du 20e
siècle, l’entreprise était le premier producteur mondial de microscopes.
Né en 1871, Ernst
II perd sa maman alors qu'il est très jeune. Il entre dans l’entreprise en 1906 et il
y joue un rôle discret mais essentiel pour le devenir la firme. Il succède à son père en 1920 et c’est sous
son impulsion que le Leica prendra
son essor dans un contexte économique pourtant peu favorable. Patron à
l’allure modeste, il est totalement dévoué à son entreprise et très proche de ses
employés.
C’est un
homme aux convictions fortes. Ainsi, en 1933, il se présente aux élections dans
la mouvance du DDP (Deutsche Demokratishe Partei), un parti libéral de gauche
fondé par Walter Rathenau, mort assassiné en 1922. Lors de cette campagne
électorale, il s’est opposé frontalement au parti national-socialiste.
Le train de
la liberté
Pour venir en aide à ses employés juifs, Leitz a mis au point, le Leica Freedom Train. Des collaborateurs, des techniciens, des amis, des journalistes, ont été mutés dans les bureaux de l'entreprise aussi bien en France, qu'en Grande-Bretagne, qu'à Hong Kong et qu'aux USA. Le nombre de mutations a sérieusement augmenté après Kristallnacht en novembre 1938.
Aux USA, par exemple, les employés se rendaient au bureau de l’entreprise Leitz dès qu’ils avaient débarqué. Là, on les aidait immédiatement à trouver du travail. On leur offrait un Leica et un peu d’argent. Le train de la liberté Leica a connu son apogée en 1938 et au début de l’année 1939. Cela a duré jusqu’à l’invasion de la Pologne (1er septembre 1939), date à laquelle l’Allemagne a fermé ses frontières.
Ernst Leitz II a
aidé environ une soixantaine de Juifs à quitter l'Allemagne nazie. Il a également protégé
plus d’une vingtaine d’autres en butte aux persécutions. Il a pu agir de la
sorte en raison du poids économique de son entreprise, laquelle rapportait énormément
de devises à l’Allemagne. En outre, la firme Leitz avait une position de leader
dans son domaine aux États-Unis et elle équipait l’armée allemande en matériel
d’optique.
Après la
guerre
L’entrepreneur est toujours resté très discret sur son action durant cette période. Dans un document qu’il lira en 1947 devant un tribunal de dénazification, il déclarera que ses actes découlaient d’une attitude fondamentalement démocratique. Il sera acquitté ; son adhésion au Parti Nazi en 1942 sous la contrainte ne lui sera pas reprochée au regard de sa courageuse attitude pendant les années de guerre.
Toutefois, en dépit de ces sauvetages, Ernst Leitz II ne figure pas sur la liste des Justes parmi les nations. Ce qui lui a été reproché au lendemain de la guerre (l'adhésion au parti nazi et le soutien à l'effort de guerre) interdit vraisemblablement de l'honorer en tant que Juste.
Des membres de sa famille et certains cadres ont eu maille à partir avec le régime nazi en raison de l'aide qu'ils avaient apportée aux Juifs. Un haut dirigeant, Alfred Turk, a été emprisonné pour avoir aidé des Juifs et a été finalement libéré après le versement d'une importante somme d'argent.
Elsie Kuhn-Leitz (1903-1985)
La fille de Leitz, Elsie Kuhn-Leitz, a été emprisonnée dans les geôles de la Gestapo de septembre à novembre 1943 pour avoir aidé des femmes juives à passer la frontière Suisse.
Elle a été finalement libérée, mais elle a subi des interrogatoires particulièrement éprouvants. Dans l'usine paternelle, elle a œuvré pour améliorer les conditions de travail d'environ 800 femmes ukrainiennes.
Après la guerre, Elsie Kuhn-Leitz a été souvent honorée, non seulement pour son attitude courageuse pendant la guerre, mais pour son implication dans des actions humanitaires en Afrique. Par ailleurs, elle s'est efforcée de réconcilier l'Allemagne avec ses anciens ennemis. Elle a reçu les Palmes Académiques en 1965 et la Médaille d'Aristide Briand de l'Académie européenne en 1970.
Elle a été finalement libérée, mais elle a subi des interrogatoires particulièrement éprouvants. Dans l'usine paternelle, elle a œuvré pour améliorer les conditions de travail d'environ 800 femmes ukrainiennes.
Après la guerre, Elsie Kuhn-Leitz a été souvent honorée, non seulement pour son attitude courageuse pendant la guerre, mais pour son implication dans des actions humanitaires en Afrique. Par ailleurs, elle s'est efforcée de réconcilier l'Allemagne avec ses anciens ennemis. Elle a reçu les Palmes Académiques en 1965 et la Médaille d'Aristide Briand de l'Académie européenne en 1970.
Le Leica IIIc
Ce n'est qu'après la mort du dernier membre de la famille Leitz que le Train de la Liberté Leica a fait l'objet d'articles dans la presse. En 2002, le rabbin Frank Dabba Smith a publié un ouvrage sur cet épisode peu connu: Le Train Liberté Leica.
On pourra lire également quelques détails biographiques passionnants sur un jeune employé, Kurt Rosenberg, sauvé par Leitz en 1938. Ce jeune homme, naturalisé américain par la suite, perdit la vie lors du torpillage du Liberty Ship*, Liberty Paul Hamilton, le 20 avril 1944. Pour en savoir davantage, cliquez sur le lien, Holocaust Center For Humanity.
SS Paul Hamilton
Pour écouter ou réécouter l'émission consacrée au Train de la Liberté Leica, cliquez ici
Texte et mise en page, Jacques Lefebvre-Linetzky, 2019
Quel talent que celui de faire partager ses passions... Jacques, tu es contagieux, et c'est bon ! Merci
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