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dimanche 27 novembre 2022

FLORENCE DAUMAN PARLE DE NUIT ET BROUILLARD

Sur RCN 89.3, dans le cadre de notre émission "Au nom des enfants", nous sommes toujours heureux de recevoir des invités qui nous parlent, sur place ou par téléphone, d'un sujet qui nous tient mutuellement à cœur. 

Cette semaine, nous avons ainsi pu interviewer Florence Dauman. Il y a quelque temps, nous avons consacré une émission au film que son père, Anatole Dauman, avait courageusement produit, au début des années 50 : NUIT ET BROUILLARD. 



Il nous a ensuite paru intéressant (et cela l'a été, pour nous en tous cas !) d'interviewer sa fille, qui depuis le décès d'Anatole Dauman en 1988, veille sur la pérennité des films  d'Argos, sa maison de production. 

"NUIT ET BROUILLARD" a connu des débuts complexes. 

Le documentaire a été présenté au Festival de Cannes, et a rencontré un grand succès critique et commercial.  Puis il a été projeté en RDA, premier pays étranger à vouloir le montrer, comme si ce pays ne s'était pas senti concerné par les atrocités nazies. Argos a eu plus de difficultés avec la RFA – encore truffée de Nazis, qui voulaient "oublier" très vite. Pour la version allemande, Argos a engagé le poète Paul Celan pour ré-écrire le commentaire en allemand, qui avait été ... massacré – comme, au sens propre, l'avaient été dans les camps, les parents de Paul Celan lui-même. Anatole Dauman connaissait l'allemand...  

Vous en saurez davantage sur le sujet, en écoutant le podcast de l'émission*. Mais, en prime, vous pouvez aussi lire ci-dessous quelques détails supplémentaires à ce sujet, qui nous ont été généreusement  confiés par Florence Dauman :


Je souhaite signaler l’excellent livre de Sylvie Lindeperg  "Nuit et Brouillard, un film dans l’histoire », passionnant ouvrage qui se lit comme un roman tant il est bien écrit, et où l’on trouve mille details dont j’ignorais moi-même l’existence jusqu'à la lecture de ce livre.




Au sein des commémorations ayant lieu pour le 10ème anniversaire de la Libération, le Comité d’histoire de la 2ème Guerre mondiale décide de faire une grande exposition à Paris en 1955, avec principalement de grands résistants. L’exposition s’appelait « Résistance, Libération, Déportation ».

 

Il ne faut pas oublier le rôle très important du « Réseau du Souvenir » qui était constitué de déportés, pour qui le devoir de mémoire concernant l’horreur de l’univers concentrationnaire était la base même de leur organisation. Témoigner...

 

Bien sûr, certains se retrouvaient dans les deux groupes, comme Germaine Tillon, mais aussi Henri Michel et Olga Wormser, dont Resnais m’a dit grand bien. 

 

Mon père et Nicole Vedrès, réalisatrice reconnue, dont le magnifique film de montage « Paris 1900 » avait été un succès, allèrent ensemble visiter l’expo et c'est donc là que commença la genèse du film que mon père et son collaborateur Philippe Lifchitz allaient produire, et qu’elle allait réaliser. Puis elle se désiste, trouvant le budget de 5 millions d’anciens francs insuffisant pour réaliser l’œuvre qu’elle envisageait. Le film finit d’ailleurs par coûter, si je me souviens bien, au moins trois fois cela.

 

Les producteurs se tournent alors vers Alain Resnais, un jeune réalisateur d’à peine plus de 30 ans. Ce dernier avait réalisé quelques court-métrages primés, dont Van Gogh, Guernica, et le documentaire anti-colonialiste « les statues meurent aussi » qui avait été promptement censuré, interdit de distribution.  Nous pourrons y revenir plus tard mais Nuit et Brouillard fut aussi censuré. (Demande de coupes du képi de gendarme à Pithiviers, et au festival de Cannes : d'anciens déportés menacent de manifester en tenue de déportés sur la Croisette, car le gouvernement français ne voulait pas présenter le film pour ne pas fâcher les Allemands.)


Resnais refusa d’emblée. Il lui apparaissait évident qu’un tel film devrait être réalisé par un ancien interné. Des amis communs intercédèrent (Tovarnicki et Chris Marker). Je pense qu’engager un grand ami de Marker pour écrire le commentaire, Jean Cayrol, fut sûrement décisif pour emporter l’accord d’Alain Resnais. Cayrol avait été emprisonné à Mauthausen pour faits de résistance. Écrivain et poète il avait écrit les « Poèmes de la nuit et du brouillard" publiés en 1945.  Cayrol apportait donc ainsi à Resnais la caution morale, la caution d’expérience qui lui faisaient défaut. À noter que, quand il s’agirait plus tard d’écrire le commentaire, en visionnant le premier montage de Resnais, les images étaient si terribles qu’elles rendirent Jean Cayrol malade et qu’il ne put écrire en visionnant le film. Ce fut donc un duo de voix qu'on retrouve dans le commentaire car le ton si particulier et sarcastique de Marker ("On affiche complet" ) est omniprésent dans le film.




Anatole Dauman. 
Photo aimablement confiée par sa fille Florence.

Et sur ce site vous pourrez 

retrouver les affiches de ses nombreuses 

et prestigieuses productions

Anatole Dauman a toujours pris des risques en privilégiant le coté artistique de l’œuvre, le talent de l’auteur, et la plupart de ses films ont reçu de très grands prix, Cannes, Berlin, Venise, etc. et les critiques les plus élogieuses.


Aussi quand Resnais a fait grimper le budget en demandant de tourner en couleur (les archives sont en noir et blanc, mais les scènes de tournage sont en couleur) ce qui rendait l’exploitation du film très coûteuse car il fallait tirer toutes les copies en couleur, mon père a répondu immédiatement qu’il trouverait le financement. Idem pour l’engagement du compositeur autrichien Hanns Eisler au lieu d’utiliser une musique déjà existante. Hanns Eisler, élève de Schoenberg, compositeur pour des pièces de Brecht, avait aussi écrit l’hymne national de la RDA. Il avait fui l’Allemagne en 33 où il était devenu compositeur non grata.

 

Le film fut, après sa sortie en France, d’abord distribué en RDA, puis en RFA, puis dans de nombreux autres pays. En France il fut très largement diffusé, particulièrement dans les circuits non-commerciaux et éducatifs. Henri Michel et Olga Wormser prirent leur bâton de pèlerin et allèrent présenter le film dans un grand nombre de villes, en France et en Europe...

Florence Dauman



En guise de conclusion, il nous paraît important également de rappeler qu'Anatole Dauman fut, avant de travailler dans le monde du cinéma, un Résistant très courageux, qui s'engagea à 16 ans (il était né à Varsovie en 1925) à Nice, ainsi qu'en témoignent ses états de service, dûment homologués après la guerre, et signés par le chef de bataillon Lecuyer, dont – signalons-le pour nos membres des Alpes-Maritimes – le fils, colonel lui-même, est un ami de notre association !


Anatole Dauman est entré au groupe Liberté en février 41, puis au groupe Veny, Mouvement de la France au combat en février 1942 en qualité d’organisateur de l’imprimerie clandestine pour la rédaction de fausses pièces d’identité, puis, en janvier 1943, il dirige le même service pour le compte de Libération Sud dans la biscuiterie Isnard, à Nice, et par la suite à l’Hôtel du Pré Catelan. En mars 1943, il travaille à l’évasion de Marianne Joseph, ex-agent du 2èmebureau, internée au camp de Gurs, ainsi qu’à l’évasion d’autres détenus. 

Il est arrêté le 30 octobre 1943, Bd de la Madeleine – où il habitait sous la fausse identité de Philippe Dumont –, par la police allemande, des SS & des SD, et il est interné aux "Nouvelles Prisons de Nice", pour être déporté. Il s’évade du train de déportation le 6 novembre au niveau de la gare de Valence. 

Il a fait partie du réseau Georges-France 31. 

Et, à partir du 1erjuillet 44, il a préparé les parachutages annoncés et reçus par des messages personnels : « Il est né sur les bords du Rhin » / « La côte est dure » ! Il a aussi participé à des embuscades et à des sabotages. 

Tout cela a été consigné noir sur blanc à la Libération, et il a reçu la Croix de Guerre avec étoile d’argent, qui lui fut remise par le Général de Brigade Vincent. 


* * * * 

 


*À PRÉSENT, SI VOUS SOUHAITEZ ÉCOUTER OU RÉ-ÉCOUTER CETTE ÉMISSION, IL VOUS SUFFIRA DE CLIQUER SUR CE LIEN. BONNE ÉCOUTE, ET À BIENTÔT !



 

 

 


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