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dimanche 15 mars 2015

CES ENFANTS QUE LES BRITANNIQUES ONT SAUVÉS

Quelques chiffres à retenir :

En 1933, on compte environ 9,5 millions de Juifs en Europe, soit 1,7% de l’ensemble de la population en Europe. Le nombre de Juifs dans le monde était alors estimé à 15, 3 millions. Les Juifs d’Europe constituaient 60% de la population juive dans le monde.
500 000 Juifs vivaient en Allemagne à cette époque, soit 0,75% de la population totale du pays. On comptait 300 000 Juifs en Grande Bretagne (0,65% de la population totale) et en France, ils étaient 250 000, soit 0,6% de la population de l’ensemble du pays.

Source : United States Holocaust Memorial Museum

En France, en 1940, il y avait environ 70 000 Juifs de moins de 18 ans.
11 400 ont été arrêtés, la plupart par la police de Vichy, déportés à Auschwitz et assassinés, à l’exception d’environ 200 d’entre eux.

Source : Serge Klarsfeld

Les nazis ont tué environ 1,5 million d’enfants et parmi eux, plus d’un million d’enfants juifs. Entre 5000 et 7000 enfants tsiganes ont été exécutés.

L’action des Justes

L’action de l’organisation appelée Yad Vashem est bien connue dans le monde entier. Elle a pour but d’honorer, en leur remettant la médaille de JUSTE, ceux et celles qui, au péril de leur vie, ont sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Certes, le danger était grand de protéger ceux qui étaient traqués et recherchés par la police (en France), et la Gestapo (dans tous les pays occupés).
Aujourd’hui, les Justes, tout comme leurs descendants, rappellent avec humilité qu’ils n’ont fait « que leur devoir ».
En France, 3800 personnes ont été ainsi honorées par le Comité Yad Vashem. Et un village tout entier : Le Chambon sur Lignon.
Toutefois, en observant la liste des Justes du monde entier, et celle des pays concernés, on est surpris de ne pas y voir figurer la Grande Bretagne.
La raison avancée en est que, cette île n’ayant pas été envahie par l’ennemi, le sauvetage des Juifs n’avait pas de raison d’être dangereux pour quiconque l’eût entrepris.
Cette distinction est toutefois regrettable.
En effet, au moment même où toutes les portes se fermaient au nez des persécutés d’Allemagne et d’Autriche, ne laissant, en 1939 comme ultime issue de secours la Chine – et Shanghai en particulier – un seul pays européen a agi en faveur des plus innocents : les enfants, c’est l’Angleterre. 

Quand l’Angleterre sauve des enfants juifs.



Des enfants viennois arrivent à Londres (source: Bibliothèque Nationale d'Autriche)
Photographie prise ici



En 1938, juste après la Nuit de Cristal, certains esprits éclairés ont commencé à se rendre compte que le danger était grand pour les Juifs d’Allemagne, d’Autriche et de Tchécoslovaquie. Mais aucun pays ne prit la généreuse décision d’accueillir ces persécutés. Bien au contraire. Une à une les frontières se fermèrent. La conférence d’Évian ne déboucha sur rien d’autre que des refus gênés.

Toutefois, après les violences antisémites organisées par les autorités nazies pendant la "Nuit de cristal", (voir site icien novembre 1938, le gouvernement britannique rendit moins contraignantes les restrictions en matière d'immigration pour certaines catégories de réfugiés juifs. Sous la pression de l'opinion publique britannique et des comités d'aide aux réfugiés, et plus particulièrement du British Committee for the Jews of Germany et du Movement for the Care of Children from Germany, les autorités britanniques acceptèrent d'autoriser un nombre indéterminé d'enfants de moins de 17 ans en provenance d'Allemagne et des territoires occupés par l'Allemagne (c'est-à-dire d'Autriche et des territoires tchèques) à entrer en Grande-Bretagne.

Des citoyens privés ou des organisations devaient s'engager à subvenir aux besoins et à l'éducation de chaque enfant, ainsi qu'à prendre en charge le moment venu son émigration hors de Grande-Bretagne. En contrepartie de cet engagement, le gouvernement britannique acceptait de permettre à des enfants réfugiés non accompagnés d'entrer dans le pays munis de simples visas de tourisme. Il était entendu à l'époque que lorsque la « crise serait passée », les enfants retourneraient dans leur famille. Les parents ou les tuteurs n'étaient pas autorisés à accompagner les enfants. Les quelques enfants en bas âge inclus dans le programme furent ainsi placés, pendant la durée du transport, sous la responsabilité d'autres enfants.

Le "Kindertransport"





Photographie prise ici

L’opération qui débuta ensuite prit le nom de Kindertransport. Et les nombreux enfants survivants furent toute leur vie accompagné du nom de kinder. Le premier train partit de Berlin avec 200 orphelins le 1er décembre 1938, et il fut suivi d’un autre transport, de 500 petits Autrichiens, cette fois. Plus tard, des trains partirent aussi de Tchécoslovaquie.
Partout, les parents accompagnèrent leurs petits à la gare, d’où ceux-ci partirent presque non-accompagnés, les plus grands s’occupant des plus jeunes. Ironiquement, les nazis avaient accepté ce départ, et le premier nombre annoncé de 600 enfants, en se disant que les parents ne les laisseraient pas partir seuls, et que jamais cela ne pourrait s’organiser aussi rapidement pour un aussi grand nombre d’enfants. Ils eurent heureusement tort.
Ce qui est frappant, c’est de se rendre compte que des centaines de familles anglaises, – pour la plupart non-juives –, répondirent immédiatement présentes, sans se soucier des difficultés qu’allait présenter l’accueil d’enfants traumatisés, ne parlant pas leur langue, séparés de leur famille, et qui ne savaient ni s’ils reverraient un jour leurs parents, ni ce qu’ils adviendrait d’eux.
Ces enfants entreprirent un long voyage, en passant par la Hollande, avec l’appréhension que l’on devine. Il y en avait de tous les âges, des petits, des plus grands avec, pour seul bagage une très petite valise –  une étiquette en carton autour du cou…
Dès le 2 décembre 1938, soit à peine trois semaines après la Nuit de Cristal, les Anglais, étaient prêts à les accueillir.
Après leur arrivée à Harwich dans le comté de l’Essex, les enfants qui étaient parrainés étaient envoyés à Londres (ou ailleurs) pour faire la connaissance de leur famille d'accueil. Les autres étaient hébergés dans une colonie de vacances de Dovercourt Bay ou dans d'autres centres jusqu'à ce que des familles acceptent de les prendre en charge ou que des structures d'accueil en mesure de recevoir des groupes d'enfants soient mises en place. Environ la moitié des enfants furent placés dans des familles d'accueil, l'autre moitié séjournant dans des auberges de jeunesse et des fermes sur l'ensemble du territoire britannique.
Bien sûr, il y eût des cas douloureux d’enfants mal accueillis (y compris hélas, dans des familles juives orthodoxes, qui leur disaient que le manque de religiosité des Juifs allemands était la cause de leur persécution), ou exploités, ou maltraités,
Et en 1940, les autorités britanniques firent interner, en tant qu'étrangers ennemis environ 1000 enfants du Kindertransport sur l'Île de Man et dans d'autres camps d'internement au Canada et en Australie. Malgré cette qualification d'étrangers ennemis, enemy aliens, certains des jeunes garçons s'enrôlèrent plus tard dans l'armée britannique et combattirent contre l'Allemagne.
Mais in fine ce qu’il faut retenir de cette entreprise, c’est le nombre d’enfants qui furent ainsi sauvés d’une mort certaine : DIX MILLE.




Photographie prise ici

L’un des enfants anglais dont les parents accueillirent ainsi deux jeunes réfugiées juives, est le célèbre réalisateur du film Gandhi, Lord Richard Attenborough, qui nous a quittés récemment. Il a témoigné de cette expérience humainement enrichissante dans un film documentaire américain intitulé « Into the Arms of Strangers » (traduit par Les chemins de la liberté) et également dans un excellent documentaire britannique : The Children who cheated the Nazis  (Enfants sauvés au nez et à la barbe des nazis).



Photo prise ici

Certains de ces enfants parvinrent à faire venir leurs parents, en leur dénichant un emploi, de domestique par exemple. Ils firent souvent preuve d’une maturité remarquable.
Après la guerre, de nombreux enfants du programme de transport d'enfants devinrent citoyens britanniques ou émigrèrent en Israël, aux Etats-Unis, au Canada ou en Australie. 40% ces enfants ne revirent jamais un de leurs parents, exterminés pendant la Shoah.
Récompense ultérieure non négligeable pour le monde, de ce sauvetage miraculeux : Trois d’entre ces kinder reçurent un Prix Nobel…

The Windermere Boys



Photographie prise ici

1945. La guerre est finie, les camps sont libérés. Les survivants sont regroupés, parmi eux il y a, et c’est étonnant, de jeunes enfants. Ils sont orphelins, ils ont souvent perdu toute leur famille, nul ne sait où les envoyer.
À nouveau l’Angleterre se mobilise.



De jeunes survivants quittent Prague pour Londres en 1945
Photographie prise ici

En 1945, donc, le droit fut donné à 1000 enfants (tous orphelins, leurs parents ayant disparu dans la nuit des camps d’extermination) d’immigrer en Grande-Bretagne. Certains avaient survécu à Buchenwald et à une marche de la mort de plus de 200 kms. Ils n’avaient plus aucun endroit où aller vivre, plus de famille – et, comme lors de l’épisode du Kindertransport, la communauté juive anglaise, à l’initiative de Leonard Montefiore, se mobilisa pour obtenir le droit d’accueillir et d’insérer ces enfants et adolescents si mal en point et si perturbés par l’horreur à laquelle ils venaient de survivre. Finalement, seuls 782 enfants, dont 80 filles, purent faire le voyage, dont 300 furent envoyés à Windermere, une région choisie en raison de son calme, et de sa sérénité.

Des convois de la RAF transportèrent donc ces petits survivants vers le Lake District, la région natale de William Wordsworth, où ils passèrent quelques mois – le temps de se refaire une santé physique –, avant d’être placés auprès de familles d’accueil dans le reste du pays, et en particulier dans la région de Manchester.

Cet endroit de rêve est demeuré dans leur mémoire avec autant d’acuité qu’un poème appris à treize ans. Windermere les a sauvés avec, naturellement la complicité de tous les êtres de bonne volonté (de fait, des volontaires) qui les ont nourris (abondamment, malgré les restrictions de l'époque), choyés et entourés. Dormir seul dans un vrai lit, enroulé dans des draps propres, manger à satiété, respirer le bon air… et jouer : pour eux c’était le paradis. Ils n’y croyaient pas : certains cachaient le soir du pain sous leur matelas, de peur que le petit déjeuner ne revienne pas…

En effet, la seule ombre au tableau – mais de taille – était la marque horrible des souffrances physiques et morales subies, et la perte de leur famille. L’un d’entre eux avait perdu 81 membres de sa famille ! Parfois des retrouvailles inattendues se produisaient, mais elles étaient rares, trop rares.

Ces survivants témoignent encore chaque fois qu’on le leur demande. Ils sont également des exemples de résilience : l’un d’entre eux, Ben Helfgott, devint champion de poids et haltères. Leurs enfants, devenus comme eux britanniques, se sont insérés avec succès dans la société qui les a jadis sauvés.
Mais jamais, jamais, aucun d’eux ne gaspillerait de pain.



Photographie prise ici

Alors oui, remercions les Justes parmi les Nations, mais dans ce cas, n’oublions pas non plus de continuer à témoigner une immense gratitude à tout un pays qui, du jour au lendemain, sut prendre la décision capitale qui sauva une dizaine de milliers d’innocents, pour ensuite en intégrer des centaines d’autres à la fin de la guerre, afin qu’ils deviennent des hommes et des femmes libres.

Ces notes ont été initialement publiées dans le blog de Cathie Fidler
Mise en page et recherche iconographique: JL+L


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