REBECCA
MARASCHEK
A Yiddishe Mame
Photo © Catherine DELBOSC.
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Une enfance fracassée par la guerre
Rebecca est née le 29 avril 1936 à Paris dans le 4ème arrondissement. Elle a été confrontée très jeune à la violence, à l’horreur, à la délation qui a provoqué l’internement de toute sa famille, en 1941, dans le camp de Drancy.
Maurice
Behar, le père de Rebecca, est né à Constantinople
en Turquie, le 3
avril 1906. La Turquie était alors alliée de l’Allemagne nazie* et Alois
Brunner, qui dirigeait le camp de Drancy, a été contraint de libérer Maurice,
son épouse Charlotte et ses deux enfants.
Cet
épisode de sa vie avait tellement marqué Rebecca que son émotion était encore
intense quand elle l’évoquait, d’autant plus qu’elle en portait une cicatrice
dans sa chair : avant de les libérer, Aloïs Brunner, furieux de voir une
famille juive lui échapper, a pris un malin plaisir à enfoncer le bout de son
cigare incandescent dans le dos de la gracieuse petite fille, provoquant une marque indélébile. Elle était très discrète
sur ce passé douloureux.
Rebecca enfant
Photo ©Véronique Antuofermo
Après
cette libération providentielle, la famille a quitté Paris, franchi la ligne de
démarcation pour venir se réfugier dans le sud de la France, à Nice alors sous
occupation italienne. Maurice Behar, engagé dans la Résistance, a été dénoncé ;
il a été arrêté en novembre 1943 à Nice, envoyé à Drancy et déporté par le
convoi 73, laissant sa femme et ses deux enfants dans un complet désarroi.
Maurice Behar Nice 1943
Photo ©Véronique Antuofermo
Elle raconte : Après l’arrestation de mon père, fin 1943, ma mère, prise de
panique, emmène mon frère et moi nous cacher dans des rochers pendant trois
jours et trois nuits. Ce furent trois horribles jours, car mon frère et moi
avions la coqueluche et ma mère se trouvait démunie de tout pour nous soigner.
De
retour à Nice, Rebecca a été accueillie
un temps par le réseau Marcel. Elle a été scolarisée à l’Ecole St Pierre d’Arène.
École Saint Pierre d’Arène, année
scolaire 1942-1943
Rebecca est la 2ème au dernier rang à droite
(photo Rebecca)
« Mais je tiens à souligner que cette dernière année de
guerre fut terrible, car nous vivions constamment dans la peur de nous faire
arrêter. Nous étions obligés de ne pas sortir et de vivre avec les volets clos.
De plus, les Italiens qui nous logeaient étaient tailleurs, et ils habillaient
la Gestapo. Comme les séances d’essayages se déroulaient deux fois par semaine,
ma mère et ma tante devaient bâillonner les enfants pour éviter tout soupçon ».
Rebecca avait alors 6 ans, Jeanine, la fille
de ses sauveteurs en avait le double... elle n’a jamais oublié la famille qui
les avais sauvés, elle, sa maman et son petit frère. Marie Massa, la maman de
Jeanine, avait accueilli la mère et ses deux enfants, faisant
jurer à sa fille de ne jamais parler de ceux qui étaient cachés au premier
étage de la maison...
Et puis la guerre a
pris fin. Rebecca a grandi, s’est mariée, elle a eu trois enfants :
Véronique, Corinne et Marc, puis plus tard Mickaël. Sa fille Véronique lui a
donné trois petits-enfants : des jumelles Jessica et Melina, et un garçon Emmanuel.
Rebecca et ses petits-enfants Emmanuel,
Jessica, Mélina
Photo ©Véronique Antuofermo
Mickael a eu une
fille, Amélie. Ses petits-enfants ont fait le bonheur de Rebecca.
Retour à Nice
À la mort de son
mari, Rebecca a quitté Metz et s’est installée à Nice.
Lucienne Lebitoux raconte :
« Rebecca rejoignit sans attendre notre section Chochana à la WIZO qui fut sa seconde famille, et nous étions heureuses de partager son engagement pour Israël.
« Rebecca rejoignit sans attendre notre section Chochana à la WIZO qui fut sa seconde famille, et nous étions heureuses de partager son engagement pour Israël.
Durant toutes ces longues années, elle n'a jamais
cessé de participer avec obstination à toutes nos manifestations. Elle
s'est montrée très généreuse en faisant plusieurs fois des dons à la WIZO. »
Enfant cachée,
fille de déportée, Rebecca faisait partie de l’Association créée par Serge et
Beate Klarsfeld : les FFDJF (Fils et Filles des Déportés Juifs de France.)
En septembre 2003, Serge Klarsfeld a organisé à la Gare SNCF de Nice, une
exposition de photos des enfants déportés des Alpes-Maritimes ; il m’a
demandée de contacter Rebecca, qui venait
de s’installer à Nice et c’est grâce à lui que nous avons fait
connaissance. Nous avons tout de suite sympathisé et elle est devenue une amie
très proche.
Lorsque nous avons
créé l’AMEJDAM, Rebecca nous a rejoints spontanément. Elle a témoigné devant de
nombreux enfants et la cérémonie qui l’a émue au plus haut point a été celle de
l’école Saint-Pierre d’Arène où elle avait été scolarisée.
Le 13
novembre 2007, lors du dévoilement des plaques portant les noms de
cinq élèves déportés sans retour, elle
a raconté aux élèves le récit de son enfance fracassée par la guerre. Moment d’intense émotion partagée par les
enfants médusés, les officiels et le public attentifs**.
Rebecca, Ecole Saint Pierre d’Arène, Nice
Photo ©William Zekri
La reconnaissance
Rebecca voulait rendre hommage à ceux qui avaient
risqué leur vie pour sauver la sienne, elle les a retrouvés et a voulu
les faire nommer Justes parmi les Nations. Elle a commencé à les chercher pour leur dire sa
reconnaissance. En juin 2013, grâce à un appel lancé dans Nice-Matin, elle a
retrouvé leurs traces, à Saint Sylvestre. Elle a rencontré Jeannine, sa
compagne de jeux. Ensemble, elles ont évoqué la guerre, leur enfance, les
personnes aimées et disparues ; elles ont renoué
le fil de l'histoire douloureuse qui a lié leurs destins.
« Ça fait du bien que
des gens en parlent. Mais avec l’âge, parfois, je n’ai plus envie d’en entendre
parler. Et en même temps, je veux que ça se sache… Parce que c’est l’Histoire
et qu’il ne faut pas oublier. »
La transmission de la mémoire
Les
dernières années, Rebecca Maraschek a partagé la vie d’un ancien déporté, Charles Gottlieb,
Charly, comme elle l’appelait affectueusement. Elle-même ayant eu à souffrir de
la Shoah, elle partageait avec lui une expérience, une douleur, mais aussi un
combat pour la transmission de la Shoah.
Yom Hashoah 2012
Charly
et Rebecca, son fils Mikaël et Céline, et sa petite-fille, Amélie
Photo ©Michèle Merowka
Photo ©Michèle Merowka
Toujours
présents, l’un et l’autre aux cérémonies de commémoration, Rebecca Maraschek
évoquait les sept voyages à Auschwitz où elle a accompagné Charly. Elle
admirait la force de son compagnon qui répondait toujours présent lorsqu’il
s’agissait de parler aux élèves, de les accompagner à Auschwitz, d’essayer de
leur faire comprendre ce que les déportés avaient vécu, l’horreur au quotidien
et la mort qui rôdait. Il disait à Rebecca qu’il ne pourrait jamais tout
raconter, car il y avait cette part « d’indicible » évoqué par Primo
Levi.
18 décembre 2010, Mairie de Nice
Charles
Gottlieb, Officier de la Légion d’Honneur
Photo © Michèle Merowka
Rebecca
était aussi présente aux côtés de Charles lors des cérémonies d’hommage que le
Maire de Nice a rendu à ce témoin exceptionnel : Palmes académiques, le 10 décembre 2010, Citoyen d'Honneur de la Ville de Nice, le 15 décembre 2014.
Elle
l’a accompagné jusqu’au bout, dans le combat qu’il a mené en vain contre la
maladie. Lui, le résistant français, le déporté juif, s’est éteint le 8 mai
2015.
À ses
côtés, elle a eu à mener le même combat qu’elle elle espérait tant avoir gagné.
Entourée de ses amies, Rebecca
a joyeusement fêté sa rémission et son 80ème anniversaire, le 29
avril 2016.
Malgré les soins attentifs et la sollicitude
de ses amies, elle a perdu cet ultime combat et c’est de retour à Metz, entourée
de ses enfants et petits-enfants qu’elle est décédée le 27 septembre.
Adieu
Rebecca, nous ne t’oublierons jamais !
~ ~ ~ ~ ~ ~ ~
Notes de fin de document :
* Ceci est le récit qu'en faisait Rebecca, mais en fait, la Turquie était officiellement restée neutre pendant la Seconde Guerre mondiale.
* Ceci est le récit qu'en faisait Rebecca, mais en fait, la Turquie était officiellement restée neutre pendant la Seconde Guerre mondiale.
** Enfants déportés de l’Ecole Saint Pierre d'Arène :
Lazare Claude AMAR, 10 ans, convoi 61
Janine CASSIN, 9 ans, convoi 62
Sonia HEILIKMAN, 13 ans, convoi 70
Marie HAJLIGMAN, 13 ans, convoi 70
Francis LEVIN, 9 ans, convoi 62
Texte : Michèle MEROWKA et Lucienne LEBITOUX
Mise en page : Cathie FIDLER
Mise en page : Cathie FIDLER
Récit émouvant. Une personne très attachante. J'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui, comme elle, ont su reconstruire leur vie et transmettre l'importance de ce lourd passé, qui ne doit pas être oublié. MC
RépondreSupprimerRebecca me manque tellement... C'était une femme incroyable. Je l'ai bien connue et elle avait une force immense. Rebecca... Ma rebé... Jamais jamais je ne t'oublierai.
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