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jeudi 29 août 2019

DÉVOILEMENT D'UNE PLAQUE MÉMORIELLE À OPIO

Cette cérémonie de dévoilement du 24 août 2019, à Opio, a précédé celle qui célèbre le même jour la Libération du Pays Grassois (Opio, Le Rouret, Le Bar-sur-Loup...) par les troupes alliées. Les deux ont rassemblé une assistance nombreuse et très impliquée.

La première a marqué l'aboutissement du travail de notre association, et été rendue possible grâce la coopération active du maire de cette commune, M. Thierry Occelli. 



Un bel endroit, paisible et propice au recueillement
sur le rond-point de la Font Neuve, à l'entrée du village





Un groupe important attendait que la cérémonie débute.
On note la présence de membres de l'AMEJDAM, 
tels que, de gauche à droite, 
Roger Kramer,  Daniel Wancier (représentant ce jour le CRIF Sud-Est), 
Suzanne Beer, Roger Wolman, Claude Gordon  
À droite, M. le Maire du Rouret, Gérald Lombardo

Ce billet a pour but de décrire ce moment fort, et surtout de rappeler les informations essentielles concernant les cinq hommes d'une même famille qui ont été arrêtés à Opio, puis déportés vers Auschwitz, via Nice et Drancy. Leur nom : BOCOBZA. 



Leurs nom et prénoms figurent sur cette plaque, que nous avons dévoilée avec émotion, à une date et à un endroit chargés de sens, où se tiennent des cérémonies commémoratives deux fois par an : "LE ROND-POINT DE LA LIBÉRATION" (aussi nommé "Le rond-point de la Font Neuve") 



M. Thierry Occelli, maire d'Opio,
nous accueille avec un discours sincère et émouvant
dans lequel il admet son ignorance antérieure
de cette funeste arrestation,
et nous remercie de lui avoir permis de contribuer 
à ce travail mémoriel




La plaque a été dévoilée 
avec  le concours de 
M. le Maire et de sa Première Adjointe, Mme Marie-Claude Salmon
crédits photos © Serge Binsztok



crédit photo © Serge Binsztok



Georges, le plus jeune des membres de cette famille était mineur, puisqu'il n'avait pas 18 ans lors de sa déportation : il est au cœur de notre travail de mémoire, qui concerne avant tout les enfants juifs déportés des Alpes-Maritimes. 



crédit photo © Michèle Merowka

Mais en poursuivant nos recherches sur internet nous avons trouvé d'autres informations concernant ces déportés.  Vous pouvez les lire ci-dessous, dans le discours que j'ai eu l'honneur de prononcer ce jour-là, après ceux, à lire plus loin de M. Thierry Occelli et de Michèle Merowka :  

"Grâce à vous, Monsieur le Maire, et à votre équipe municipale, cinq noms figurent à présent sur cette plaque. Hormis celle du Mémorial de la Shoah à Paris, et dans l’attente de la réalisation du Mur qui sera érigé à Nice en mémoire de tous les déportés des Alpes-Maritimes, cette plaque que nous voyons est la seule sépulture des 5 hommes dont les noms figurent ici.

Ce que nous savons d’eux est dû aux recherches de Me Serge Klarsfeld qui a collecté pendant des années toutes les informations concernant les déportés juifs de France. 

On trouve à présent sur le site du Mémorial de la Shoah, à Paris ce qui s’appelle « la fiche de fouille ». Elle comporte les dernières informations données au moment de leur arrivée dans ce camp de transit par les personnes arrêtées et, notamment, leur dernière adresse ou bien le lieu de leur arrestation, ainsi que la somme d’argent qu’ils ont remises aux autorités françaises en arrivant à Drancy. 

3èmesource de détails : le site israélien de Yad Vashem (Institut International pour la Mémoire de la Shoah), où l’on trouve notamment des fiches de témoignage, déposées après la guerre par des proches survivants. 

Les informations concernant 3 de ces 5 hommes du nom de Bocobza ont ainsi été corroborées par 3 fiches de témoignage, signées à Paris le 30 août 1978, et déposées auprès de Yad Vashem par le frère survivant de deux d’entre eux, nommé Robert. 

Et finalement, le Journal Officiel confirme par arrêté, avec la mention « mort en déportation », le triste sort de ces déportés sans retour.

Mais, en s’acharnant sur internet, on trouve quelques détails de plus, ici et là. Donc voilà ce que nous pouvons dire en ce jour pour nommer et évoquer publiquement ces victimes devant vous tous, qui êtes venus honorer leur mémoire :

Leur nom, tout d’abord, bon comme du bon pain et pour cause : Souvent porté par des juifs originaires de Tunisie et du Constantinois, le nom signifie en arabe dialectal l'homme au pain (-khubza). Il comporte de nombreuses variantes orthographiques.

Ainsi que vous pourrez le lire sur la plaque, 5 hommes portant ce nom ont été arrêtés ici à Opio, et ils sont arrivés à Drancy par le convoi du 20 février 1944, au départ de Nice.

ILS ONT ENSUITE TOUS ÉTÉ DÉPORTÉS DE DRANCY PAR LE CONVOI 69 DU 7 MARS 1944.

Ce fut, avec 1 501 déportés, le plus grand convoi de déportation parti de France. 
1 311 seront gazés peu de temps après leur arrivée au camp. 
En 1945, il ne restera que 20 survivants.
Dans ce convoi se trouvait Charles Mangel, le père du Mime Marceau, qui était le cousin de Mme Merowka, notre présidente, ici présente. 

Qui étaient ces 5 hommes ?



Jacques


JACQUES BOCOBZA, né à Tunis, en 1889, résidait 26, rue Colbert, à Marseille. Il était marchand - épicier. Son père se nommait Abraham et sa mère Leïla. Il était l’époux de Gabrielle Delaporte. Arrêté à Opio, il a été assassiné à Auschwitz le 12 mars 1944. Il avait 55 ans.  Il était le père de : 

ALBERT, ABRAHAM, ANDRÉ, BOCOBZA, né en 1920, Albert habitait avec ses parents, 26 rue Colbert à Marseille, où il était né. Arrêté à Opio, il a été assassiné à Auschwitz le 12 mars 1944. Il avait 24 ans. 



Albert 

GEORGES, ELIE, ROGER BOCOBZA, né en 1926, habitait également avec ses parents à Marseille, où il était né. Il était étudiant. Assassiné à Auschwitz le 12 mars 1944. Il n’avait pas 18 ans. 



Georges


Nous avons pu retrouver leurs photos (ci-dessus), que Robert, le frère survivant de Georges et Albert, avait confiées à Yad Vashem. 

Robert était né en 1923 et il est mort en 2010. (Source : MyHeritage)

Les deux autres membres de cette famille, probablement des cousins étaient : 

EDMOND BOCOBZAné en 1920, à Marseille.  Assassiné à Auschwitz le 12 mars 1944. Il était employé. Il avait 24 ans. 

ALBERT BOCOBZA, né à Sfax en 1915, est mort le 22 février 1945 à WEIMAR-BUCHENWALD. Il était secrétaire. Contrairement aux autres, il n’a pas été gazé en arrivant. Albert a vraisemblablement effectué la « marche de la mort » de janvier 1945, lorsque les nazis ont évacué le camp d’Auschwitz en emmenant à pied tous les survivants. Albert y a survécu, mais il est mort à Buchenwald alors que les Alliés allaient libérer ce camp en avril 1945. Il avait 30 ans. 

En cherchant davantage sur internet, nous avons trouvé les noms de Georges et de Robert sur le listing des dossiers administratifs des résistants et résistantes du Service Historique du Ministère des Armées, ce qui laisse à penser que leur engagement a été signalé par un proche après la fin du conflit.

Il est également plausible qu’ils aient été impliqués tous ensemble dans une action de résistance dans le pays grassois, et que, malheureusement, ils aient été découverts… 

Contrairement à ce qui s’est passé en zone sud en 1942, lors des arrestations par la police française, en 1943 & 44 ce sont les Allemands eux-mêmes, sous le contrôle d’Aloïs Brunner, qui se chargeaient de traquer et d’arrêter les Juifs. On compte 15 arrestations à Grasse, et 4 à Roquefort les Pins. En revanche, au moins trois enfants ont été cachés dans votre village grâce au Réseau Marcel, et à l’implication totale d’une Américaine du nom d’Elisabeth Starr qui habitait au "Castello San Peyre", puis d’une Française, appelée Melle Diane Van Dommelen. Votre maire de l'époque, M. Michel, était lui-même Résistant, et couvrait cette protection. 

À ce jour, et malgré nos tentatives, nous n’avons retrouvé aucun membre de cette famille Bocobza-là. Il y en a beaucoup d’autres, Bocobza est un nom répandu. Mais nous ne perdons pas espoir. Précédemment, une famille s’est manifestée après la pose de plaque à Golfe-Juan pour venir nous remercier d’avoir fait graver le véritable nom de leur père sur une plaque. Il avait miraculeusement survécu à sa déportation. 

Grâce à vous, et à votre implication dans ce travail de mémoire, peut-être que cela se reproduira ici, à Opio. 

Mais de toute façon, le nom de ces cinq victimes de la barbarie nazie est gravé ici pour toujours. Aucun de ceux d’entre nous, ici présents en ce 24 août, ne les oubliera. Qui plus est, nous sommes sûrs que les enseignants de vos écoles primaires sauront expliquer à leurs jeunes élèves ce que nous venons de vous dire, et qu’ainsi leur mémoire sera évoquée et transmise. 

Merci d’être venus ici aujourd’hui. Merci pour eux, et pour les enfants d’Opio, à qui vous laissez ce message inscrit au bas de la plaque : « En leur mémoire, refusons toute atteinte à la dignité humaine. »

Il a été donc aussi mentionné dans cette présentation les enfants sauvés à Opio, grâce au Réseau Marcel, dont vous pourrez lire tout l'historique en cliquant ici

Par le biais d'un petit flash-back, vous pourrez lire ci-dessous le discours de notre Présidente, Michèle Merowka,  prononcé dès l'ouverture de cette cérémonie sur le rond-point, après celui, très chaleureux, de M. Thierry Occelli. 

Michèle Merowka a souhaité rappeler que ce petit village d'Opio n'a pas seulement été un lieu de tragédie, mais aussi un lieu de sauvetage : 

"Monsieur le Maire, 

Tout d'abord, merci de nous avoir associés à cette cérémonie de souvenir de la Libération. 

Quand nous sommes venus vous voir, il y a quelques mois, vous nous aviez montré votre intérêt pour l'histoire de ces cinq hommes juifs déportés d'Opio et vous aviez accepté la pose d'une plaque en leur mémoire, qui rappellerait cette page tragique de l'histoire d'Opio. 

Nos recherches, et en particulier celles effectuées par Cathie Fidler, nous ont permis de retrouver également la trace de trois enfants ayant été cachés à Opio et sauvés. Je vais vous lire le message de l'un d'entre eux, Pierre Loeb, caché sous le nom de Pierre Michaud. Il devait être présent ce jour, mais sa santé et l'émotion de revenir dans votre beau village l'ont empêché de venir, à son grand regret. 

Je suis né le 29 juin 1940, à Gurs (Pyrénées) dans un camp d'internement. J'ai eu la chance de pouvoir en sortir au bout de quinze jours, du fait de l'armistice signé entre la France et l'Allemagne.*

Ma mère, ma sœur, ma grand-mère et moi, nourrisson avons pu rejoindre mon grand-père à Nice où nous avons vécu sans problème sous l'occupation des troupes italiennes jusqu'en 1943, date à laquelle l'Italie signa à son tour l'armistice, provoquant l'invasion de l'armée allemande accompagnée de la Gestapo. Ma sœur échappant de justesse à une arrestation, ma mère craignit pour mon existence et me confia au Réseau Marcel.   

Ce réseau a été créé par Moussa Abadi (médiéviste) et sa compagne Odette Rosenstock (médecin) pour cacher les enfants juifs grâce à l'aide de Monseigneur Rémond : celui-ci permit au réseau d'utiliser les institutions scolaires catholiques pour y cacher des enfants. Pour permettre à Moussa de se déplacer, il lui octroya le titre d'inspecteur des établissements catholiques. 

Je dois aussi souligner l'aide des pasteurs Gagnier et Evrard, qui aidèrent à cacher des enfants dans des familles protestantes et participèrent à la fabrication de faux papiers. 

J'étais très petit mais un souvenir très précis d'Opio est resté gravé dans ma mémoire :

C'était le soir, j'étais sur une grande terrasse, entouré de messieurs en robes (j'ai su plus tard qu'il s'agissait des  Moines des Îles de Lérins). Le ciel était éclairé comme par un feu d'artifice et il était rempli de petits bonshommes qui descendaient avec des espèces de corolles blanches. 

Que ce souvenir se soit passé à Opio, je ne l'ai su que beaucoup plus tard, ainsi que sa date qui était celle du débarquement des troupes en Provence.  

Merci de votre attention."

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La cérémonie s'est achevée avec le dépôt d'une gerbe au nom de l'AMEJDAM, avec l'aide de la petite Esther-Hannah, dont la maman, Suzanne Beer, est membre de notre association. 




Nous avons ensuite été nombreux à rester à Opio pour assister à la cérémonie de la Libération. Les maires des communes concernées ont pris la parole, et notamment M. le Maire du Rouret, M. Gérald Lombardo, dont le discours nous est allé droit au cœur – tout comme celui de M. Thierry Occelli.



À la droite de M. Thierry Occelli, 
MM Willy Galvaire, maire du Bar-sur-Loup
et M. Gérald Lombardo, maire du Rouret. 

Nous remercions donc vivement tous les participants et acteurs de ces deux cérémonies, en les priant de nous excuser de ne pas tous les nommer. 

Notre prochain billet reviendra en détail sur l'histoire étonnante et méconnue des enfants cachés et sauvés à Opio... 

En attendant, voilà quelques images supplémentaires de ce 24 août mémorable. 



Crédit photo © Serge Binsztok



Si les membres de l'AMEJDAM sourient sur ce cliché, 
c'est qu'ils sont conscients qu'une fois de plus, 
leur implication collective a pleinement abouti 







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* Ont été internés à Gurs, dès le mois de mai 1940, et par les autorités françaises, les ressortissants allemands (juifs et non-juifs) considérés comme de potentiels ennemis de la nation. Que les Juifs allemands aient fui les nazis ne les protégeait en aucun cas. Toutefois le Commandant du Camp de Gurs est resté connu pour sa bienveillance : il a laissé sortir du camp de nombreuses prisonnières ayant une résidence en France, et ce, dès la signature de l'Armistice. À noter que les femmes étaient majoritaires dans ce camp, où ont ensuite été internés tous les déportés juifs allemands de Sarre et du Pays de Bade (re-déportés vers Auschwitz en 1942). 

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Sauf mentionné autrement, crédits photos © Jacques Lefebvre-Linetzky

Merci à Serge Binsztok et à Jacques Lefebvre-Linetzky pour leur participation à la couverture de cet événement, et à Michèle Merowka pour sa collaboration à l'élaboration de ce billet. 
Rédaction et mise en page : Cathie Fidler

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