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dimanche 10 janvier 2021

TIBOR "TED" RUBIN, UNE VIE, UNE HISTOIRE DE RÉSILIENCE

En ces temps incertains où la visibilité n'est pas toujours au rendez-vous, l'AMEJDAM tient à vous présenter ses meilleurs vœux pour une année 2021 plus douce et plus sereine. 

À l'aube de cette nouvelle année, nous vous proposons de vous raconter une belle histoire de résilience.  C'est du "storytelling" car raconter une histoire vraie, c'est aussi notre façon de faire vivre la mémoire. 


Image empruntée ici


Tibor "Ted" Rubin(1929-2015) a vécu plusieurs vies et plusieurs enfers. Il aurait dû mourir maintes fois, il s'est vu mourir, mais il était doué d'une extraordinaire volonté et il s'en est sorti à chaque fois. Peut-être a-t-il eu de la chance, mais était-ce vraiment de la chance? Il a connu l'enfer de Mauthausen, il a bravé tous les dangers durant la guerre de Corée et il a passé de longs mois dans un camp de prisonniers que les Chinois tenaient d'une main de fer. 

Il y a chez lui une capacité de résistance absolument étonnante.

"Résister, c'est un terme que nous connaissons bien, et qui indique le refus de céder à toute pression ; la capacité à ne pas être détruit, à ne pas être altéré par ce qui menace."

Cathie Fidler 

Ted Rubin savait résister ; c'était en lui et rien ne pouvait l'arrêter. Et puis, au-delà de cette formidable capacité, il a su repartir au combat, mobiliser ses forces, triompher de l'adversité. En d'autres termes, il a fait preuve de résilience. Sa vie est à elle seule une illustration du concept de résilience. 

À l'origine, c'est un terme qui s'applique au monde de la physique : c'est la résistance d'un matériau aux chocs. Appliqué à la psychologie, c'est une qualité qui permet de "rebondir" après une expérience traumatique. 



Boris Cyrulnik
Image empruntée ici


"La résilience, c'est l'art de naviguer dans les torrents". 

Boris Cyrulnik

"Le concept de résilience est d'abord introduit en 1969 par Fritz Redl. Dans les années 1980 plusieurs ouvrages consacrés à la résilience ont paru, puis des études furent conduites aux États-Unis dans les années 1990 sous l'influence de Emmy Werner et John Bowlby.

Aujourd'hui, on compte des instituts de résilience en Hollande, des universités de résilience en Allemagne. Au Québec, le chef de file des études sur la résilience est le docteur Michel Lemay et en France, à partir de ses recherches sur le comportement animal et humain et disciple de John Bowlby, Boris Cyrulnik s'impose comme un spécialiste en la matière. Il pense la résilience en terme de série d'attitudes de protection et comme potentialité créatrice, développement de certaines facultés qui permettent la transformation psychique de la souffrance humaine.

Si le terme de résilience est employé couramment, ses significations s'appliquent à des nombreux domaines. On parle ainsi de résilience morale, résilience physique, résilience sociale, résilience culturelle..."

Source : Claudia Samson, à lire sur ce site

La résilience consiste à continuer à évoluer, à se développer et à se construire après un traumatisme. Mais cette évolution engage une transformation car elle ne peut pas se situer dans l'exact prolongement de ce qui a précédé l'atteinte traumatique. 


Tibor Rubin, un exemple de résilience



Image empruntée ici


Le 23 septembre 2005, 55 ans après s'être distingué par deux fois durant la guerre de Corée, le caporal, Tibor "Ted" Rubin s'est rendu à la Maison Blanche pour se voir décerner la médaille d'honneur des mains du président George W. Bush. Tibor avait alors 76 ans. George Bush dit de lui, dans son allocution, qu'il était l'un des combattants juifs les plus extraordinaires que l'Amérique ait connu dans son histoire. Plus tard, en 2016, un an après la mort de Tibor, le président Obama décida que l'hôpital des vétérans de Long Beach en Californie s'appellerait désormais The Tibor Rubin VA Medical Centre. 

Vous pourrez lire l'intégralité du discours (en anglais) de George Bush en cliquant sur ce lien

La médaille d'honneur est la plus haute distinction militaire des États-Unis. Elle récompense des soldats qui se sont distingués en mettant en péril leur vie au profit de l'intérêt général et en accomplissant un acte d'héroïsme ou de bravoure exceptionnel au combat. 

À ce jour, 3526 médailles ont été décernées depuis la guerre de Sécession. La médaille se décline en trois versions : celle de l'US Army, celle de l'US Navy et celle de l'US Air Force. 


Médaille de l'US ARMY

Médaille de l'US Navy

Médaille de l'US Air Force

Images empruntées ici



L'Amérique est très attachée à cette haute distinction qui glorifie ses forces armées à travers l'exemple de héros exceptionnels. Le médaillé d'honneur le plus célèbre de Hollywood est l'acteur Audie Murphy (1925-1971) dont les exploits ont fait l'objet d'un film, To Hell and Back (L'enfer des hommes), Jesse Hibbs, 1955. 



Audie Murphy
Image empruntée ici


On peut comprendre l'émotion qui étreignit Tibor lorsqu'il reçut sa médaille.

Tibor Rubin est né le 18 juin 1929 à Pásztó en Hongrie - c'est à deux heures de train de la capitale, Budapest. La petite ville comptait 120 familles juives. Son père, très attaché aux traditions religieuses, y tenait un commerce de chaussures. 

Tibor est un enfant joyeux, débrouillard qui voue une admiration sans bornes pour son frère aîné, Emery. Il aime aller au cinéma voir des films américains. C'est ainsi qu'il se construit son propre rêve américain. 


Mauthausen



La porte d'entrée du camp de Mauthausen
Image empruntée ici


Il a 13 ans lorsqu'il est interné à Mauthausen en Autriche. Il passe 14 mois dans cet enfer. La présence de son frère, Emery, lui aussi interné à Mauthausen, lui permettra de résister psychologiquement – il est, de fait, son tuteur de résilience. Il survit grâce à une indomptable volonté et il met en œuvre des stratégies qui lui seront très utiles par la suite. Il observe les rats et adopte leur comportement pour déjouer la surveillances des implacables surveillants. C'est un chapardeur qui se faufile partout et qui demeure insaisissable. 

Sa famille a été décimée. Son père est mort à Buchenwald. Sa petite sœur de 10 ans ainsi que sa maman ont été gazées à leur arrivée à Auschwitz. En fait, la plupart des membres de sa famille ont été assassinés dans les camps. 

Mauthausen est libéré par l'armée américaine le 5 mais 1945. Il est alors âgé de 15 ans et il se jure d'émigrer aux USA car il se sent redevable envers ses libérateurs. 

Ce n'est qu'en 1948 qu'il y parvient. Il essaie de s'engager dans l'armée américaine qui rejette sa candidature en raison de son piètre niveau en anglais. Il gardera toute sa vie un accent hongrois particulièrement fort. 


L'engagement et la guerre de Corée



L'armée recrute, affiche de 1951.
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En 1950, il réussit le test d'aptitude en anglais et s'engage comme simple soldat. Il se retrouve très vite en Corée au cœur du combat. C'est une tête brûlée, rien ne lui fait peur, rien ne l'impressionne. C'est ainsi qu'il parvient à faire croire à l'ennemi qu'une compagnie entière de soldats américains tient une colline alors qu'il est seul à mitrailler les Coréens et à leur lancer des grenades, permettant ainsi à ses camarades de se replier. Par deux fois, il tient l'ennemi en échec à lui tout seul . Par deux fois il est recommandé pour la médaille d'honneur par ses supérieurs. Malheureusement, ils meurent au combat avant de pouvoir faire suivre son dossier. 

Normalement et logiquement, son dossier aurait dû être repris par son supérieur immédiat, le sergent Artice Watson. Mais le sergent était un antisémite notoire qui s'ingénia à enterrer le dossier de Tibor. Il s'acharna sur Tibor et lui confia inlassablement les missions les plus périlleuses en espérant qu'il se ferait tuer. 

Au mois de novembre 1950, le bataillon de Tibor qui se trouve près de la frontière chinoise, est décimé lors de la bataille d'Usan. Des centaines de soldats américains dont Tibor, sont faits prisonniers et sont transférés dans le camp de Pukchin connu sous le nom de Death Valley (la vallée de la mort). 

Les conditions étaient proches de l'insupportable et les prisonniers tombaient comme des mouches. 

Tibor, une fois encore, s'est distingué en appliquant les stratégies qu'il avait appliquées à Mauthausen. Pour survivre, il fallait de la nourriture. Il s'est donc mis à nouveau dans la peau du rat en chapardant des vivres dans les baraques des geôliers au péril de sa vie. Il est venu en aide à ses camarades qui croupissaient dans l'infirmerie. C'est encore lui qui a enterré bon nombre d'entre eux en récitant le kaddish, qu'ils soient juifs ou non. 

Quand les Chinois ont appris qu'il était d'origine hongroise, ils lui ont proposé de le libérer car la Hongrie faisait alors partie du bloc soviétique. Tibor n'a pas cédé, fidèle à sa promesse de venir en aide à son pays d'adoption. Il s'avère qu'il a sauvé au moins quarante vies durant ses deux ans et demi d'incarcération. Il ne sera libéré qu'à la fin des hostilités.


Le retour



Le rêve américain
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Lorsqu'il revient aux USA, il obtient enfin la nationalité américaine. Et comme si de rien était, il mène la vie tranquille d'un Américain moyen sans se soucier le moins du monde des récompenses qu'il n'a pas reçues. Il travaille dans le liquor store de son frère Emery établi en Californie. Il épouse Yvonne et ils ont deux enfants. 

La "chasse aux sorcières" fait rage, mais cela n'affecte pas son amour indéfectible pour sa patrie d'adoption. Il embrasse le rêve américain. 



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Un long parcours

Il n'a pas de contacts avec ses frères d'armes. Ce n'est qu'en 1980 qu'il se rend à une réunion d'anciens combattants de Corée. Il fait sensation car tout le monde le pensait mort. Ses camarades se mobilisent alors pour qu'on lui attribue la médaille qu'il mérite plus que tout autre. Un dossier est constitué. Il sera soumis à l'armée en 1985. Il faudra 20 ans pour que les soutiens de Tibor obtiennent satisfaction. Il a également bénéficié de l'appui du sénateur John McCain et de nombreux autres membres du Congrès forçant ainsi l'armée à revoir sa politique. 



Leonard Kravitz (1931-1951)
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En 2001, le Congrès vota le Leonard Kravitz Jewish War Veterans Act. Leonard Kravitz, oncle du musicien Lenny Kravitz, est mort durant la guerre de Corée en résistant seul, armé d'une mitrailleuse, face à l'assaut des Chinois. Il a ainsi permis à son peloton de se replier. Kravitz avait également été recommandé pour la médaille d'honneur, mais les préjugés antisémites avaient bloqué son dossier. 

Le groupe d'amis qui œuvrait pour Tibor a eu finalement gain de cause et Tibor a pu recevoir sa médaille des mains du président Bush en 2005. 

Jusqu'au bout Tibor a cru en son rêve américain. Pour lui, l'Amérique était le plus beau pays du monde. 



Tibor Rubin reçoit la médaille d'honneur des mains 
du président des États-Unis, George W. Bush.
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Documents en complément


Une biographie


Single Handed : The Inspiring True Story of Tibor "Teddy" Rubin, Holocaust Survivor, Korean War Hero, and Medal of Honor Recipient, Daniel M. Cohen, 2015. 



Le site de Daniel M. Cohen, capture d'écran
Image empruntée ici


Un roman graphique 




Ce roman graphique a été mis en ligne par l'Association de The United States Army. Il s'agit d'une série  consacrée aux soldats ayant obtenu le médaille d'honneur. Vous pouvez télécharger le PDF de ce numéro en vous rendant sur ce site.





Pour écouter l'émission sur RCN , cliquez sur ce lien


Texte et mise en page, Jacques Lefebvre-Linetzky










 

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