Nous vous avons déjà présenté plusieurs membres d’honneur de
notre association : Georges Loinger, Serge et Beate Klarsfeld, Charles
Gottlieb, Boris Cyrulnik, aujourd’hui nous vous parlerons d’une très grande
dame, Simone Veil.
UN PARCOURS EXEMPLAIRE
Simone Jacob est née à Nice le 13 juillet 1927, elle y a
grandi. Comme ses sœurs, Madeleine (Milou) et Denise, elle a été scolarisée au
Lycée de jeunes filles, devenu plus tard le Lycée Calmette ; les
établissements scolaires n’étant pas mixtes, son frère a été scolarisé au Lycée
du Parc Impérial.
C’est aussi de Nice qu’elle a été déportée, avec sa famille.
Elle a survécu à Auschwitz et à la « marche de la mort » avec l’une
de ses sœurs, Milou.
Son père, sa mère et son frère ont été assassinés.
© Centre de Documentation Juive de la Shoah - Mémorial de la Shoah
Denise, sa deuxième sœur, a été arrêtée à Lyon et déportée à
Ravensbrück le 26 juillet 1944, elle est libérée en avril 1945.
Denise n’a pas subi le traitement réservé aux internés dits "raciaux". Auréolé de la gloire des combattants, son retour de
captivité s’est effectué dans des conditions très différentes.
Magistrat, secrétaire générale du conseil supérieur de la
magistrature, Simone Veil entre en politique en 1974, en devenant la ministre de la
Santé du gouvernement de Jacques Chirac. C’est à ce poste que, le 17 janvier
1975, elle fait voter la loi sur l’IVG, sous la présidence de Valéry Giscard
d’Estaing.
Elle reste au gouvernement jusqu’en 1979, puis devient la
première présidente du Parlement européen où elle siège entre 1979 et 1982. Nommée
ministre des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville de 1993 à 1995, elle est membre du Conseil constitutionnel de
1998 à 2007.
Voilà pour ce qui est de la carrière de Madame Simone Veil,
la personne politique préférée des Français.
En ce qui concerne sa vie privée : elle épouse Antoine Veil, en 1946, avec
qui elle a eu trois fils. Jean, en 1947, Nicolas, en 1948 (décédé en 2002),
Pierre-François, en 1954. La famille fut, tout au long de sa vie, son port
d'attache. En 2013, elle a eu la douleur de perdre, à un mois d’intervalle, sa
sœur Denise et son mari Antoine.
UNE PAROLE DIGNE ET PRÉCIEUSE
Aujourd’hui, nous vous parlerons de la jeune Niçoise, de
l’ancienne déportée, de la première présidente de la Fondation pour la Mémoire
de la Shoah et de la grande dame qui m’a accordé un entretien, le 17 Février
1998, dans son bureau ministériel, situé près des Invalides. Je voudrais vous
faire partager quelques confidences qu’elle m’a faites...
Bien sûr, je l’ai interrogée sur sa vie de déportée, sur son
silence si long après la guerre et sur sa volonté de transmettre la mémoire de
l’indicible, selon le mot de Primo Levi :
Je
suis née à Nice et j’y suis très attachée. J’ai le souvenir de mes classes, du
jardin d’enfants à la philo, mais aussi le souvenir de la tendresse et des
personnes qui nous ont aidées. C’était très important, mais chacun a son propre
vécu : j’ai eu la même enfance que ma sœur, Denise ; nous sommes très
proches et nous sommes liées par les souvenirs que nous avons de notre enfance
; ma sœur n’a pas été arrêtée à Nice, elle a été arrêtée dans la Résistance et
elle n’habitait plus Nice, mais pendant des années, elle ne souhaitait pas y
revenir alors que moi, je reste très attachée à Nice. Après la guerre et
maintenant, j’ai tout le temps envie d’y aller.
J’y
ai encore beaucoup de connaissances. Je suis heureuse d’y retrouver mes souvenirs
d’enfance qui transcendent et dépassent cette période-là ; je recherche
tous mes souvenirs et logiquement, les souvenirs heureux. Ma sœur pendant très
longtemps n’a pas supporté. Ma sœur aînée, arrêtée en même temps que moi et qui
est morte peu de temps après la guerre, était aussi heureuse d’y retrouver des
amis.
Chacun
porte en soi sa propre souffrance. C’est un sentiment forcément très personnel.
Je suis très frappée par la différence de réaction sur toutes ces questions,
entre ceux qui ont eux-mêmes été déportés et ceux dont la famille a été
déportée ; parfois ils étaient déportés ensemble, et certains membres de
ces familles ne sont pas rentrés. Je crois que nous avons une vision qui vient
de nos sentiments, de ce que nous pensions sur place et cela nous amène à voir
les choses très différemment. (...)
Les
Justes de France pensaient avoir simplement traversé l’Histoire. En réalité,
ils l’ont écrite. De toutes les voix de la guerre, leurs voix étaient celles
que l’on entendait le moins, à peine un murmure, qu’il fallait souvent
solliciter. Il était temps que nous les entendions. Il était temps que nous
leur exprimions notre reconnaissance.
HOMMAGE
AUX JUSTES DE FRANCE
Le
18 janvier 2007 au cours de la Cérémonie au Panthéon en hommage aux Justes de France,
avec son ami le Président Jacques Chirac, qui fut le premier président français
à reconnaître le rôle de Vichy dans la déportation des Juifs de France, elle
incarne la reconnaissance de la France :
Vous
tous, les Justes de France auxquels nous rendons hommage aujourd’hui, vous
illustrez l’honneur de notre pays qui, grâce à vous, a retrouvé le sens de la
fraternité, de la justice et du courage. Voilà plus de soixante ans, vous
n’avez pas hésité à mettre en péril la sécurité de vos proches, à risquer la
prison et même la déportation. Pourquoi ? Pour qui ? Pour des hommes,
des femmes et des enfants que, le plus souvent, vous ne connaissiez même pas,
qui ne vous étaient rien, seulement des hommes, des femmes et des enfants en
danger. (...)
ACCUEILLIE
SOUS LA COUPOLE
En mars 2010, elle entre à l'Académie française. Ici, avec son mari Antoine. (Reuters)
Image empruntée ici
Une dame exceptionnelle était à l’honneur et notre cœur vibrait en
suivant les images de son entrée sous la Coupole… Élue
à l'Académie française, le 20 novembre 2008, Simone Veil y a été reçue le 18
mars 2010.
Sur
son épée d’académicienne, sont gravés les symboles de ce que fut sa
vie : les flammes, le chiffre 7865, marque indélébile sur son bras, et Birkenau, le nom du camp, rappellent sa déportation. Les devises "Liberté, Egalité,
Fraternité", et "Unie dans la diversité",
symbolisent son engagement politique, en France et en Europe. Le visage
souriant d’une femme marque son attachement à cette cause.
UN LIEN FORT AVEC LA
VILLE DE NICE
Dévoilement de
plaques au lycée du Parc Impérial et à l’école Saint-Philippe.
16 octobre 2007
Lycée du Parc Impérial, 16 octobre 2007
Francine Monod, Simone Veil, Denise Vernay et Micheline Jacob
© Michèle Merowka
En
2007, nous avons proposé à Simone Veil et à sa sœur Denise Vernay de dévoiler
une plaque sur laquelle seraient inscrits le nom de leur frère Jean, avec ceux
de dix condisciples déportés. À leur demande, deux cérémonies ont été réalisées
le même jour, l’une au Parc Impérial et l’autre à l’Ecole Saint-Philippe, où
était scolarisé leur cousin François, le jeune frère de Francine et Micheline
Jacob, déporté avec ses parents.
Les
quatre cousines tenaient à être ensemble pour ce retour sur les lieux de leur
enfance, au cours d’une journée lourde de souvenirs douloureux.
Simone Veil et Elie
Wiesel à Nice, une rencontre mémorable.
Jeudi 7 mai 2009
Inauguration de la bibliothèque du Centre Jean Kling.
Alain Sebbah, responsable de la
bibliothèque recevait Simone Veil, qui a accepté que son nom soit donné à la
Bibliothèque du centre culturel juif de Nice. Cérémonie faite dans une intimité
relative, mais les personnalités de toute tendance politique étaient présentes.
Ce même jour, Élie Wiesel donne son nom à la Maison du
Judaïsme.
Il donne une conférence au CUM, « Leçon de vie et
d’espoir » en présence de Simone Veil.
©Michèle Merowka
Citoyenne d’honneur de la ville de Nice
30 octobre 2013.
Inauguration de
l’avenue Simone Veil dans les quartiers ouest de Nice
Le 4 novembre 2013, en
présence de ses fils, Pierre-François et Jean Veil, et des élèves d'une classe
de troisième du collège voisin Jules-Romains.
Image empruntée ici
CONCLUSION
Image empruntée ici
Comment peut-on se sentir si proche d’une femme aussi
extraordinaire, et pourtant accessible et chaleureuse ? Je me souviendrai toujours de son accueil dans le grand
bureau ministériel. En quelques secondes Madame la Ministre s’est transformée,
elle a quitté son impressionnant bureau pour parler de ce qui lui tenait tant à
cœur : Nice, les membres de sa famille assassinés, la transmission de la
Mémoire, la plaque sur laquelle est désormais inscrit le nom de son frère comme
une ultime et symbolique tombe.
Merci, Madame Simone Veil, pour tout ce que vous avez fait
pour les femmes, pour la mémoire des Juifs déportés, des Justes qui leur ont
tendu la main, et merci de m’avoir reçue et d’avoir accepté d’ouvrir un peu
votre cœur.
Bibliographie :
Trois livres lui sont entièrement consacrés :
Maurice SZAFRAN, Simone Veil, Destin, Éditions Flammarion,
1996
Simone VEIL, Une vie, Editions Stock, 2007
Sarah BRIAND, Simone Veil, Éditions Fayard, 2015
Le Magazine Marianne lui a consacré un Hors-Série intitulé, Simone Veil, un destin français, en mars
2016.
Mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
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