Nous commencerons ce billet par quelques annonces
et informations utiles
Le dimanche 18 janvier, à 14 heures, aura lieu au Centre Kling, à Nice, une conférence-débat avec Paul Amar. Il y dédicacera son dernier livre "Blessures", qui est très en rapport avec les événements que nous venons de vivre.
Le mercredi 21 janvier 2015 à 17h30 se tiendra l'Assemblée Générale de notre association. Cela aura lieu à la Maison des Associations, Place Garibaldi, à Nice. Nous y présenterons le compte-rendu de nos activités, le compte-rendu financier, et nos projets pour l'année 2015. Chacun est le bienvenu, pour nous aider dans nos recherches, ou simplement pour nous soutenir. Vous pouvez nous soutenir encore plus efficacement en adhérant à notre association. L'adhésion de 25 € donne droit à un CERFA. Celui-ci est également délivré pour tout
don d'un montant supérieur, englobant la cotisation.
Le mardi 27 janvier, à Cannes, le Lycée Carnot célèbrera le 70ème anniversaire de la Journée internationale de "commémoration en mémoire des victimes de l'Holocauste et de la prévention des crimes comme l'humanité." Roger Wolman, qui a beaucoup œuvré pour les recherches effectuées dans ce lycée, y représentera l'AMEJDAM aux côtés d'autres membres de l'association, et de notre Présidente, Michèle Merowka.
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Photo confiée par David Nakache
Nous avons voulu illustrer les événements tragiques
de la semaine dernière à l’aide d’un certain nombre de termes pertinents, dont
les initiales suivront celles de notre association, l’AMEJDAM. Ils
récapituleront ainsi clairement nos positions et la manière dont nous
envisageons l’avenir, que nous souhaitons plus paisible à vous tous qui nous
écoutez, et à notre République toute entière. Commençons donc par le commencement, avec le A.
A. comme amalgame :
Amalgame, dont l’une des définitions est la fusion de différents corps, ou bien
l’association abusive de personnes, de groupes ou d’actions de nature
différente.
Aujourd’hui, demain et après-demain, il conviendra de
n’y recourir d’aucune manière. Nous avons nous-mêmes refusé d’être amalgamés de
façon abusive, nous nous garderons donc d’en faire autant à l’égard des autres.
Les enfants, qui nous préoccupent au premier chef, ont besoin d’être intégrés,
et éduqués, pas d’être amalgamés à des terroristes en herbe. Si nous cédons à
cette tentation, ce sont nos dents et celles des générations à venir qui en seront
agacées. Avec l’AMEJDAM, nous serons vigilants car, sur une note plus humoristique, à l’amalgame nous préférons
l’agrégation à l’université !
M. comme marche : C’est un samedi
lumineux, nous rapporte Jacques Lefebvre-Linetzky. Les goélands volent haut
dans le ciel d’azur. Une foule dense est en marche depuis le jardin Albert 1er.
Une jeune femme distribue des affichettes où l’on peut lire : « Je
suis Charlie ». La foule grossit à vue d’œil. Certains brandissent une
affichette en hommage à Charlie, d’autres arborent des crayons ou ont jeté
quelques mots sur des panneaux improvisés. La foule progresse en direction du
monument aux morts. Des applaudissements ponctuent la marche, on entend
« Je suis Charlie » et les applaudissements reprennent comme pour
conjurer la mort des humoristes. Tout cela se fait spontanément. Devant le
monument aux morts, la foule s’arrête. Lors de la minute de silence les regards
se recroquevillent, les larmes ne sont pas loin, le temps semble en suspens. Et
puis, c’est la Marseillaise – vibrante et glorieuse. Des voix fortes et claires
chantent à l’unisson. Et puis la foule se disperse avec difficulté. Elle
est si compacte qu’il n’est pas question de rebrousser chemin, il faut
continuer en direction du port et remonter la rue Cassini jusqu’à la Place
Garibaldi, rebaptisée Place Charliebaldi…
E. Comme
enfant : Les enfants sont partout les premières victimes de la guerre,
mais surtout du fanatisme. Ceux qui sont en détresse matérielle et
psychologique sont repérés et endoctrinés, à la manière dont procédaient les
responsables des Jeunesses hitlériennes. Entraînés, lobotomisés, ils sont
ensuite envoyés au sacrifice, avec ou sans l’approbation de leurs proches. Ils
sont bien moins chers à former qu’une armée, et bien plus dociles. Ce sont des
marionnettes, dépersonnalisées, mais dangereuses, car prêtes à tout, ainsi que
cela a été observé maintes fois. Pour s’y opposer, un seul processus, dont le
nom commence aussi par un E, comme éducation. On nous dira : mais l’école
est là pour cela. Certes, mais avec quels moyens ? Et puis, il ne s’agit
pas seulement d’instruire ces jeunes de manière académique, mais surtout de
leur permettre d’accéder à une culture populaire, de favoriser leur rencontre
avec des artistes, des gens de théâtre, qui leur expliqueraient la symbolique
de ce qu’ils auront découvert, c’est ce qu’explique Boris Cyrulnik. Si l’on ne
donne pas de sens à l’instruction, l’échec perdurera. Même Dany Cohn-Bendit y a
mis son grain de sel, en appelant les clubs de football à participer
financièrement à l’effort de paix par l’éducation ! Voilà qui tiendrait
enfin du miracle ! Si vous avez manqué sa prise de parole, vous pouvez la regarder ici.
Une des actions de l’AMEJDAM consiste à aller dans
les écoles pour expliquer aux enfants ce qui se produit lorsque l’on laisse
parler la haine et l’intolérance. Mais il faut également savoir écouter les
enfants, les associer aux actions menées, et lorsque ceci se produit, le
résultat est surprenant : nous l’avons vu lors de la préparation de chaque
pose de plaque, y compris dans des établissements considérés difficiles. Nous
continuerons dans ce sens en 2015 !
J. Comme Juif :
Certains d’entre nous ont souvent eu l’impression d’avoir été les oubliés
des manifestations de la semaine dernière. Nous sommes Charlie, en effet, mais
pas que Charlie. Quatre Juifs ont été
assassinés à Vincennes, non pas à cause de leur coup de crayon, mais en raison
de ce qu’ils étaient. Alors cela nous a rassérénés de voir des pancartes qui
disaient : « Nous sommes Charlie, policier et juif ». Et aussi
d’entendre de grandes voix annoncer dimanche à la télévision que la France,
sans ses Juifs, ne serait plus la France. Que l’exode entamé de 7000 Juifs en
2014 était intolérable pour la République. L’information a été énoncée
clairement (et pour la première fois) que, dans certains quartiers, les enfants
juifs ne sont plus en sécurité dans les écoles de la République. C’est un message
d’espoir, que cette prise de conscience. Il est ténu, et devra être suivi
d’effets, mais c’est mieux que rien et, à cette date, réconfortant.
© Photo J.L+L
D. Comme
Danger : Ainsi que l’a dit Boris Cyrulnik à Bordeaux, la situation
actuelle présente un grand danger et pourrait déboucher sur un massacre.
Celui, cette fois-ci, des musulmans français, trop vite assimilés à des
djihadistes. Tout comme Boris Cyrulnik, Hubert Védrine nous a rappelé dimanche
soir que, dans le monde, 99% des musulmans sont tués par d’autres musulmans. Le
danger serait, en cédant à un désir de vengeance, d’oublier les valeurs
humanistes, que l’AMEJDAM porte haut et fort dans toutes ses actions, valeurs pour
lesquelles des millions d’entre nous ont manifesté le weekend dernier.
Un autre danger nous guette :
Sur les pancartes, on n’a sans doute pas lu : « Même
pas peur ! » – en revanche, on a entendu la foule scander : « On
n’a pas peur ». Comme l’a si bien dit au siècle dernier le Président
Roosevelt : « La seule chose qui doit nous faire peur, c’est la peur
elle-même ». Face à la terreur imposée, cette devise devra à nouveau être
la nôtre, en nous gardant toutefois du déni. Oui, rajoutons D, comme déni. Un
déni qui nous amène trop souvent à ne pas voir en face la réalité du terrain,
qui pourtant, nous est depuis longtemps pointée du doigt par les éducateurs
eux-mêmes. Nous souhaitons qu’ils soient enfin entendus, et que leur œuvre
éducative soit davantage aidée, sans complaisance.
A. comme arme. C’est
désarmés, que nous nous trouvons, à tous les sens du terme, face aux
Kalachnikov. Nous ne sommes pas habitués, en France, au maniement des armes, et
nous espérons ne jamais avoir à le devenir, car ce qui se passe aux États-Unis
à ce propos n’est pas enviable. De toute façon,
les innocents qui se trouvent face au canon d’une arme de guerre ne
peuvent guère espérer se défendre. En revanche, une autre arme, aussi puissante,
est à notre disposition – tellement
puissante qu’elle a suscité un désir meurtrier de destruction massive de ceux
qui la détiennent : notre plume. Le proverbe nous dit que celle-ci est plus
puissante que l’épée. La preuve en est l’artillerie que les assassins ont dû
déployer pour faire taire ceux qui la maniaient avec insolence. Enfin, cette
arme n’était pas vraiment une plume, mais un crayon, et ses propriétaires ne
s’en servaient pas pour écrire, mais pour dessiner. Voilà ce qu’en dit Jacques
Lefebvre-Linetzky, lui même adepte de l’outil :
Pour bien dessiner il faut des crayons affûtés
et pour affûter un crayon il faut un taille-crayon et pour corriger les
erreurs, il faut une gomme. C’est le B.A-BA du dessin, ce sont les outils
indispensables. À partir de là, tout est affaire d’imagination. Le dessinateur
capte l’instant et le fait vibrer. C’est ce à quoi Philippe Geluck est parvenu
en faisant surgir le souvenir des attentats du 11 septembre 2001. Les tours
sont devenues crayons, un avion se prépare à les percuter, un funeste nuage
enveloppe les deux crayons, une nouvelle date marque ce jour d’infamie…
« Le crayon n’est pas une arme nous dit Philippe Geluck, le crayon est un
outil de culture ». Le chat est triste, le chat est en colère, le chat n’a pas
envie de rire… Il ne faut pas ranger les crayons dans le plumier de l’oubli.
Un autre dessin
humoristique montre deux terroristes lourdement équipés d’armes à feu, en
planque devant les locaux de Charlie Hebdo. Les deux ont l’air fort inquiet
sous leur cagoule, et l’un des deux se tourne pour prévenir l’autre :
« Attention, ils risquent d’avoir des stylos ! » La caricature
est signée Matt, un humoriste anglais, dont les dessins sont publiés dans le Telegraph. Il nous fallait bien le décrire, à la radio, mais pour vous qui lisez ce blog, le voilà.
M. comme mémoire : Notre arme à nous,
c’est la mémoire. Nous la maintenons vivante, et notre outil, c’est le verbe.
Le nom des victimes ne doit pas tomber dans l’oubli, c’est la raison pour
laquelle il nous paraît important aujourd’hui de citer, par ordre alphabétique
et chronologique, celui des dix-sept êtres humains qui ont succombé la semaine
dernière sous le feu de la haine et du fanatisme :
Dans les locaux de Charlie
Hebdo :
Ahmed Merabet
Bernard Maris
Bernard Verlhac
Elsa Cayat
Franck Brensolaro
Frédéric Boisseau
Georges Wolinski
Jean Cabut
Michel Renaud
Mustapha Ourrad
Philippe Honoré
Stéphane
Charbonnier
À
Montrouge :
Clarissa Jean-Philippe
À Vincennes :
Yoav
HATTAB
Philippe
BRAHAM
Yohan
COHEN
François-Michel SAADA.
S. Comme silence.
JL+L souhaite clore ce billet avec une réflexion sur le silence.
On dit souvent du silence qu’il est d’or… Il est paré de vertus. On parle de majorité silencieuse, celle qui ne dit mot, mais qui n’en pense pas moins et dont les idées sont supposées être majoritaires. On fait silence, on ne dit mot. Qui ne dit mot consens… Ne rien dire, c’est se soumettre. On dit aussi du silence qu’il est assourdissant tant il est présent par l’absence qu’il signifie. On se refugie dans le silence, pour ne pas heurter, pour ne pas dire les choses. Ou alors, on les dit autrement et on se cache derrière le politiquement correct. On se fait silencieux pour ne pas se montrer. Le silence rend invisible. Et puis, lorsque le bruit et la fureur s’imposent dans un fracas tragique, on observe une minute de silence, on pense aux mots qu’on n’a pas su ou voulu dire, on pense à celles et ceux pour qui la vie est désormais silencieuse à jamais.
Cathie Fidler & Jacques Lefebvre-Linetzky.
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