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mercredi 21 novembre 2018

ROBERT BADINTER RACONTE IDISS












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Un homme d'exception

Robert Badinter est né à Paris en 1928. Ses parents venaient du Yiddishland et avaient fui les pogroms qui sévissaient en Bessarabie et en Ukraine, entre autres. Son père, Simon Badinter, a été arrêté à Lyon le 9 février 1943 et a été déporté au camp d'extermination de Sobibor le 25 mars 1943. Il n'en est pas revenu. 
Robert Badinter est un éminent avocat, il a été ministre de la Justice, professeur de droit et président du Conseil constitutionnel. Un parcours impeccable, une stature d’homme d’État, une voix qui compte dans un pays en quête de repères. Rares sont les avocats qui ont réussi à ce point une carrière politique. 
C’est aussi un intellectuel, un écrivain, un homme d'action et de réflexion, en somme. Il est surtout connu pour son combat en faveur de l’abolition de la peine de mort. 






Extrait du discours de Robert Badinter pour l'abolition de la peine de mort, le 17 septembre 1981:
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France. En cet instant, dont chacun d'entre vous mesure la portée qu'il revêt pour notre justice et pour nous, je veux d'abord remercier la commission des lois parce qu'elle a compris l'esprit du projet qui lui était présenté et, plus particulièrement son rapporteur, Monsieur Edmond Forni, non seulement parce qu'il est un homme de cœur et de talent mais parce qu'il a lutté dans les années écoulées pour l'abolition. Au-delà de sa personne et comme lui, je tiens à remercier tous ceux, quelle que soit leur appartenance politique qui, au cours des années passées, notamment au sein des commissions des lois précédentes, ont également œuvré pour que l'abolition soit décidée, avant même que n'intervienne le changement politique majeur que nous connaissons. Cette communion d'esprit, cette communauté de pensée à travers les clivages politiques montrent bien que le débat qui est ouvert aujourd'hui devant vous est d'abord un débat de conscience et le choix auquel chacun d'entre vous procédera l'engagera personnellement. Raymond Forni a eu raison de souligner qu'une longue marche s'achève aujourd'hui. Près de deux siècles se sont écoulés depuis que, dans la première assemblée parlementaire qu'ait connue la France, Le Pelletier de Saint-Fargeau demandait l'abolition de la peine capitale. C'était en 1791. Je regarde la marche de la France. La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l'éclat des idées, des causes, de la générosité qui l'ont emporté aux moments privilégiés de son histoire.

Source, voir lien ici
Ministre de la Justice de François Mitterrand de 1981 à 1986, Robert Badinter fait voter la suppression de la Cour de sûreté de l'État et celle des tribunaux permanents pour les forces armées. Il est à l'initiative de la dépénalisation de l'homosexualité et il a œuvré en faveur d'un droit au recours individuel devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Président du Conseil constitutionnel pendant 9 ans, de 1986 à 1995, il a transformé cette institution en une véritable juridiction constitutionnelle. 
Parallèlement à ces activités, Robert Badinter a mené une vie intellectuelle foisonnante : universitaire, écrivain et historien. 
Il a écrit des ouvrages liés à son combat contre la peine de mort (L’Exécution, 1973), il a participé à des projets consacrés à l’histoire de la justice, il s’est intéressé à la Révolution française et à l’antisémitisme ordinaire sous le régime de Vichy. Il est également l’auteur, avec son épouse Élisabeth Badinter, d’une biographie consacrée à Condorcet.
Il vient de publier aux éditions Fayard, le récit de la vie de sa grand-mère, Idiss. C’est un hommage à cette femme qui a tant compté pour lui, un chant d’amour, un texte tendre et pudique, une écriture limpide…



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Idiss

C'est un livre que l'on ne peut pas classer aisément. L'intention n'est pas de se situer dans le cadre de Mémoires dont le contenu est souvent une glorification de son auteur. Ce n'est pas non plus la biographie complète d'une héroïne familiale. C'est, selon les termes utilisés par Robert Badinter lui-même, un "geste", "un geste vers son enfance, un geste vers ses parents". Le contenu est dense, mais il a l'élégance aérienne d'un geste maîtrisé. 

L'homme d'État regarde son enfance et célèbre l'amour qu'il a reçu de sa famille et de sa grand-mère Idiss, en particulier. Il y a quelque chose de juvénile dans l'écriture qui emporte l'adhésion au fil des pages. 



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Idiss a quitté la Bessarabie, aujourd'hui la Moldavie, à l'orée du siècle; elle a quitté son shtetel pour se rendre en France, à Paris, au pays de la liberté; elle a fui les pogroms pour offrir un avenir à ses enfants. 




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Robert Badinter raconte l'histoire de sa famille, son intégration dans la société française, son farouche attachement aux valeurs de la République. 

Idiss était illettrée, elle s'exprimait mal en français qu'elle mélangeait au russe, ce qui donnait un sabir savoureux, mais difficilement compréhensible. Sa langue, c'était le yiddish

L'intégration de la famille s'est faite grâce aux enfants et grâce au dévouement des maîtres d'école, ces "militants de l'école laïque" comme le dit justement Robert Badinter. 
Ce livre est un chant d'amour adressé à Idiss, un chant d'amour adressé à sa mère, Charlotte, un chant d'amour adressé à son père, Simon, disparu dans l'enfer de la monstruosité nazie. 

Vous l'aurez compris, il est urgent de lire ce récit qui, à bien des égards, est imprégné d'une force comparable au roman de Roger Ikor, Les eaux mêlées, paru en 1955. 


Quelques extraits

Une nouvelle vie

"Iddis s'était rapidement faite à cette vie urbaine, si différente de celle du shtetle. Quittant rarement le quartier, parlant le plus souvent aux voisins venus de toutes les régions du Yiddishland et fréquentant les boutique casher, le dépaysement n'était pas trop éprouvant. Comme elle avait l'esprit curieux, elle n'hésitait pas l'après-midi à gagner avec une voisine plus "parisienne", disait-elle, les Grands Boulevards." 
p. 52.

La cuisine

Idiss avait conservé les recettes de la cuisine ashkénaze. Les dîners du vendredi soir qui rassemblaient la famille étaient pour elle autant une joie qu'une épreuve. Une joie parce que ses enfants et ses petits-enfants étaient réunis autour d'elle, et une épreuve car son tempérament inquiet trouvait matière à s'exercer, même à la table familiale. Aussi, connaissant la nature anxieuse d'idiss, chacun s'extasiait sur le bouillon de poule ou le gâteau au fromage. 

p. 104.

La catastrophe

La victoire allemande fut ressentie comme une catastrophe. Je la voyais tous les soirs, au coucher du soleil, regagner sa chambre pour y prier l'Éternel. Elle n'était pas bigote, mais elle croyait au Dieu des Juifs, en Jéhovah. Ainsi s'adressait-elle à Lui. Elle le suppliait de tout son cœur usé de sauver sa famille du désastre où elle voyait la France s'engloutir. 
p. 159.


Robert Badinter, Idiss, Éditions Fayard, 2018 



L'article de Cathie Fidler

Vous pouvez également lire l'article de Cathie Fidler paru sur le webmagazine Jewpop et intitulé: Idiss de Robert Badinter ou la force de l'amour. Il vous suffit de cliquer ici.



Pour écouter l'émission de l'AMEJDAM consacrée à Robert Badinter, rendez vous sur RCN et cliquez ici.




Texte et mise en page: Jacques Lefebvre-Linetzky








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