Le 27 janvier 2016 au Lycée
Masséna
Le 18 octobre 2002, les ministres européens de
l’éducation ont adopté la déclaration qui institue une journée de mémoire de
l’Holocauste et de prévention des crimes contre l’humanité. La France a retenu
la date du 27 janvier, anniversaire de la libération du camp
d’Auschwitz-Birkenau, pour cette journée de mémoire.
Rappel lexical
Génocide :
Terme créé en 1944 et repris par l’ONU pour désigner
la volonté d’extermination systématique d’un groupe humain.
Holocauste :
Terme utilisé par les historiens anglo-saxons au
lendemain du procès de Nuremberg.
« Les
deux termes grecs qui ont formé le mot « holocauste » signifient
« je brûle tout ». C'est, en effet, un sacrifice où la victime est
tout entière brûlée, détruite. Le premier chapitre du Lévitique règle
l'ordonnance des holocaustes de gros bétail (veaux), de menu bétail (agneaux,
chèvres), d'oiseaux (pigeons, tourterelles) en spécifiant, s'il s'agit d'un
quadrupède, qu'il importe d'offrir un mâle, et un mâle sans défaut. »
Source : Encyclopédie Universalis
Shoah :
« En hébreu, shoah signifie catastrophe. Ce
terme est de plus en plus employé, de préférence à holocauste, pour désigner
l'extermination des juifs réalisée par le régime nazi. Il suggère un sentiment
d'épouvante religieuse devant l'anéantissement qui fondit soudain sur des
millions d'innocents. »
Source : Encyclopédie Universalis
Le terme s’est imposé grâce au film de Claude
Lanzmann, Shoah, 1985, durée : 10h 13 mn.
Judéocide :
Ce terme ne concerne que l’extermination des Juifs
durant la Seconde Guerre mondiale.
©Jacques Lefebvre-Linetzky
Je me suis rendu au lycée Masséna à la demande de M.
Noël André, professeur d’Histoire avec l’accord de M. Serge Ferrari, proviseur
du lycée. Le proviseur m’a accueilli chaleureusement et a tenu à assister à mon
travail d’analyse auprès des élèves. Étaient également présents, M. Henri Koen,
membre de l’Amejdam et ancien professeur en classes préparatoires, ainsi que Mme
Geneviève Colonna, professeur de Lettres au lycée Masséna. Le public était
constitué de deux classes : une classe de première et une classe de
seconde.
J’ai choisi de présenter aux élèves l’image de l’Enfant
de Varsovie, image emblématique figurant dans le rapport Stroop à la suite de
la destruction du ghetto de Varsovie. Je me suis appuyé sur le travail de
l’historien Richard Raskin qui a publié un ouvrage complet sur cette photographie, intitulé, A Child At Gunpoint, A Case Study in the Life of a Photo, Aarhus
University Press, 2004.
Vous pouvez également consulter le dossier paru dans le blog de l'Amejdam en date du 20 novembre 2014. Cliquez ici
Image empruntée ici
Pourquoi choisir une
photo ?
Le support visuel est déclencheur de prise de parole.
C’est l’élève qui détermine le niveau d’analyse, qui s’exprime en fonction de
ce qu’il sait, qui s’interroge en fonction de ce qu’il ne sait pas et qui fait
preuve d’autonomie par rapport à un support dont il accepte d’emblée la
pertinence. Cette photo pose des problèmes évidents dans la mesure où elle est
devenue le symbole de la barbarie nazie alors qu’elle a été prise par un soldat
nazi pour figurer dans un rapport officiel.
Je me suis bien gardé de donner cette information en début de séance car je préférais que les élèves découvrent par eux-mêmes cette contradiction au fur et à mesure de nos échanges. J’ai également travaillé la mémoire visuelle en faisant disparaître l’image de l’écran. C’est une technique classique, génératrice de prise de parole. Il convient lors de la restitution de sérier les réponses, de séparer ce qui est de l’ordre de la dénotation (information neutre) de ce qui relève de la connotation (information subjective). C’est après avoir fait ce travail de « débroussaillage » que j’ai apporté des informations précises concernant l’histoire de cette photo et l’identité des personnages qui ont pu être identifiés.
Je me suis bien gardé de donner cette information en début de séance car je préférais que les élèves découvrent par eux-mêmes cette contradiction au fur et à mesure de nos échanges. J’ai également travaillé la mémoire visuelle en faisant disparaître l’image de l’écran. C’est une technique classique, génératrice de prise de parole. Il convient lors de la restitution de sérier les réponses, de séparer ce qui est de l’ordre de la dénotation (information neutre) de ce qui relève de la connotation (information subjective). C’est après avoir fait ce travail de « débroussaillage » que j’ai apporté des informations précises concernant l’histoire de cette photo et l’identité des personnages qui ont pu être identifiés.
Les remarques des élèves
Le travail se construit le plus souvent à partir des
remarques des élèves et il est essentiel de ne pas stigmatiser leurs lacunes.
Le support photographique permet de progresser pas à pas. J’ai été très surpris
par la remarque d’un élève en début de séance qui soutenait que l’image de
l’enfant du ghetto ne comportait pas de violence. Il entendait par là qu’il n’y
avait pas de violence apparente.
J'ai été désarçonné par cette remarque, mais je n'en ai rien laissé paraître. Au fil de nos échanges, j’ai compris que ses références se situaient dans un « ailleurs » médiatique ou cinématographique et cela m’a permis de recentrer l’attention du groupe sur l’impact d’une photographie. En effet cette photographie est un instant pris entre un avant et un après. Chacun peu aisément imaginer ce qui s’est passé et ce qui va sûrement se passer. La position centrale de l’enfant, menacé par des hommes en armes, fige un moment de violence. J’ai ensuite encouragé les élèves à relever ce que l’on ne voyait pas ou n’entendait pas. L’absence de sang, le recours au noir et blanc, le fait qu’une image ne restitue pas l’univers sonore, peuvent altérer la perception de la violence. Ainsi le groupe a pu s’interroger sur la notion même de violence véhiculée par une image. C’était aussi une façon détournée de les amener à réfléchir sur les images qu’ils consomment régulièrement.
J'ai été désarçonné par cette remarque, mais je n'en ai rien laissé paraître. Au fil de nos échanges, j’ai compris que ses références se situaient dans un « ailleurs » médiatique ou cinématographique et cela m’a permis de recentrer l’attention du groupe sur l’impact d’une photographie. En effet cette photographie est un instant pris entre un avant et un après. Chacun peu aisément imaginer ce qui s’est passé et ce qui va sûrement se passer. La position centrale de l’enfant, menacé par des hommes en armes, fige un moment de violence. J’ai ensuite encouragé les élèves à relever ce que l’on ne voyait pas ou n’entendait pas. L’absence de sang, le recours au noir et blanc, le fait qu’une image ne restitue pas l’univers sonore, peuvent altérer la perception de la violence. Ainsi le groupe a pu s’interroger sur la notion même de violence véhiculée par une image. C’était aussi une façon détournée de les amener à réfléchir sur les images qu’ils consomment régulièrement.
Découvrir
Ce fut une séance de découvertes. Apport
d’informations au plan historique, comparaison avec d’autres photos
emblématiques, notamment celle prise par Margaret Bourke-White lors de la
libération de Buchenwald en avril 1945.
Pour clore cette séance d'analyse de l'image, j'ai proposé une série de diapositives représentant des tableaux du peintre, Samuel Bak qui a décliné l’image de l’enfant du ghetto avec une force et une sensibilité incomparables.
Pour clore cette séance d'analyse de l'image, j'ai proposé une série de diapositives représentant des tableaux du peintre, Samuel Bak qui a décliné l’image de l’enfant du ghetto avec une force et une sensibilité incomparables.
Image empruntée ici
La séance s’est terminée par la projection du film
d’animation, Seven Minutes in the Warsaw
Ghetto de Johan Oettinger, 2012, primé au festival du fil d’animation d’Annecy
cette même année. J’ai senti une qualité d’attention exceptionnelle lors de la
projection de ce film dont l’intensité dramatique emporte l’adhésion. Le
recours à l’animation crée une distance esthétique tout en magnifiant la charge
émotionnelle.
image empruntée ici
Ce fut pour moi une matinée chargée d’émotions de
toutes sortes. Prendre les élèves par la main et les amener à mieux comprendre
les images auxquelles ils sont confrontés, est une grande satisfaction. Recevoir
en cadeau leur adhésion et leur gratitude, est un moment de grâce pour l’ancien
professeur que je suis et que je reste, malgré tout. Me sentir utile auprès de
mes anciens collègues est aussi un magnifique présent. Enfin, être reçu avec
tant de chaleur par le proviseur du lycée a été un vrai privilège.
© JL+L
Je retourne souvent dans mon ancien lycée. Je
déambule dans les couloirs, je gravis les escaliers, les souvenirs affluent
avec une précision qui m’étonne à chaque fois. Je suis à la fois l’élève qui y
a passé de nombreuses années et le professeur qui a eu le privilège de côtoyer
de merveilleux étudiants.
Lorsque j’étais élève, dans les années soixante,
l’accès au péristyle nous était strictement interdit sous peine de récolter des
« mauvais points ». C’était alors le lieu où se réunissaient les
professeurs aux interclasses. Nous les
regardions de loin, fascinés de constater qu’ils étaient aussi des êtres
humains. À certaines heures, nous étions autorisés à sortir par la porte
principale et donc, exceptionnellement, nous traversions cette zone interdite,
un peu anxieux, mais heureux de partager cet espace réservé à ces personnages
que nous admirions et redoutions. Bien plus tard, lorsque j’ai obtenu ma mutation pour le lycée
Masséna, c’est avec une certaine fébrilité que j’ai traversé le péristyle.
© JL+L
Des plaques ornent les murs. Une plaque honore les jeunes lycéens tués à Saint-Julien-du-Verdon. De plus récentes ont
été apposées par l’Amejdam grâce à l’action de Henri Koen, professeur de
mathématiques en classes préparatoires. Vingt noms figurent sur celle qui se trouve à l'intérieur du lycée, vingt noms d'élèves morts en déportation parce qu'ils étaient nés juifs.
Le péristyle est un lieu de passage, les plaques sont en évidence. Je me demande souvent si les élèves les remarquent, s’il leur arrive de faire une pause et de lire les noms de ces élèves trop tôt disparus. Une seconde plaque a été apposée à l’extérieur du lycée, juste derrière l’olivier de la paix.
Le péristyle est un lieu de passage, les plaques sont en évidence. Je me demande souvent si les élèves les remarquent, s’il leur arrive de faire une pause et de lire les noms de ces élèves trop tôt disparus. Une seconde plaque a été apposée à l’extérieur du lycée, juste derrière l’olivier de la paix.
© JL+L
Lire les noms, arrêter quelques instants le cours du
quotidien, méditer en silence, c’est une façon de s’approprier le passé pour
mieux le transmettre.
© JL+L
Texte et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
Admirable narrateur !
RépondreSupprimermerci Jacques pour ce travail de memoire. Robert
Je me doute que toute cette journée a été très emouvante et enrichissante pour tout le monde. il faut continuer ce travail de mémoire indispensable que tu transmets de façon remarquable.
RépondreSupprimerSolange Z
Un grand merci pour ce "compte rendu" à la fois professionnel, pédagogue, curieux d'étymologie indispensable pour comprendre l' immense hécatombe.
RépondreSupprimerJ'ai particulièrement apprécié que se greffe sur les faits objectifs un relation confiante et chaleureuse avec tes étudiants.
Merci aussi pour ton sang froid dans certaines situations délicates, pour ta générosité qui te caractérise entièrement, et le zeste de nostalgie pour les lieux qui nous ont marqués, notamment le lycée Masséna ( où je suis passée moi aussi pour le concours HEC et Propédeutique).
Tes élèves ont eu bien de la chance de t'avoir eu comme prof, et tes amis de t'avoir comme ami !
Bises affectueuses et reconnaissantes
Colette Guedj
Colette Guedj
Magnifique comme toujours....
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