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dimanche 5 février 2017

SAUVER AUSCHWITZ? LA GUERRE DES MÉMOIRES



L'ombre d'Auschwitz… 


Image empruntée ici
Auschwitz © Maxppp / Armin Weigel

Le 27 janvier dernier, comme chaque 27 janvier, l’ombre d’Auschwitz a plané sur le monde – le camp fut libéré par les troupes soviétiques le 27 janvier 1945. Comme chaque année, les médias se sont fait l’écho de cet anniversaire. Le mardi 24 janvier, Arte a diffusé de nombreux documentaires dont un document particulièrement intéressant, intitulé, « Sauver Auschwitz ? » - le point d’interrogation est essentiel. Le « pourquoi » relève de l’évidence, mais le « comment » reste à inventer au fil des années, de génération en génération.

Cette même semaine, France 3 Côte d’Azur a consacré une série de reportages aux Voyages de la Mémoire organisés par le Département des Alpes Maritimes depuis 13 ans. Le visage ému de ces collégiens contrastait avec l’alacrité des touristes qui se rendent sur le site pendant les mois d’été. C’était réconfortant de lire sur ces visages d’enfants un tel recueillement, une telle gravité.


Sauver Auschwitz ? (2017) 
un documentaire de Jonathan Hayoun

Avec le soutien de la Fondation Pour la Mémoire de la Shoah.
Une production Effervescence
Pour consulter le site, cliquez ici 



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Un lieu de cendres et de boutiques à souvenirs

Auschwitz est un lieu que l’on visite, un lieu de cendres et de boutiques à souvenirs. Les cars déversent leurs lots de touristes inlassablement, des parkings ont été aménagés pour permettre aux voitures de se garer bien sagement. On y vient en famille, une glace à la main… Il est pourtant interdit de manger, de mâcher du chewing-gum, de photographier, mais comment surveiller pareil espace ?
Non loin des anciennes chambres à gaz, de coquettes petites maisons ont été construites. Ironiquement, on songe à la résidence du commandant du camp, Rudolf Höss, si proprette, à deux pas de l’horreur lorsque l’usine de la mort fonctionnait à plein régime.

Le réalisateur du film, Jonathan Hayoun, raconte Auschwitz depuis sa libération en janvier 1945.


Pour voir la présentation du film, cliquez ici



Marceline Loridan-Ivens
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 Au fil des années

Au lendemain de la guerre, il y a eu les chercheurs d’or, les pilleurs en quête de vestiges ou de bois pour se chauffer. Ensuite, le premier ministre polonais, Jozef Cyrankiewicz, à la botte du régime soviétique, voulut en faire un lieu dédié aux martyrs polonais alors que 90 % des victimes étaient juives. On effaçait les cendres, en quelque sorte, mais peut-on effacer des cendres ? Plus tard, en 1984, huit carmélites s’installèrent dans un bâtiment situé à l’intérieur du camp. Les carmélites ne quittèrent les lieux qu’en 1993 après de nombreuses années de polémiques. Toujours dans les années 1980, les négationnistes vinrent fouiller les lieux afin de trouver quelque justification à leurs ignobles pseudo théories.
Enfin et c’est malheureusement toujours d’actualité, la municipalité délivre de surprenants permis de construire sur des terrains ou moururent des milliers de personnes.

Le film de Jonathan Hayoun rend hommage à celles et ceux qui ont lutté pour que ce lieu continue de vivre – étrange expression pour un lieu de mort.
Alors que tout n’était que ruines, dix anciens prisonniers politiques se sont installés à Auschwitz afin d’empêcher les pilleurs de saccager le camp. En 1947, un pillard fut exécuté.
Cette même année, Auschwitz-Birkenau devient musée d’État. Jozef Cyrankiewicz (1911-1989), ancien déporté à Auschwitz (1942), puis à Mauthausen, a tout d’abord pesé afin que la mémoire du lieu  soit sauvegardée. Il est par la suite l’un des principaux artisans du ralliement des socialistes polonais au parti communiste. Il choisit alors de faire du camp un mémorial dédié au martyr des Polonais et des Soviétiques.

Le pape Jean-Paul II s’est rendu à Auschwitz en 1979. Il a salué l'action d'Édith Stein, philosophe convertie au catholicisme. Devenue carmélite, elle fut assassinée à Auschwitz. Tout d’abord favorable à l’installation des Carmélites, Jean-Paul II finit par les convaincre individuellement de quitter les lieux.
L’affaire du Carmel a suscité un grand émoi de par le monde, de même que les ouvrages des négationnistes. L’État d’Israël a donc décidé d’organiser des « marches de la vie » destinées à sensibiliser les jeunes générations.



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À la fin des années 1990, L’historien Marcello Pezzetti découvre l’emplacement du tout premier bunker d‘extermination. Une maison y a été construite sur les lieux mêmes. Le président du Crif, Richard Prasquier, achète le terrain, cède la maison au musée qui la rase et installe à la place trois stèles auxquelles on n’a pas accès…


Serge et Beate Klarsfeld parviennent à retrouver la trace de la « Judenrampe ». La Fondation pour la Mémoire de la Shoah en finance la réhabilitation.


Simone Veil , Jacques Chirac et Serge Klarsfeld lors de l'inauguration de la Judenrampe réhabilitée, le 27 janvier 2005

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Pour voir un extrait du film de Jonathan Hayoun, cliquez ici

Le film de Jonathan Hayoun est remarquable de rigueur. C’est un document pédagogique indispensable en ces temps où les esprits se brouillent et s’embuent. 


Extrait du discours d'Imre Kertéz à Stockholm
 le 10 décembre 2002


Imre Kertéz (1929-2016)
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"À présent il faut réfléchir au moyen d'aller plus loin. Le problème d'Auschwitz n'est pas de savoir s'il faut tirer un trait dessus ou non, si nous devons en garder la mémoire ou plutôt le jeter dans le tiroir approprié de l'histoire, s'il faut ériger des monuments aux millions de victimes et quel doit être ce monument. Le véritable problème d'Auschwitz est qu'il  a eu lieu, et avec la meilleure ou la plus méchante volonté du monde, nous ne pouvons rien y changer. En parlant de « scandale », le poète hongrois catholique János Pilinszky a sans doute trouvé la meilleure dénomination de ce pénible état de fait ; et par là, il voulait à l'évidence dire qu'Auschwitz a eu lieu dans la culture chrétienne et constitue ainsi pour un esprit métaphysique une plaie ouverte."

Imre Kertéz, prix Nobel de littérature 2002. 

Articles à consulter

À Auschwitz, la mémoire étouffée par le tourisme de masse, Télérama, 14/12/ 2011.Cliquez ici

Alain Finkielkraut : « Respecter Auschwitz, c’est ne plus s’y rendre », Télérama, 14/12/2011. Cliquez ici

Véronique Chemla, Sauver Auschwitz ? par Jonathan Hayoun, Blog Véronique Chemla. Cliquez ici

Mark Epstein et Anna Husarska, Comment on tente de sauver Auschwitz de l’oubli, L’Express, 31/01/2015. Cliquez ici


Texte et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky

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