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mercredi 6 mai 2015

COMMÉMORER, C'EST SE REMÉMORER ENSEMBLE…




© Jacques Lefebvre-Linetzky



 La Seconde Guerre mondiale fait l’objet de quatre journées commémoratives en France, depuis 1951.


Le 8 mai, fête nationale en 1951 et jour férié en mars 1953.
La « journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation », le dernier dimanche d’avril, instaurée en avril 1954.
Le 16 juillet (date anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv de 1942), instaurée en février 1993 pour commémorer « les persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité du « gouvernement de l’État français (1940-1944) ».
Le 27 janvier (libération du camp d’Auschwitz), « journée de la mémoire de l’holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité », créée sous l’égide du Conseil de l’Europe en octobre 2002.


Dans notre région, l'AMEJDAM était représentée.


Le 24 avril 2015 :  Commémoration du génocide arménien. 
Cérémonies émouvantes à Cannes et à Nice.

À Cannes :  Cathy et Jean Kleinmann, Clara Majer, Elise et Serge Binsztok et Roger Wolman étaient présents.

À Nice : Madeleine Germain, Michèle Merowka, Suzanne Beer, mais aussi le président de la communauté niçoise, le président du consistoire régional, du CRIF, du FSJU, de la LICRA, etc… ont assisté et participé aux cérémonies.


À Nice, © Michèle Merowka

Le 27 avril 2015 : Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, instaurée par la loi du 14 avril 1954. Le dernier dimanche d'avril a été retenu en raison de sa proximité avec la date anniversaire de la libération de la plupart des camps, et aussi parce que cette date ne se confondait avec aucune autre célébration nationale ou religieuse existante
Denise Holstein, rescapée des camps de la mort, a lu le message officiel lors des cérémonies organisées à Antibes. 
L’AMEJDAM était représentée à Cannes, au Cannet, à Grasse où le maire, Jérôme VIAUD a tenu à associer officiellement l’AMEJDAM par un dépôt de gerbe à ses côtés.


À Grasse, Michèle Merowka et Jérôme Viaud, maire de Grasse
© Féo Merowka

À noter dans vos agendas

Le 21 mai à 15h,  aura lieu le dévoilement d’une plaque au Collège Fersen dédiée à la mémoire de quatre fillettes  arrêtées à Antibes en 1943 et déportées vers les camps de la mort.
Il s’agit de :
Dorine, Eliane et Paulette HIRTZ avaient respectivement 14, 11 et 8 ans. Elles habitaient 22 avenue Thiers ; elles ont été arrêtées avec leurs parents, Frieda et Edmond,  transférées à Drancy et déportées sans retour le 20 novembre 1943, par le convoi 62. 
Hélène STERN, 14 ans, demeurait Villa Marie, Boulevard Chancel. Elle a été arrêtée et déportée avec ses parents Joseph et Margareth, par le convoi 61, parti le 28 octobre de Drancy vers Auschwitz.



Yom Hashoah, le 16 avril 2015


© Jacques Lefebvre-Linetzky

J’étais au cimetière du château le 16 avril dernier à l’occasion de Yom Hashoah. Le ciel était d’un gris de plomb, les visages étaient graves et concentrés. Les officiels se succédèrent à la tribune, trois rescapées étaient présentes au premier rang. Après les allocutions, six bougies furent allumées par les trois rescapées et trois enfants cachés. Je me suis rapproché et tandis que je prenais discrètement quelques clichés, mon regard s’est posé sur une chaîne rouillée que l’on avait détachée afin de permettre l’accès à l’espace dédié à cette cérémonie. Je ne résistai pas à l’envie de photographier cette chaîne dont je percevais d’emblée la symbolique complexe. Elle ne délimitait plus un lieu auquel on ne devait pas avoir accès, on l’avait détournée de sa vocation première. Rouillée, elle signifiait l’érosion inéluctable du temps. Lorsque je vis les trois rescapées tenter d’allumer les bougies, cette chaîne devint alors le symbole de leur asservissement dans les camps de l’horreur. Corps meurtris, torturés ; mémoire à jamais entravée. J’ai subitement pensé à mon ami Herman Idelovici qui me disait : « j’ai quitté les camps, mais les camps de m’ont pas quitté. » Et puis, finalement,  je me suis dit que cette chaîne était le symbole fort de la transmission de la mémoire. Celui ou celle qui se souvient est le maillon d’une chaîne. Tout cela m’est venu pêle-mêle tandis que je participais à cette émouvante cérémonie.

JL + L


© Michèle Merowka



Depuis le mois de janvier les commémorations se succèdent. Au sens étymologique, commémorer, c’est se remémorer ensemble. La commémoration inscrit l’événement dans le temps et s’adresse à la nation. On commémore une date, on rapproche le présent du passé, le passé devient présent en quelque sorte. Les décennies se succèdent ; au fil du temps, chacune pèse plus lourd et mobilise la nation.
C’est un acte de reconnaissance envers les générations passées et les morts. Leurs noms figurent sur des monuments, sur des murs. Il y a urgence à commémorer. Le nombre de survivants s’amenuise, chaque commémoration marque aussi l’absence de celles et ceux qui sont récemment décédés. Ils restent présents dans notre souvenir ; nous devenons les gardiens de leur mémoire.
Toute commémoration s’inscrit dans un rituel qui rythme le temps de la cérémonie. Il y a bien sûr le temps des discours tous empreints de solennité, il y a les chants et les prières, l’allumage des bougies et la minute de silence.

Les allocutions

L’exercice est exigeant et requiert un savant dosage entre mise à distance et émotion. L’orateur se doit d’être concis par respect pour les autres intervenants. Prononcer un discours en de telles circonstances, c’est penser « juste », dire « juste » et laisser peser les mots. L’orateur convoque le passé, revendique un « devoir de mémoire » au nom des valeurs de la République. En ces temps où la bête immonde frémit à nouveau, les discours sont fermes, solennels, courageux.

L’allumage des bougies

La bougie est lumière, elle signifie la force et la fragilité de la vie ; elle est aussi la permanence de notre souvenir. Six bougies pour six millions de morts. Chaque bougie éclaire la nuit de l’oubli, chaque bougie nous invite à méditer. La contemplation de chaque bougie est vécue, elle aussi, comme une expérience à la fois individuelle et collective. C’est un moment grave et chargé d’émotion. Des jeunes gens soutiennent les rescapées et les aident dans leur tâche. C’est un passage de témoin en quelque sorte.


Zelda Sinelnikof, Anne Barbut et Annette Cabelli
© Michèle Merowka

La lecture des noms

Les noms des victimes de la Shoah sont lus – une longue et douloureuse litanie qui affirme qu’il ne faut pas les laisser sombrer dans l’oubli. Ce jour-là, on a lu les noms de quelques enfants. Dire les noms, c’est reconnaître à ces morts leur humanité, c’est une célébration de leur dignité. Celui ou celle qui lit est une voix unique, mais elle se mêle aux voix à jamais silencieuses de ces morts réduits en cendres. Celles et ceux qui écoutent transforment ces voix en une voix intérieure. L’expérience est à la fois individuelle et collective.

La prière, El Male Rahamin (Dieu empli de miséricorde)

Cette prière est une communion également individuelle et collective qui rassemble au-delà du religieux. La prière est le verbe, elle établit une communication avec le divin et le sacré. Elle sacralise les lieux de l’horreur en les nommant pour qu’ils ne tombent pas dans l’oubli. Elle est un cri de douleur que chacun perçoit au plus profond de sa chair. C’est un moment rare où le profane et le religieux se rejoignent.

La minute de silence

Il en va de même pour la minute de silence. Soixante secondes de temps mis entre parenthèses où le regard se perd, où la respiration semble marquer une pause. La vie se fige dans le souvenir, le temps s’étire, des images surgissent, des voix se font écho. Soudain, la vie reprend son cours. On entend un oiseau chanter, on perçoit le bruit des sabots des chevaux, les feuilles tremblent dans les arbres.

Chant en yiddish interprété par la chorale ‘Aviv’

Après le recueillement vient le temps de la célébration de la mémoire et de la vie. C’est un moment d’intense partage. Commémorer, c’est aussi se rassembler.


© Jacques Lefebvre-Linetzky

Le Mur des Justes parmi les Nations

À l’issue du chant, six éclaireurs portent six flambeaux devant le Mur des Justes parmi les Nations. L’hymne national est repris à l’unisson. Il convient d’honorer celles et ceux qui n’ont pas fléchi en dépit du danger. L’hymne national clôt la cérémonie et souligne la cohésion de la nation.


© Jacques Lefebvre-Linetzky

Un texte pour se souvenir, toujours et encore…

Jamais je n’oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée.
Jamais je n’oublierai cette fumée.
Jamais je n’oublierai les petits visages des enfants dont j’avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet.
Jamais je n’oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma Foi.
Jamais je n’oublierai ce silence nocturne qui m’a privé pour l’éternité du désir de vivre.
Jamais je n’oublierai ces instants qui assassinèrent mon Dieu et mon âme, et mes rêves qui prirent le visage du désert.
Jamais je n’oublierai cela, même si j’étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais.

La Nuit, Elie Wiesel, Les Éditions de Minuit, 1958, p. 60.


Textes: Michèle Merowka et Jacques Lefebvre-Linetzky
Mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
   



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