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mercredi 24 juillet 2019

JOURNÉE NATIONALE EN HOMMAGE AUX VICTIMES DE LA RAFLE DU VEL D'HIV'



Dimanche dernier 21 juillet, a eu lieu, comme chaque année, une cérémonie officielle sur le quai A (ex n°1) de la gare de Nice, dans le cadre de la "Journée Nationale à la mémoire des crimes racistes et antisémites de l'État français, et d'hommage aux 'Justes parmi les Nations' de France."

L'AMEJDAM y était, comme toujours, et s'est associée à la pose des gerbes qu'il est d'usage de déposer devant la plaque commémorative située sur ce quai, après l'allumage de six bougies du souvenir. 


Plusieurs allocutions ont été prononcées avant cela, dont celle de Mme Suzanne Tarica (également membre de notre association), un discours qu'elle a eu l'amabilité de nous confier, et que nous transcrivons ci-dessous. 


Mme Suzanne Tarica, née Mayer

"Ébloui par la lumière, le soleil et le ciel bleu, il se crut au paradis. C'est ce que mon père Daniel Mayer nous disait en évoquant ce jour d'octobre 1935 lorsqu'il descendit du train et sortit de la gare Thiers. 
La montée du nazisme l'avait forcé à quitter l'Allemagne, son travail, sa famille et son village pour s'expatrier, devenu un réfugié qui ne parlait pas le français. 

Il venait d'un village, Bollendorf, à la frontière luxembourgeoise, le plus jeune de 8 enfants, sociable, optimiste, espiègle et choyé. La communauté juive d'une centaine de personnes vivait en bonne harmonie avec les habitants catholiques et protestants du village. 

Après ses années d'apprentissage, Daniel trouva un emploi comme représentant de commerce et vendait de la passementerie, rideaux et autres articles décoratifs. Après 1933, ses rapports avec ses clients devinrent difficiles. Ceux qui lui demandaient s'il était juif le jetaient dehors. En 1935, il se prépara à émigrer. 

Avec un ami, il trouva une annonce qui offrait une affaire à vendre à Nice au nom imposant de Comptoir des Produits Chimiques et Métallurgiques. Ni mon père ni son collègue n'avaient d'expérience dans ce domaine, mais cela ne les arrêta pas. Un acompte fut envoyé, la réponse fut un morceau déchiré d'une carte postale. La propriétaire fixa un rendez-vous à la Poste de Nice où le reste de la carte postale et le solde du prix furent échangés et l'affaire scellée. Et c'est ainsi que Nice devint notre port d'attache. 

Les années qui suivirent ont connu la déclaration de guerre, les camps d'internement pour étrangers au Fort Carré d'Antibes et au Camp des Milles, le départ des troupes italiennes et, en 1943, l'arrivée des troupes allemandes. 

Ces événements avaient été accompagnés par une succession de mesures anti-juives à partir de 1940 comme la perte de la nationalité française acquise après 1927, la liberté de disséminer de la propagande antisémite, le recensement des Juifs et la création du fichier juif, l'exclusion de tous les Juifs de la fonction publique et des carrières artistiques. 


La vie à Nice était déja précaire pour les Juifs,  mais 1943 marque le début d’une période extrêmement dangereuse.  En septembre 1943, Alois Brunner arrive, qui avait dirigé le camp de Drancy et envoyé à la mort des milliers de Juifs viennois et la presque totalité de la communauté juive de Salonique.   Les rafles deviennent fréquentes, aidées par le fichier juif, les dénonciations,  l’efficacité cruelle d’Alois Brunner et les trains de déportation roulent vers Drancy depuis la gare de Nice, cette même gare où nous sommes aujourd’hui réunis.
Septembre 43, ma famille,  c’est-à-dire mes parents, mes grand-parents maternels, ma tante et moi, âgée de 3 ans, nous quittons  la rue Chateauneuf,  qui longe la voie ferrée,  et que nous jugeons risquée  et nous déménageons rue de l’Abbé Grégoire, toujours le long de la voie ferrée, en face de la gare.  Le soir, on entendait les cris déchirants des familles qu’on embarquait dans les trains de déportations.
Il était devenu urgent de se cacher.  Je fus placée dans l’Institution Apraxine, sur la colline St Philippe, oú les sœurs cachaient aussi d’autres enfants.  En  descendant après m’avoir laissée,  mes parents, en pleurs, rencontrent François Giribone, artisan peintre et client de mon père.  M. Giribone leur demande la raison de leur détresse et apprend les dangers qu’ils courent. Alors, sans hésiter,  sans jamais douter que c’était son devoir moral de conscience, malgré les risques que lui et sa famille couraient, François Giribone les invita, avec générosité et courage, à venir se cacher chez lui.   Mes grand-parents, mes parents et ma tante touvèrent refuge chez la famille Giribone.
Nous sommes ensuite partis vers la Suisse, mes parents et moi. Le reste de ma famille passa le reste de la guerre dans le Sud-Ouest. 
 En 1945, à la Libération, nous sommes rentrés à Nice.  Cette même gare nous a accueillis.  Mais nous avons aussi attendu plusieurs des nôtres qui ne sont jamais plus revenus,  nos tantes, nos oncles, nos cousins,  parmi eux Charles âgé de 6 ans, Frieda 16 ans, Sophie 75 ans …Léna….
Grâce à François et Eléonore Giribone,  Justes parmi les Nations,  nous avons survécu.  Nos familles sont à jamais unies à travers les générations."   

Merci, Suzanne, pour ce témoignage aussi précis qu'émouvant. 

Ont ensuite pris la parole : au nom du CRIF, Franck Médioni ; Mme Martine Ouaknine, représentant M. Christian Estrosi, maire de Nice...



M. Franck Médioni, filmé par Yossi Benavraham,
qui nous accueille chaque semaine sur RCN
Photo © Michèle Merowka



Mme Martine Ouaknine, adjointe au maire de Nice


... et M. le Préfet des Alpes-Maritimes, M. Bernard Gonzales. Ce dernier, nouvellement arrivé à Nice, a été convié à allumer la sixième bougie...


Toutes leurs allocutions ont été d'une pertinence et d'une efficacité notables, en attirant l'attention sur la nécessité de garder intacte notre vigilance. 

La présence d'adolescents (comme par exemple le petit-fils de Mme Maguy Kaufmann) et d'élèves de l'école   Kerem Menachem, nous a rassurés quant à la transmission et la pérennité de cette mémoire. 

Vous pouvez à présent regarder quelques autres images de cette cérémonie. Nous remercions vivement tous ceux et celles qui s'y sont associés à nos côtés, ainsi que les officiels et les représentants des cultes qui y ont participé. 



De gauche à droite : Pierre Lellouch, 
Zelda Sosnowski & Annette Cabelli, 
(déportées survivantes)
Suzanne Tarica
et le Dr Max Hizer

Photo © Michèle Merowka



Allumage d'une bougie par Mme Annette Cabelli, 
survivante d'Auschwitz,
 où elle a été déportée depuis Salonique 
avec toute sa famille


Quelques-unes des personnalités du monde politique 
niçois qui ne manquent jamais nos cérémonies. 
On note la présence, à gauche, de M. Rudy Salles  




Gerbe déposée pour l'AMEJDAM et Yad Vashem 

par notre présidente, Michèle Merowka & Mme Corinne Azerad
Derrière elles, se tiennent aussi 

MM. Rudy Salles, Patrick Allemand et Patrick Mottard
Tristan, le petit-fils de Maguy Kaufmann, dépose cette gerbe
en mémoire de ses aïeux déportés 
avec leur fille et leur petit-fils Georges Laurenti, en février 1944... 



Le petit Georges Laurenti
Photo archives de la famille Kaufmann 




Maguy Kaufmann et son petit-fils Tristan
Photo © Michèle Merowka




Que les très nombreux participants à cette cérémonie (membres de l'AMEJDAM ou de Yad Vashem, et des autres associations...) soient ici remerciés de leur fidèle présence, et nous pardonnent de ne les avoir pas  tous cités.  



Rédaction et mise en page de ce billet : Cathie Fidler
Sauf indiqué autrement, les photographies sont 
de © Jacques Lefebvre-Linetzky

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