De sinistres vieillards
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Ils sont âgés, fragiles, voûtés,
amoindris, rapetissés par les ans. Ils arrivent au tribunal en chaise roulante.
Ils ont plus de 90 ans. Ils avaient donc à peu près 20 ans au moment où ils ont
sévi. On a du mal à les imaginer jeunes, vigoureux, cyniques, aboyeurs, brutaux,
sanguinaires et pourtant, ils étaient bien présents et actifs au sein de la
machine d’extermination nazie.
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D’aucuns diront qu’ils n’étaient que
des sous-fifres, des subalternes, mais sans eux, l’industrie de la mort se
serait enrayée. On se demande comment ils ont pu vivre une vie
« normale » pendant 70 ans et plus. En fait, on sait comment cela se
passe. Il suffit de se réfugier dans le déni, il suffit de se dire que l’on
obéissait aux ordres et ainsi on efface toute responsabilité. On n’est qu’un
pion, on redevient banal, sans uniforme.
Rares sont ceux qui se sont effondrés
lors de leur procès ; la majorité d’entre eux n’a jamais montré le moindre
signe de remords. Âgés, rabougris, ils assistent à leur procès sachant qu’ils
n’iront vraisemblablement pas en prison ; certains meurent peu de temps
après avoir été condamnés.
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@ SIMON WIESENTHAL CENTER/Jim Mendenhall
La traque
Comme chacun le sait, c’est Simon
Wiesenthal, mort en 2005, qui a initié la chasse aux anciens nazis de par le
monde. En France nous avons Beate et Serge Klarsfeld. À propos, ne manquez pas
l’exposition en leur honneur qui se tient à la Villa Masséna à Nice jusqu’au 27
janvier 2019.
©JL+L 2018
Le Centre Simon Wiesenthal est
désormais géré par Efraïm Zuroff, un historien israélien d’origine américaine,
né en 1948.
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Il a sillonné le monde entier pour traquer d’anciens nazis. Il s'est rendu en Australie, au Canada, en Grande-Bretagne, dans les pays d’Europe de l’Est, en
Lituanie, en Estonie, en Lettonie. C’est lui qui a permis l’arrestation de
Dinko Sakic lequel a passé plus de 50 ans de sa vie, tranquille, en Argentine.
Condamné à 20 ans d’emprisonnement en 1998 à Zagreb (ex Yougoslavie), il a été
le premier ancien nazi condamné dans un pays jadis membre du bloc communiste. Il
est resté 10 ans en prison et il est mort en 2008 des suites de problèmes
cardiaques.
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Zuroff a publié de nombreux ouvrages
décrivant son travail, notamment, Chasseur
de nazis, publié aux éditions Michel Lafon en 2008. En 2002, il a lancé
l’opération Last Chance (Dernière chance) qui offre une
récompense de 10 000 dollars à toute personne dont le témoignage permet l’arrestation d’un
criminel nazi.
L’opération a tout d’abord concerné la
Lituanie, l’Estonie et la Lettonie en 2002. En 2003, ce fut le tour de la Pologne,
de la Roumanie et de l’Autriche. En 2004, l’opération fut lancée en Croatie et
en Hongrie, puis en Allemagne en 2005.
En 2008, la récompense a été portée à 25 000 dollars.
L'ancien garde du camp de Sobibor, John Demjanjuk, a été condamné en 2011 à cinq ans de prison. Il est mort un an plus tard à l'âge de 91 ans. Son cas a crée un précédent en Allemagne, car le fait d'avoir travaillé dans un camp de concentration s'est avéré alors une charge suffisante pour accuser un ancien garde de complicité de meurtres.
Jamais trop tard
L'ancien garde du camp de Sobibor, John Demjanjuk, a été condamné en 2011 à cinq ans de prison. Il est mort un an plus tard à l'âge de 91 ans. Son cas a crée un précédent en Allemagne, car le fait d'avoir travaillé dans un camp de concentration s'est avéré alors une charge suffisante pour accuser un ancien garde de complicité de meurtres.
Lors de son procès,
Demjanjuk a nié les faits en bloc et
affirmé avoir été capturé en 1942 alors qu'il servait dans l'Armée Rouge.
Il maintenait
qu’il avait passé le restant de la guerre dans des camps de prisonniers avant
d'émigrer aux États-Unis où il avait travaillé dans des chaînes de montage
d'automobiles à Cleveland (Ohio) et élevé trois enfants.
En 2012, Laszlo Csatary, le criminel nazi le plus recherché au monde, a été retrouvé grâce à l'opération Last Chance. Il se cachait dans son pays d'origine, la Hongrie.
Après la défaite de l'Allemagne, Laszlo Csatary s'est enfui au Canada sous une fausse identité où il est devenu marchand d'art. En 1997, sa véritable identité a été découverte et il a quitté le Canada. Il s'est volatilisé pendant 15 ans. Cet ancien chef de la police de Kosice, petite ville de Hongrie à l'époque, a été accusé de complicité dans la déportation de 15 700 Juifs. Il est mort en 2013 sans avoir été jugé alors qu'il avait été condamné à mort par contumace en 1948.
En 2012, Laszlo Csatary, le criminel nazi le plus recherché au monde, a été retrouvé grâce à l'opération Last Chance. Il se cachait dans son pays d'origine, la Hongrie.
Après la défaite de l'Allemagne, Laszlo Csatary s'est enfui au Canada sous une fausse identité où il est devenu marchand d'art. En 1997, sa véritable identité a été découverte et il a quitté le Canada. Il s'est volatilisé pendant 15 ans. Cet ancien chef de la police de Kosice, petite ville de Hongrie à l'époque, a été accusé de complicité dans la déportation de 15 700 Juifs. Il est mort en 2013 sans avoir été jugé alors qu'il avait été condamné à mort par contumace en 1948.
En 2013, Zuroff a lancé une deuxième
campagne, intitulée Last Chance 2 (Dernière chance, épisode 2). Cette
campagne avait pour slogan, « Spät Aber Nicht Zu Spät » (Tard, mais
pas trop tard). 2000 affiches ont été placardées dans les rues de Berlin,
Hambourg et Cologne. La récompense a été portée à 25 000 dollars.
En 2016, Reinhold Hanning, 94 ans, un
ancien gardien d’Auschwitz a été jugé dans la petite ville de Detmold en
Allemagne pour complicité du meurtre de 170 000 personnes. Déclaré
coupable, il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement. Il est décédé une année
plus tard sans jamais avoir passé un seul jour en prison car ses avocats
avaient fait appel du jugement en 2016.
En septembre 2017, Hubert Zafke, un
ancien infirmier SS âgé de 96 ans, accusé d’être coresponsable du meurtre de
3681 personnes, n’a pas été poursuivi en raison de son état de santé. Le
tribunal de Neubrandenbourg a annoncé la fin des procédures après la
présentation d’un rapport d’experts psychiatres estimant que le nonagénaire ne
pouvait être jugé en raison de sa démence.
Oskar Gröning, dit "le comptable d'Auchwitz", condamné à quatre ans de prison en 2015, a multiplié les recours pour éviter d'être incarcéré. Il est mort à l'âge de 96 ans en mars 2018 sans avoir passé un jour en prison.
En août 2018, l'Allemagne a accepté de recevoir sur son sol un ancien garde SS de 95 ans expulsé des États-Unis (car il y était entré sous une fausse identité). Il s'agit de Jakiw Plalij qui vivait à New-York depuis 1949. Il avait été auxiliaire SS dans le camp de travail forcé de Trawniki (Trawniki est un village situé à une quarantaine de kilomètres à l'est de Lublin en Pologne) dans lequel plus de 6000 Juifs ont été exterminés. Dès son arrivée en Allemagne, Plajil a été admis dans une maison de retraite en raison d'un imbroglio judiciaire.
Oskar Gröning, dit "le comptable d'Auchwitz", condamné à quatre ans de prison en 2015, a multiplié les recours pour éviter d'être incarcéré. Il est mort à l'âge de 96 ans en mars 2018 sans avoir passé un jour en prison.
En août 2018, l'Allemagne a accepté de recevoir sur son sol un ancien garde SS de 95 ans expulsé des États-Unis (car il y était entré sous une fausse identité). Il s'agit de Jakiw Plalij qui vivait à New-York depuis 1949. Il avait été auxiliaire SS dans le camp de travail forcé de Trawniki (Trawniki est un village situé à une quarantaine de kilomètres à l'est de Lublin en Pologne) dans lequel plus de 6000 Juifs ont été exterminés. Dès son arrivée en Allemagne, Plajil a été admis dans une maison de retraite en raison d'un imbroglio judiciaire.
Zuroff a salué les efforts de
l’Allemagne, mais a regretté le fait que plusieurs pays, notamment l’Ukraine,
de même que la Norvège et la Suède, refusent d’entamer des actions en justice à
l’encontre d’anciens collaborateurs des nazis.
Johann
Rehbogen, un ancien gardien du camp nazi de Stutthof (camp proche de Dantzig - Gdansk, Pologne), est jugé en ce moment au
tribunal de Munster, en Allemagne. Il a exprimé sa honte d’avoir été SS. Âgé de moins de 21 ans au moment des faits, il
a affirmé n’avoir rien su du sort réservé aux Juifs.
Serge Klarsfeld à la Villa Masséna, Nice, nov.2018
©JL+L 2018
Faut-il juger les derniers
criminels nazis ? Le point de vue de Serge Klarsfeld (2016) recueilli par
Laurent Ribadeau pour franceinfo.
Extraits
De tels jugements ont-ils
encore un sens plus de 70 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale ?
Il y a 40-50 ans, la société allemande, composée de personnes qui avaient vécu
le nazisme, ne voulait pas qu’on juge les criminels de cette période. Elle
n’avait pas conscience des crimes commis contre les juifs. Les juges se sont
donc montrés dociles vis-à-vis d’elle et des pouvoirs publics allemands. Alors
qu’à cette époque vivaient encore des criminels importants pour lesquels on
pouvait trouver des témoins et des documents. Aujourd’hui, la situation a
changé. La société allemande a pris conscience des crimes commis pendant la
période nazie, et elle les assume. Elle entretient une amitié solide avec
Israël, elle paye des réparations pour les survivants de l’Holocauste. Elle
l’assume aussi du point de vue des criminels. C’est ainsi que se trouvent
impliqués des gens très âgés, qui avaient entre 17 et 24 ans au moment des
faits et occupaient des fonctions subalternes. (…)
Précisément sur quels
fondements juridiques la justice allemande se base-t-elle ?
Ils ont changé. Avant le procès Demjanjuk en 2009, les accusés étaient jugés pour leur implication personnelle dans les faits incriminés. Mais depuis ce procès, il suffit, pour les juger, qu'ils aient appartenu à une organisation criminelle. On n'a plus à prouver leur implication personnelle. Ils sont automatiquement accusés sauf s'ils réussissent à prouver leur innocence. Demjanjuk a fait appel de sa condamnation, mais il est mort (en mars 2012, avant que la Cour fédérale (Bundesgerichtshof, plus haute instance judiciaire en Allemagne) ne rende sa décision et ne donne son point de vue sur les fondements juridiques de ce type de procès. Le fait que les Allemands veuillent juger les anciens criminels nazis est positif. Le problème, c'est que cela se fait sans preuve et ne relève ps des principes d'une justice équitable. On s'intéresse ainsi à des gens qui ont occupé des fonctions subalternes, comme des gardiens de camp, pour des faits pour lesquels il existe très peu de témoins survivants.Et si l'on en trouve encore, ceux-ci ont souvent une mémoire défaillante. Il manque aussi des preuves écrites en raison de caractère subalterne des personnes incriminées. (...)
Quelle conclusion en tirez-vous?
On assiste aujourd’hui à
la fin d’un processus, avec des accusés très âgés, qui ont parfois plus de 95
ans. C’est un processus maladroit qui va continuer jusqu’à la disparition des
dernières personnes impliquées. Dans ce contexte, l’évolution de ces affaires
ne peut pas donner une pleine satisfaction à ceux qui veulent voir des
jugements aboutir. Il en restera toujours un sentiment de malaise.
Pour lire l'intégralité de l'entretien, cliquez ici
Une série d'émissions passionnante
L'été dernier, France Culture a diffusé une série d'émissions intitulée Chasseurs de nazis, écrite par Michel Pomarède et réalisée par Jean-Philippe Navarre. (Fr., 2018,
40 × 10 min).
Pour écouter l'émission consacrée à Efraïm Zuroff, cliquez ici.
Pour découvrir la "méthode Klarsfeld", cliquez ici
La traque des criminels nazis, Serge et Neate Klarsfeld, Flammarion, 2015.
Mémoires, Serge et Beate Klarsfeld, Flammarion, 2015.
Tous les espions sont des princes: la véritable histoire des services secrets israéliens, Dan Raviv et Yossi Melman, Stock, 1991.
Chasseur de nazi, Efraïm Zuroff, Michel Lafon, 2008.
Apocalypse - Hitler
La traque des nazis 1,
Isabelle Clarke & Daniel Costelle, 2011.
Pour voir le film, cliquez ici
Apocalypse - Hitler
La traque des nazis 2,
Isabelle Clarke & Daniel Costelle, 2011.
Pour voir le film, cliquez ici
Pour écouter l'émission de l'AMEJDAM, Au nom des enfants, cliquez ici
Texte et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
Bibliographie
La traque des criminels nazis, Serge et Neate Klarsfeld, Flammarion, 2015.
Mémoires, Serge et Beate Klarsfeld, Flammarion, 2015.
Tous les espions sont des princes: la véritable histoire des services secrets israéliens, Dan Raviv et Yossi Melman, Stock, 1991.
Chasseur de nazi, Efraïm Zuroff, Michel Lafon, 2008.
Un film
Apocalypse - Hitler
La traque des nazis 1,
Isabelle Clarke & Daniel Costelle, 2011.
Pour voir le film, cliquez ici
Apocalypse - Hitler
La traque des nazis 2,
Isabelle Clarke & Daniel Costelle, 2011.
Pour voir le film, cliquez ici
Pour écouter l'émission de l'AMEJDAM, Au nom des enfants, cliquez ici
Texte et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky
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