Cholem Aleikhem ou Sholem Aleichem (1859-1916)
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Cholem Aleichem renvoie à la salutation usuelle en yiddish (et en hébreu) Que la Paix soit avec vous.
Cholem-Aleikhem, de son
vrai nom, Chalom Rabinovitch, avait choisi ce nom de plume car, à l’époque, le
yiddish était considéré par nombre d’intellectuels juifs comme un jargon
indigne. Il choisit donc de s’appeler « Que la Paix soit avec vous »
et c’est sous ce pseudonyme qu’il devint un écrivain apprécié de tous.
Il
est né à
Péréiaslav (Petite Russie), il perd sa mère à l’âge de 13 ans. Son père se
remarie et cette marâtre lui inspire son tout premier texte : un recueil
des malédictions qu’elle imposait à son entourage. Il n’a que 15 ans lorsqu’il
publie des poèmes hébraïques dans un journal. Après de solides études, il
devient rabbin d’État (secrétaire communal) tout en continuant à écrire dans des
journaux.
Il épouse la fille d’un
riche administrateur de bien qui lui laisse une petite fortune à sa mort. La
petite fortune sera vite engloutie dans des projets fantasques. Il publie un
annuaire de la littérature yiddish en s’entourant des meilleurs écrivains qu’il
paie à prix d’or. Il se lance dans des spéculations boursières hasardeuses. Il
est très vite ruiné et doit vivre de sa plume. Il voyage entre Kiev et Odessa
et, à la suite du pogrom de 1905, il part pour l’Amérique où il est accueilli
par Mark Twain. Il revient en Europe où il accomplit une tournée triomphale
aussi bien en Pologne qu’en Russie. Il contracte la tuberculose et sera soigné
en Suisse et en Italie. Il est à Berlin lorsque la guerre éclate en 1914. Il
s’échappe de justesse et retourne à New York où il meurt en 1916, entouré de sa
nombreuse famille.
Il a contribué à
immortaliser le shtetl, zone de résidence
assignée aux Juifs de l’Empire des Tsars.
Les héros de ses récits
sont désormais des types littéraires bien connus. Ménahem-Mendel, le malchanceux famélique, qui
transporte la guigne et dont tous les projets échouent. Tévié le laitier, le philosophe au cœur simple.
Vaste galerie de
personnages au destin à la fois tragique et cocasse, ils nous font rire et nous
émeuvent.
Sholem Aleichem à sa table de travail (1904)
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Citations
Un célibataire est un homme qui se rend à son travail chaque matin en provenance d'une direction différente.
Le commérage est le téléphone de la nature.
La vie est un rêve pour le sage, un jeu pour le fou, une comédie pour le riche et une tragédie pour le pauvre.
Quelles que soient les mauvaises nouvelles, vous devez continuer de vivre, même si cela vous tue.
Le riche est gonflé par l'orgueil, le pauvre par la faim.
Pluie, Marc Chagall, 1911
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La réactualisation du récit de tradition hassidique
Dans les cycles
de récits consacrés à Menahem Mendl le Luftmensch ou Tévié le
laitier, Sholem Aleikhem réactualise la tradition hassidique du récit née du Baal Shem Tov et de Rabbi Nahman de
Bratzlav. S'il ne peut être qualifié, comme Péretz, d'auteur de contes « néo-hassidiques» (on notera chez ce
dernier la modernisation des motifs hassidiques, qui s'entremêlent à des
influences romantiques, symbolistes ou expressionnistes), Sholem Aleikhem n'en
a pas moins porté l'art narratif juif à un très haut degré́ de
sophistication. Son œuvre est une « œuvre de fusion» (de la même façon qu'on peut parler
de « langue de
fusion» pour le yiddish) dont les origines folkloriques sont nombreuses et
variées. En ce sens, la littérature hassidique constitue pour lui un réservoir
inépuisable et une source vive de création.
Catherine Géry
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Un monde magique
Le shtetl
Sur le plan linguistique,
il s’agit simplement du diminutif de Shtot, ville. Le shtetl serait
donc une bourgade, un bourg. Mais les diminutifs en yiddish, comme la plupart
des langues, ne sont pas seulement révélateurs d’une dimension, ils
impliquent aussi la proximité, la familiarité, la tendresse. C’est pourquoi,
dans la conscience des Juifs d’Europe de l’Est, il est non seulement un lieu
habité par leurs semblables, mais aussi une structure économique et sociale
particulière, un réseau de relations inter-individuelles et collectives, une
façon d’être à soi et au monde, un mode de vie spécifique, un espace juif,
dans tous les sens du terme.
Sur le plan numérique, certains appliquent ce terme à des agglomérations comprenant entre 3000 et 10 000 habitants. Ce chiffre est contesté par d’autres pour qui le shtetl peut décrire des bourgs renfermant jusqu’à 20 000 personnes. Dans ces conditions, près de deux millions de Juifs sur 3 250 000, c’est-à-dire les deux tiers environ de la population juive de Pologne, vivaient en 1931 dans des shtetleh, ces agglomérations aux confins du monde rural et urbain et qui participaient des deux à la fois.
Au-dessus de la ville, Marc Chagall, 1917
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Sur le plan numérique, certains appliquent ce terme à des agglomérations comprenant entre 3000 et 10 000 habitants. Ce chiffre est contesté par d’autres pour qui le shtetl peut décrire des bourgs renfermant jusqu’à 20 000 personnes. Dans ces conditions, près de deux millions de Juifs sur 3 250 000, c’est-à-dire les deux tiers environ de la population juive de Pologne, vivaient en 1931 dans des shtetleh, ces agglomérations aux confins du monde rural et urbain et qui participaient des deux à la fois.
Source : akadem, cliquez ici
La musique, Marc Chagall,1920
© Jacques Lefebvre-Linetzky
Le violon
Vous
me demandez d’où nous vient ce génie de la musique. Peut-être l'avons-nous
hérité, peut-être aussi tient-il tout simplement de la région. C’est que dans
notre région de Kiev, vous ne trouverez pas une maison qui n’ait son violon. Un
fils de bonne famille ou, comme on dit chez nous, un « fils à papa »
doit absolument posséder un violon à lui et doit savoir jouer. Vous voulez
savoir combien d’hommes habitent telle ou telle maison, vous n’avez qu’à jeter
un regard sur le mur. Comptez : tant de violons accrochés au mur, tant
d’hommes dans la maison. Chacun manie son violon. Le grand-père fait de la
musique, le père fait de la musique, le fils fait de la musique. Le seul
inconvénient, c’est que chaque génération a son propre répertoire, joue
autrement, fait sa musique particulière. Le vieux grand-père joue des airs du
Sinaï ou des morceaux tirés du répertoire synagogal [...]. Le père, Hassid
comme il se doit, donne naturellement dans les airs hassidiques. Mais le fils,
lui, cherche déjà sa musique dans les notes. Il joue des airs d’opéra. Telle
génération, telle musique.
Y.L. Peretz, Métamorphose
d’une mélodie, traduction du yiddish de J.Gottfarstein, Paris, Albin Michel,
1977, p. 19-20.
Source, cliquez ici
Le violon sur le toit (Fiddler on the roof),
Norman Jewison, 1971.
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Le film est adapté de la comédie musicale créée à Broadway en 1964. Tévié le laitier est interprété par Chaim Topol.
La comédie musicale a été popularisée en France par Yvan Rebrov.
Pour écouter If I were a Rich Man, cliquez ici
Pour écouter Matchmaker, cliquez ici
Pour écouter Sunrise, Sunset, cliquez ici
Le théâtre, Marc Chagall, 1920
© Jacques Lefebvre-Linetzky
Le Tailleur ensorcelé et
autres contes, Paris, Albin Michel, 1960, collection "Présences du
judaïsme".
La Peste soit de
l'Amérique,
Paris, Liana Levi, 1972.
"L'Allemand" in Regards
sur la littérature yiddish par Cécile Cerf, Académie d'Histoire, 1974.
Menahem-Mendl, le rêveur, Paris, Albin Michel,
1975, collection "Présences du judaïsme"
Un violon sur le toit.
Tévié le laitier, Paris, Albin Michel, 1990.
Menahem-Mendl, le rêveur, Paris, Rivages, 1993.
Tévié le laitier, Temps actuels, 1991,
collection "Littérature étrangère".
Contes ferroviaires, Paris, Liana Levi, 1991.
Gens de Kasrilevkè, Paris, Julliard, 1992,
collection "Littérature yiddish".
Le dixième homme, Paris, 10/18, 1995.
Le Traine-savates, Paris, Liana Levi, 2002.
Un conseil avisé, Paris, Liana Levi, 2002.
La Peste soit de
l'Amérique,
Paris, Liana Levi, 2006.
La vie éternelle, 13
histoires courtes pour marquer le temps, Livre Metropolis, 2012.
Guitel Pourishkevitsh et autres héros dépités, L'Antilope, 2016.
Sélection bibliographique
Menahem-Mendl, le rêveur
Présentation de l’éditeur
Sous forme de lettres
échangées entre le héros, soudain transplanté dans le "grand monde"
d'Odessa et de Kiev, et sa femme Scheiné-Scheindl, demeurée dans sa bourgade de
Kassrilevké, l'auteur narre les aventures ou plutôt les mésaventures burlesques
de ce rêveur impénitent avec, en contrepoint, les commentaires acides mais
pleins de bon sens de son épouse. Menhamen-Mendl a quitté le monde endormi et
miséreux de la "zone de résidence" assignée aux Juifs de la Russie
tsariste, pour les mirages des grandes villes modernes, mais il ne fait que
s'agiter dans la poursuite de gains hypothétiques, et les plans fabuleux qu'il
échafaude ne tardent pas à s'effondrer. Heureusement, c'est un optimiste
incorrigible. Quand il essuie un revers, il se lamente brièvement et déjà son
imagination féconde, toujours aux aguets, le lance avec enthousiasme dans la
nouvelle aventure que Dieu lui envoie... Le comique de situation est ici
largement renforcé par le comique du langage : l'écriture est en effet l'un des
éléments majeurs du talent de Sholem Aleikhem. Celui-ci, l'un des plus grands
écrivains de la littérature yiddish classique, fait penser à Gogol, à Tchékhov,
à Dickens, à Mark Twain, à Chaplin... Quant à la profondeur de son exploration
psychologique, elle l'apparente à La Bruyère, mais un La Bruyère plus humain
par l'indulgence et la tendresse que l'auteur éprouve pour ses personnages.
Un violon sur le toit, Tévié le laitier
Ce pauvre laitier, qui n’a
d’autre histoire que celles de ses sept filles et qui, attelé à sa peine
journalière comme son cheval à sa charrette, trouve, avec ou sans à-propos, -
sans à-propos surtout, - en chaque situation, ou tragique ou comique, un texte
saint à travestir ou une prière à murmurer ; ce rêveur toujours éveillé
qui, contemplant sa malchance au travers de je ne sais quelle ironie
métaphysique, attend la justice et le bonheur comme Israel attend le Messie, et
dont aucune déception ne rebute l’espoir ; ce révolté toujours soumis, qui
sans cesse réclame à Dieu des comptes est sans cesse prêt à l’excuser ; ce
Père Goriot de la misère juive, ce Don Quichotte ou ce Pança de l’illusion
juive, cet Écclésiaste ou ce Job de l’humour juif, se classera peut-être
quelque jour, en toute humilité, au nombre des figures atypiques obscurément
créées par le génie des grandes races.
Un conseil avisé
Sholem Aleikhem
Editeur : Lian Levi
Présentation de l’éditeur
Un conseil avisé. c'est ce
que vient chercher un jeune homme affolé chez l'écrivain Sholem Aleikhem. Les
mots se bousculent, le voilà déjà qui vide son sac, raconte sa vie, sa femme si
souvent malade. sa femme, c'est bien là le problème. Que veut-elle de plus
qu'elle n'a déjà ? et pourquoi fait-elle venir à tout bout de champ le nouveau
docteur. Nous voilà en plein vaudeville, mais un vaudeville d'Europe de l'est,
avec une pointe d'accent yiddish.
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Sholem Aleikhem est sans
doute l’écrivain le plus caractéristique de la littérature yiddish moderne.
Empreints d’un humour dévastateur, les treize récits réunis dans ce recueil
nous font découvrir l’univers des Juifs d’Europe orientale au tournant du XXe
siècle. L’auteur y dessine à traits mordants et tendres la vie des petites gens
et celle de la bourgeoisie naissante.
Dans ce recueil de
nouvelles encore inédites en français, Arthur Langerman et Ariel Sion ont
choisi de prendre comme trame le calendrier juif et la rencontre chaotique
entre le monde juif et les autres.
« La vie éternelle » est
un recueil de nouvelles de Sholem Aleikhem traduites en français. Il se présente
comme une salutation aimable, un « la paix soit sur vous » d’un monde qui
n’est plus et qui pourtant persiste.
« La vie éternelle » est une promenade avec le plus populaire des écrivains juifs de son temps au gré du calendrier juif, de la société juive et de sa rencontre avec elle-même et les autres dans ce délicat moment du tournant du XXème siècle. Au fil des pages et des histoires, un peuple reprend vie et donne à celui qui les lit l’émotion d’un univers à découvrir, à redécouvrir, à retrouver et qui habite celui qui le visite. L’écriture bouleversante et drôle de Sholem Aleikhem, son style incomparable continuent au-delà des ans à faire passer sans trêve le lecteur du rire aux larmes au rire dans les larmes. Il faut souligner le soin de la traduction faite par Arthur Langerman et Ariel Sion qui restitue à merveille la saveur inimitable du yiddish.
« La vie éternelle » est une promenade avec le plus populaire des écrivains juifs de son temps au gré du calendrier juif, de la société juive et de sa rencontre avec elle-même et les autres dans ce délicat moment du tournant du XXème siècle. Au fil des pages et des histoires, un peuple reprend vie et donne à celui qui les lit l’émotion d’un univers à découvrir, à redécouvrir, à retrouver et qui habite celui qui le visite. L’écriture bouleversante et drôle de Sholem Aleikhem, son style incomparable continuent au-delà des ans à faire passer sans trêve le lecteur du rire aux larmes au rire dans les larmes. Il faut souligner le soin de la traduction faite par Arthur Langerman et Ariel Sion qui restitue à merveille la saveur inimitable du yiddish.
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Contes ferroviaires ou le traîne-savates
Sholem Aleikhem
Editeur : Lian Levi
Présentation de l’éditeur
Le lieu de l'action ? Un
train dénommé le Traîne-savates. Les personnages ? Ces Juifs d'Europe orientale
contraints à la débrouillardise par des siècles de vilénies et de pogroms.
Munis de cette seule arme, ils s'exercent à affronter les tracasseries
quotidiennes et les embrouilles administratives, mais aussi, et surtout, à
l'art de compliquer les choses... Dans le train, ils se racontent tout, leurs
histoires tragicomiques font revivre le monde disparu du shtetl, et soulignent
avec drôlerie l'absurdité de la vie.
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La peste soit de l’Amérique
Sholem Aleikhem
Editeur : Lian Levi
Présentation de l’éditeur
Menahem-Mendl, le héros de
ce livre, nous est familier comme l'est le Vagabond de Chaplin. Ce volume
rassemble les lettres qu'il échange avec sa femme demeurée à Kasrilevke,
l'archétype du shtetl, tandis que lui va de Yehoupetz à Yehoupetz (plus connue
sous le nom de Kiev) en passant par New York, Varsovie et Vienne. Nous sommes
en 1913, au cœur de la crise des Balkans. Misère et antisémitisme déchirent
l'Europe de l'Est et le sionisme se cherche encore.
C'est dans cet univers que
Menahem-Mendl, acteur et observateur, prend place avec ses projets grandioses
et ridicules, avec ses citations talmudiques et ses explications cocasses.
Sholem Aleikhem est un de ces alchimistes qui savent transformer le plomb du
malheur en pépites de rire. Un classique de l'humour juif !
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Extrait
"Il n’y a rien de
neuf chez nous. Maintenant, Dieu merci, tout est rentré dans l’ordre. Les
riches vont bien comme d’habitude et les pauvres crèvent de faim comme partout.
Nous, les artisans sommes sans le moindre travail, mais il y a une chose, Dieu
merci, avec laquelle nous sommes bien servis, c’est avec des pogroms (...) Le
pogrom est même arrivé chez nous un peu tardivement, mais c’est pourquoi nous
avons eu un pogrom avec tout le clinquant."
La
vie éternelle, 13 histoires courtes pour marquer le temps.
Liens utiles
De Sholem Aleichem à Charlie Chaplin, de Menahem Mendl au personnage de Charlot… Morgane Jourdren, article publié sur le site de l’ENS de Lyon. Cliquez ici
L'éloge du récit: Nikolaj Leskov et Sholem Aleichem, Catherine Géry, professeur à l'Inalco. Cliquez ici
Texte et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
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