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mercredi 30 janvier 2019

ÉCOLE DES BAUMETTES 2 : NOTRE POSE DE PLAQUES


DÉVOILEMENT DE LA PLAQUE EN MÉMOIRE DES ÉLÈVES JUIFS DE L’ÉCOLE DES BAUMETTES ARRÊTÉS, DÉPORTÉS ET ASSASSINÉS DANS LE CAMP D’AUSCHWITZ 

Lundi 28 janvier 2019 à 10h30


Ce lundi 28 janvier 2019, nous avons enfin pu assister et participer à la cérémonie qui a accompagné la pose de deux plaques à l'École des Baumettes II, 26 rue Dante, à Nice : l'aboutissement de notre long travail de recherche. 

Nous avions décrit ici l'an dernier la pré-cérémonie que nous avions organisée au même endroit afin de mettre en valeur le travail effectué par les CM2 qui allaient quitter l'école pour le collège avant de voir la pose des  "vraies" plaques.

C'est un nouveau groupe d'enfants de CM2 qui a repris le flambeau cette année afin d'accompagner le dévoilement officiel de ces plaques, qui a eu lieu ce lundi en présence des représentants de la ville, du département, de la région, et de l'Éducation Nationale et bien entendu de nombreux membres de notre association. 


Crédits photo © Jacques Lefebvre-Linetzky

Disons-le tout de suite, ce fut une magnifique cérémonie. 

Ainsi que l'a très bien expliqué Mme Danielle Cherqui-Perikel la semaine dernière au micro de RCN – lors de notre émission hebdomadaire –, trois classes de CM2 se sont attelées au travail de mémoire, supervisées, bien entendu, par elle-même, par Mme Baldit, la Directrice, et par les enseignantes de l'école des Baumettes 2. 

Cela a représenté un travail d'équipe de plus d'un an et demi, au cours duquel leur implication a été extraordinaire. 

Les enfants de cet établissement ont également reçu la visite de membres de l'AMEJDAM (notamment Roger Wolman, Serge et Élise Binsztock) qui leur ont raconté leur expérience d'enfants cachés, éclairant ainsi davantage les zones sombres de cette période difficile. 

Ainsi les enfants ont-ils pu comprendre les raisons pour lesquelles ces noms-là sont inscrits sur des plaques, à l'extérieur et à l'intérieur de leur école primaire. 

Le résultat a été une cérémonie d'une qualité exceptionnelle, dont nous allons vous donner le déroulé, afin que les absents puissent prendre la mesure de ce qu'a été ce moment rare, riche en émotions et en enseignements. 


Détails de la cour décorée par les enfants
Photo © Cathie Fidler


Photo © Jacques Lefebvre-Linetzky


La matinée a débuté à 10:00 avec l'installation des enfants dans la cour de l'école. Ils ont un peu testé leur voix au micro, écouté les dernières recommandations  de Mme Baldit, leur directrice, et de Mme Éliane Gauthier, leur "chef de chœur", répété le premier texte qu'ils allaient dire, chanter etc... Tout cela dans un ordre admirable. 



Le chœur des enfants


À l'heure dite, aux alentours de 10:30, la cérémonie a débuté pour de bon, avec l'arrivée de M. le Maire de Nice, Christian Estrosi, qui a dévoilé la plaque extérieure à l'établissement, rue Dante. 


La plaque sur la rue Dante


Tous se bousculent pour prendre la photo !
M. Christian Estrosi à gauche, à sa droite
Mme Martine Ouaknine & M. Eric Ciotti

Photo © Cathie Fidler




Photo © Cathie Fidler

Une partie des 170 enfants qui étaient restés dans la grande cour de l'école se sont alors disposés de manière à créer une haie d'honneur par laquelle sont passés tous les officiels venus assister à la cérémonie, et dont les noms suivent : 

M. Christian ESTROSI, Maire de Nice, Président de la Métropole, Président délégué de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, 

M. Éric CIOTTI, député, président de la Commission des Finances,

M. Philippe PRADAL, Adjoint au Maire de Nice, 

Mme Martine OUAKNINE, Adjoint au Maire de Nice, Conseillère départementale,

M. François TETIENNE, Inspecteur de l’Éducation Nationale,


M. Jean-Marc GIAUME, Adjoint au Maire de Nice, Conseiller métropolitain,

M. Franck MARTIN, Conseiller municipal et Conseiller départemental des Alpes-Maritimes, 

M. Auguste VÉROLA, Conseiller municipal, 

Mme Mathy DIOUF, Adjointe au maire de Nice,

M. Olivier ROBUTH, Conseiller municipal, 

M. David TOUBOUL, Rabbin de la Communauté Massorti de Nice, 

Chanoine Philippe ASSO, représentant Mgr MARCEAU, évêque de Nice, 

M. Bernard KOHL, Président des Amitiés judéo-chrétiennes, 

Mme Stéphanie BOISSARD, documentaliste à la Maison d'Izieu, 

M.  Lionel BOULAT, représentant le Camp des Milles




Une fois toutes ces personnalités arrivées dans la cour de l'école, il a été procédé par M. Christian Estrosi au dévoilement de la plaque intérieure, celle qui comporte les noms des six enfants de l'école qui ont été assassinés à Auschwitz. 


La plaque a été dévoilée par 
Mme Merowka et M. Estrosi, 
avec de gauche à droite :
Mme Baldit, Mme Ouaknine et M. Ciotti


Six élèves de l'école ont ensuite lu 
les noms  des six enfants déportés  :

Elie AZARIA (14 ans)
Gisèle AZARIA (11 ans)
Émiré SADDIK (15 ans)
Névine SADDIK (16 ans)
Liliane GERENSTEIN (11 ans)
Maurice GERENSTEIN (13 ans)




Puis l'assemblée a observé une minute de silence, avant que la fanfare des pompiers ne joue la Marseillaise, entonnée par le chœur des enfants, et bon nombre des membres de l'assistance. 



Nous avons ensuite écouté les enfants. Ils avaient préparé avec le plus grand soin la lecture de textes écrits par eux, dont voici quelques mots :



Leurs voix claires et nettes ont résonné avec intensité dans cette grande cour, allant au cœur de chacun des témoins de ce moment précieux. 



Et puis ils nous ont aussi dit ceci, qui nous a tous saisi   d'étonnement et d'émotion : 


Tout cela a été énoncé sans la moindre hésitation, sans la moindre erreur... 


On voit ici l'importance du groupe des enfants
présents ce matin-là à la cérémonie 

Leur magnifique prestation s'est achevée par l'interprétation de la Chanson pour l'Auvergnat, de Georges Brassens, adaptée à l'occasion,  puis par celle, en français et en allemand, de l'Hymne à la joie dont on sait qu'il est aussi l'hymne européen. 

Ce moment exceptionnel, empreint d'une grande humanité, a été suivi des allocutions des "grandes personnes". Mme la Directrice de l'école, Mme Baldit, qui a rappelé l'implication de son établissement et des professeurs des deux écoles (Baumettes 1 & 2) dans ce long travail de mémoire. Nous, à l'AMEJDAM, savons que sans la volonté et le dévouement des enseignants, nos actions ne peuvent aboutir. Notre reconnaissance à l'égard des maîtres de ces écoles est infinie. 


Pendant le discours de Mme Baldit



Notre présidente, Michèle Merowka s'est ensuite adressée à l'assistance et aux enfants en particulier. 



Son discours direct et empreint de pédagogie nous a tous touchés. En voici les termes : 


Chers amis enfants cachés et membres de l’AMEJDAM
Et surtout vous, élèves de l’École des Baumettes, qui avez tant travaillé pour préparer cette matinée,    
Tout d’abord, je voudrais remercier Brigitte Baldit, Danielle Cherqui-Perikel, Eliane Gauthier, en charge de la chorale et les institutrices pour leur implication dans la préparation de la cérémonie à laquelle nous venons d’assister. La réussite est le résultat de leur travail patient et de leur motivation sans relâche depuis 2 ans.  
Merci aussi à la fanfare des Pompiers qui nous fait l’honneur de sa présence et qui accompagne les chants des enfants, et surtout,  merci à vous, cher Christian qui teniez tant à être présent lors du dévoilement de cette plaque et à Martine Ouaknine qui est à mes côtés et me soutient depuis tant d’années.
Je parle ici au nom de tous les membres de l’Association pour la mémoire des Enfants Juifs Déportés des Alpes-Maritimes dont le but est de retrouver dans les registres les noms des élèves assassinés et d’inscrire leurs noms dans la Mémoire collective de leurs établissements scolaires. 
Permettez-moi, Mesdames, Messieurs de m’adresser aux élèves : 
Je suis très émue de me retrouver dans votre école parce que j’y ai plein  de souvenirs d’enfance. Il y a plus de 60 ans, j’étais dans cette même cour ; c’est là que j’ai commencé ma scolarité, quand je suis arrivée de Strasbourg. 
La pose de ces plaques est le résultat d’un travail d’équipe. Il y a une dizaine d’années Katy Muller, Madeleine et Maurice Germain ont entrepris des recherches pour retrouver les noms des élèves déportés mais des pages du registre scolaire ont été arrachées et les noms des élèves n’ont pas tous été inscrits pour les protéger du danger de mort qui les guettait.  
Les témoignages d’anciens camarades, nous ont permis de retrouver les traces de quelques enfants, mais il y en a peut-être eu plus ; on ne le saura jamais.  
Cathie et Jacques Lefebvre se sont replongés dans les anciens registres de l’école mais les noms qui laissaient supposer que les élèves étaient Juifs ne figurent pas dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France publié par Serge et Beate Klarsfeld. Leur ouvrage répertorie toutes les victimes des rafles ; ces élèves-là ont certainement échappé aux rafles grâce à des personnes qui leur sont venus en aide. 
Cette année, Roger Wolman, Serge et Elise Binsztok sont venus vous raconter ce que fut leur enfance perturbée par la guerre. 
   Sur les plaques qui viennent d’être dévoilées vous avez lu les noms de six enfants, mais savez-vous qui étaient ces élèves qui vous ont précédés dans cette belle école ? Ils sont morts mais n’ont pas de tombe sur laquelle  nous pourrions nous recueillir. Cette plaque est leur cimetière, le seul lieu où leurs noms sont inscrits… Voici quelques mots sur leur trop courte vie.
Elie et Gisèle AZARIA avaient respectivement 14 et 11 ans. Leurs parents étaient originaires de Turquie. Tous deux sont nés à Charenton, en région parisienne.  Ils sont probablement venus se réfugier à Nice où ils ont malheureusement été arrêtés et déportés avec leur mère Donna par le convoi n° 61, parti de Drancy le 28 octobre 1943. Tous trois ont été assassinés le 2 novembre 1943, à leur arrivée au camp d’Auschwitz, en Pologne. 
Emiré et Névine SADDIK avaient 15 ans et 16 ans. Elles sont toutes deux nées à Nice et habitaient tout près : 11, rue Frédéric Passy.
Leur père était originaire d’Egypte et leur mère de Roumanie. Orphelines de père, elles ont été déportées avec leur mère Yetty, par le même convoi qu’Elie et Gisèle, le n° 61.  Comme eux, elles ont été assassinées dès leur arrivée au camp d’Auschwitz, le 2 novembre 1943.  
Liliane et Maurice GERENSTEIN* avaient 11 et 13 ans. Maurice est né à Paris et Liliane à Nice. Leurs parents étaient originaires d'Odessa et sont venus en France dans les années 30. Ils ont été déportés d’Evian en novembre 1943 par le convoi 62. Leur mère, Chendla, a été assassinée dès son arrivée à Auschwitz. Leur père, Alexandre, musicien et compositeur, a survécu en jouant dans l’orchestre d’Auschwitz. 
Liliane et Maurice étaient dans une maison d’enfants, à Izieu près de Lyon. Le 6 avril 1944, tous les enfants ont été arrêtés sur ordre de Barbie et déportés le 13 avril 1944 de Drancy à Auschwitz. Ils ont tous été assassinés dès leur arrivée au camp. 
Ces plaques vous rappelleront désormais qu’il y a près de 75 ans, des enfants et adolescents ont été arrêtés et assassinés uniquement parce qu’ils étaient Juifs. 
Ayez une pensée pour eux : tout comme vous et malgré le danger, ils étaient gais, riaient, chantaient et ne se doutaient pas que leur vie serait interrompue si brutalement par la haine des hommes. Ils sont morts dans un camp, loin d’ici, après un long voyage en train, dans des conditions inhumaines.  
Si nous vous en parlons, aujourd’hui, c’est pour vous expliquer jusqu’où peut conduire la haine envers un camarade différent, par la couleur de sa peau, sa religion ou son origine ethnique. Dans les cours d’école, cela se traduit par des bagarres entre les élèves. 
A l’échelle des pays, cela entraîne des guerres dont les enfants sont les premières victimes, et la douleur de leur disparition ne s’atténuera jamais.

Vous, enfants du 21èmesiècle, qui avez l’avenir du monde entre vos mains, nous savons que vous n’oublierez ce qui est arrivé à ces enfants. Vous avez rencontré des témoins, des personnes qui avaient votre âge pendant la Deuxième Guerre mondiale. Grâce au travail que vous avez fait dans votre école avec vos professeurs, vous êtes devenus les témoins des témoins et vous saurez transmettre leur mémoire et lutter contre les inégalités et les injustices.  Nous vous faisons confiance ! Merci à vous tous ! 


Écoute attentive des élèves, dont certaines 
se sont très bien habillées pour l'occasion. 
Photo © Cathie Fidler

M. Christian Estrosi, maire de Nice, s'est ensuite adressé aux enfants à son tour, en insistant sur leur rôle à venir, et en les félicitant de leur travail si abouti. Il a rappelé le rôle de la ville et de la région dans l'organisation des Voyages de la Mémoire qui permettent chaque année à des collégiens de prendre la mesure de ce qu'a été la déportation pour des millions de gens. Il a également exprimé aux enfants (ainsi qu'à leurs enseignants) ses remerciements et sa confiance. Sa prise de parole s'est achevée loin du pupitre, au milieu du groupe d'enfants. 



M. le Maire parle aux enfants


La cérémonie s'est achevée sur un dernier hymne, plus local cette fois, puisque les enfants et l'assistance, accompagnés par la Musique des Pompiers, ont entonné "Nissa la Bella". De la France à l'Europe, en passant par Nice, la musique a prouvé que nous sommes tous des citoyens du monde.

Chaque enfant portait un tel cœur sur le sien. Voilà celui prêté par une gentille petite Rebecca, de l'école des Baumettes 1 ! 
Merci à elle !





VOILÀ. CETTE PLAQUE EST PEUT-ÊTRE LA DERNIÈRE QUE NOUS POSONS À NICE. POUR AUTANT NOTRE TRAVAIL N'EST PAS ACHEVÉ. IL NE LE SERA SANS DOUTE JAMAIS. MAIS NOUS SAVONS À PRÉSENT QUE LE RELAIS A ÉTÉ PLACÉ ENTRE DES MAINS HUMAINES, ATTENTIVES ET QUE, GRÂCE À L'AIDE DES ENSEIGNANTS, DES ENFANTS, ET DES ÉLUS ACTUELS DE NOTRE RÉGION, IL NE SERA PAS OUBLIÉ. 
MERCI À EUX TOUS ET TOUTES. 

Pour terminer ce billet, une petite galerie de photos-souvenirs. QUIZ : Reconnaissez-y vous mêmes ceux et celles dont les noms ne figurent pas dans les légendes ! 



La "Musique des Pompiers" de la Ville de Nice,
dont les musiciens savent donner à l'événement 
la solennité qu'il requiert. 



Les membres de l'AMEJDAM et leurs amis,
avant le début de la cérémonie


Après la cérémonie, tous ont le sourire de ceux 
dont le travail a abouti




Les trois enseignantes de cette école ont
vraiment raison de sourire à l'objectif !
Sans elles, cette cérémonie n'aurait
pas eu une telle dimension.

De gauche à droite : Mme Brigitte Baldit, 
Mme Danielle Cherqui-Perikel
et Mme Éliane Gauthier



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* Cliquez ICI pour en savoir davantage sur les enfants Gerenstein et la Maison d'Izieu



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Vous n'avez pas eu le temps de tout lire ? Pas grave : vous pouvez aussi nous écouter sur RCN ! ICI pour l'émission du 22/01 et  pour celle du 29/01. 



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Texte et mise en page de ce billet : Cathie Fidler

Sauf indiqué autrement, les photographies
sont à attribuer à ©Jacques Lefebvre-Linetzky. 
Si elles vous plaisent, 
vous pouvez les emprunter, 
mais si vous les publiez ailleurs, 
merci d'en créditer ce blog, et leurs auteurs.








M        














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