M. Guillaume Arrivé
© Jacques Lefebvre-Linetzky
Le mardi 8 mars 2016, l’AMEJDAM a reçu M. Guillaume Arrivé, responsable du service éducatif des Archives départementales à l’occasion de l’exposition itinérante conçue par le Conseil départemental en coordination avec le rectorat de l’académie de Nice. Vous trouverez ci-dessous une synthèse de l’entretien qu’il nous a donné.
Les missions des Archives départementales
Les Archives départementales remplissent la mission légale de contrôle et de collecte des archives des administrations et des organismes chargés d'une mission de service public ayant leur siège dans les Alpes-Maritimes.
Source: Archives départementales des Alpes-Maritimes
"Les Archives
départementales ne sont pas uniquement un lieu de conservation de documents
statique, ce sont aussi un lieu où l’on peut présenter les documents et un
grand nombre de ces documents ont un intérêt pédagogique. Cela justifie
l’existence d’un service qui sert d’interface entre les enseignants et les
élèves afin que ces derniers puissent travailler sur des documents d’archives. Ce
service s’adresse aux classes de primaire, de collèges et de lycées.
Les Archives
départementales se trouvent au centre administratif départemental à Nice-ouest
dans le quartier de Saint-Augustin. Il s’agit d’un grand bâtiment de 9
étages dont les murs sont aveugles, sauf au rez-de-chaussée et au premier
étage. Les 8 étages abritent les silos d’archives qui regroupent à peu près 50
km linéaires d’étagères sur lesquels reposent des documents d’archives.
© Archives départementales des Alpes-Maritimes
C'est une création de la révolution française, consécutivement à
la création des départements.
Ce service a vocation à
accomplir des missions réglementaires et si vous êtes, par exemple, à la recherche
d’un titre de propriété ou d’un jugement de justice que vous avez égaré, vous
pouvez vous adresser aux Archives départementales.
Un certain nombre de
documents sont d’ores et déjà numérisés. Nous avons chaque année une politique
de numérisation de documents, donc, petit à petit, le stock de documents numérisés grandit et il
est consultable sur notre site.
Les Archives
départementales sont ouvertes à tous, sans restriction. Il suffit de s’inscrire avec une pièce
d’identité et l’accès au site est gratuit."
Un partenariat d’exception
avec l’éducation nationale
"En ma qualité de
responsable du service éducatif des Archives départementales, je mène des
missions en partenariat avec l’Éducation Nationale et le rectorat. Donc, une de
mes premières missions consiste à
rédiger des documents pédagogiques, à
construire des expositions et à accueillir des scolaires aux Archives départementales.
Un important travail est
réalisé en amont avec l’enseignant en Histoire pour savoir sur quelle
thématique il veut travailler avec les scolaires. Concrètement, lorsque nous accueillons des élèves, nous commençons par présenter le service des
archives. Ensuite je les emmène visiter un silo d’archives de façon à ce qu’ils puissent se rendre
compte des conditions de conservation des archives."
L’environnement idéal pour
les collections de bibliothèques est un environnement où la température et
l’humidité relative sont contrôlées, où des polluants sont absents, où une
bonne ventilation de l’air est assurée, où la lumière est contrôlée, où les
moisissures, insectes, rongeurs sont absents, où des bonnes pratiques de
maintenance et de sécurité (feu, eau, vol) existent.
"J’emmène également les
scolaires visiter l’atelier de restauration, puisque nous avons la chance, ici
aux Archives départementales des Alpes Maritimes, d’avoir un atelier de
restauration avec des gens qui exercent des métiers qui sont peu courants dans
l’administration, tels que relieur, restaurateur de documents, doreur. Ces
professionnels vont donc avoir pour mission de réparer des documents qui ont pu
être abimés. Ils sont ensuite scannés.
Les élèves apprécient
d’avoir sous la main des documents
d’archives et de comprendre en quoi
consiste la démarche rigoureuse d’un historien.
On leur confie des archives, on leur montre ce qu’est un document
d’archives. Je leur demande d’essayer de deviner la nature du document, de
chercher qui en est l’auteur et de déterminer à qui il s’adresse. Ils prennent
ainsi conscience de la rigueur dont doivent faire preuve les historiens."
"L’exposition qui a été inaugurée au collège Roland Garros
s’intitule, De la lumière à l’ombre, vivre et résister dans les Alpes
Maritimes dans la crainte de la
déportation. L’historique de cette exposition répond à une demande effectuée par le président du Conseil départemental, M. Ciotti dans le cadre du plan de la lutte
contre la radicalisation des jeunes. Nous avons été ensuite contactés par M.
Éric Goldinger, directeur adjoint en charge de l’éducation au Conseil général, pour
réaliser une exposition sur la thématique de la Deuxième Guerre mondiale et du sort
qui était réservé à la population israélite dans notre département.
En fait, cette
commande, nous l’avons eue au début de l’été 2015 et nous avons donc réfléchi
avec un enseignant missionné par le rectorat au plan que nous allions mettre en
œuvre pour construire cette exposition. Nous nous sommes mis en quête de
documents pour l’illustrer. Cette
exposition est déclinée de deux manières : sous forme de panneaux
itinérants et de manière virtuelle sur le site du Conseil départemental dans la
rubrique pédagogique des archives départementales. Nous avons créé une adresse
spécifique dédiée."
Voir site ici
"Cette exposition, nous
l’avons organisée en 6 parties et nous nous sommes d’emblée demandé à quelle
période il nous fallait commencer l’exposition.
Nous avons décidé d’ouvrir
l’exposition par un panneau décrivant l’émergence du nazisme. Le premier document qui figure dans l’exposition est la carte de
l’Europe en 1918. Cela montre les conditions qui avaient été imposées à
l’Allemagne par le traité de Versailles.
Ensuite il nous fallait faire comprendre aux élèves comment la presse locale avait couvert les événements qui se passaient en Allemagne lors de la montée du nazisme."
Ensuite il nous fallait faire comprendre aux élèves comment la presse locale avait couvert les événements qui se passaient en Allemagne lors de la montée du nazisme."
(De gauche à droite: Mme Martine Ouaknine, Adjointe au Maire de Nice, M. Eric Ciotti, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes; au premier plan, M. Guillaume Arrivé lors de l'inauguration de l'exposition au Collège Roland Garros le 22 février 2016 ).
© Michèle Merowka
© Michèle Merowka
"Il y avait deux grands
quotidiens locaux dans les Alpes Maritimes,
Le Petit Niçois et L’Éclaireur
de Nice et du Sud-Est. Ceux–ci ont
largement couvert les dramatiques événements liés à l’émergence du nazisme telle que La
nuit des longs couteaux ou La
nuit de cristal qui a eu lieu en
novembre 1938. Comme nous avions les exemplaires de ces journaux, nous avons décidé de faire figurer des
articles de la presse locale.
Ensuite, nous en sommes
venus au
dramatique épisode de Vichy et là nous avons trouvé, parmi nos boîtes
d’archives, des correspondances - ce
sont des boîtes qui ont été étudiées par Serge Klarsfeld et par de nombreux
historiens qui se sont intéressés au sujet. On y trouve toute la correspondance
assez terrifiante entre le préfet des
Alpes Maritimes et les autorités de Vichy pour préparer la rafle des Israélites étrangers qui a eu
lieu fin août 42. Nous avons des documents assez saisissants, et quand je les présente à des scolaires, ils prennent conscience à la fois de la
froideur, mais aussi de
l’abomination que cela pouvait représenter,
de la préparation bien en amont puisqu’on a des
demandes de Vichy au préfet des
Alpes Maritimes de l’époque, Marcel
Ribière – les autorités de Vichy lui demandent de trouver un local pour rassembler 3000 personnes. Après
recherche, les autorités locales proposent la caserne Auvare, et les ordres sont donnés de rafler,
de regrouper en ce lieu les Israélites étrangers qui n’avaient pas la nationalité
française, fin août 1942. Plus de 600 personnes ont été
regroupées. Nous avons la correspondance
en amont, les rapports de police, les procès verbaux des opérations,
des interceptions téléphoniques relatives à la préparation des convois
vers Drancy. Nous avons même les
factures du transporteur, Joseph Darnand qui, par la suite, a connu des succès
avec la Milice. Nous avons consacré un panneau à cette rafle.
Nous avons aussi réalisé
des panneaux qui présentent des photos et des infographies sur le fonctionnement d’Auschwitz-Birkenau. À
partir de photographies qui nous ont été données par un enseignant qui s’y est
rendu à de nombreuses reprises et en ayant recours à des livres d’Histoire, nous
avons réalisé des infographies pour
expliquer le fonctionnement du camp dans
toute son horreur.
Téléchargez le PDF, Les Voyages de la Mémoire ici
Téléchargez le PDF, Les Voyages de la Mémoire ici
Enfin, nous avons
aussi imaginé des panneaux sur les acteurs locaux, qu’il s’agisse des
acteurs de la Collaboration ou des
acteurs de la Résistance. Les acteurs de
la Collaboration, on les connaît – la Milice française, Joseph Darnand, le Service d’ordre légionnaire, les volontaires du Parti Populaire Français. Ainsi, la police française s’émeut de la
profanation d’une synagogue par de jeunes exaltés du Parti Populaire Français. La police était
soit en situation de collaboration
forcée, soit en position d’observation lors de l’occupation allemande. Nous
avons même un rapport de police qui présente les activités des autorités allemandes à l’hôtel Excelsior.
Un panneau
évoque également le réseau Marcel, mis en place par Moussa Abadi et Odette Rosenstock. Ce réseau de sauvetage a permis de cacher et de sauver 527
enfants juifs. Les églises se sont impliquées – l'église
protestante, les pasteurs Evrard et Gagnier et l'église catholique dirigée par l’évêque de Nice,
Monseigneur Rémond."
Consultez le site, Les Enfants et Amis d'Abadi, ici
Consultez le site, Les Enfants et Amis d'Abadi, ici
"Cette exposition est toute
jeune. On va la démonter cette semaine au collège Roland Garros. Les retours
que j’ai eus par le principal et par l’enseignant qui l’a utilisée sont plutôt
positifs. D’une manière générale, on associe à chaque exposition, un
questionnaire qu’on met en ligne et qu’on laisse aux enseignants. Ils sont
libres de le modifier pour une exploitation pédagogique avec leurs élèves.
Nous avons pris des
contacts – elle sera installée au collège
Canterperdrix à Grasse au mois de
mars et au lycée Thierry Maulnier
du 22 au 29 avril. Nous desservons aussi bien les collèges que les
lycées, publics ou privés sous contrat des Alpes-Maritimes."
L'exposition est consultable ici
L'exposition est consultable ici
***
Nous tenons à remercier M. Arrivé pour sa disponibilité et sa générosité.
Il a su nous faire partager l’enthousiasme qu’il déploie auprès des élèves.
Nous remercions également le service des Archives départementales de l’avoir
autorisé à nous accorder cet entretien.
Entretien: Michèle Merowka et Jacques Lefebvre-Linetzky
Mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
Entretien: Michèle Merowka et Jacques Lefebvre-Linetzky
Mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire