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lundi 1 avril 2019

GRANDMA'S PROJECT : PAS QUE POUR LES GRANDS-MÈRES

Image empruntée sur ce site

Lors de notre dernière émission sur RCN 89.3, nous avons eu le plaisir d'interviewer Jonas Parienté, sur son projet passionnant, intitulé Grandmas's project – en français "Le projet grand-mère" –, et nous allons  transcrire l'essentiel de cet entretien téléphonique ici.

Photo prise sur le site d'Europe 1


Mais tout d'abord, qui est Jonas Parienté ? 

Il est né à Chatenay-Malabry, près de Paris, il y a 35 ans. Il a exercé toutes sortes de petits métiers, dont certains dans la restauration et la boulangerie. Il est aussi titulaire d’une maîtrise de sociologie, ce qui n'est pas anodin au regard de son projet en cours. Il a étudié l’art du documentaire et des nouveaux media à New-York, à Hunter College plus précisément, entre 2005 et 2006. Il crée Chaï Chaï films il y a dix ans, et vit actuellement à Paris. 

Nous l'avons découvert grâce à une interview entendue sur Europe 1 au début de ce mois, et ensuite en regardant divers clips video le concernant, visibles sur internet, et sur les réseaux sociaux. Certains groupes juifs sur Facebook n'ont pas manqué de repérer les petits films dont nous allons parler, tant ils sont touchants pour nous – qui sommes si épris de transmission et de traditions, que nous soyons grands-parents ou pas, d'ailleurs. 

Grandma's project est en fait ce qui s'appelle une web-série, filmée par divers réalisateurs. Leur point commun  est essentiel : chacun (e) filme une grand-mère en train de préparer une de ses recettes emblématiques tout en discutant avec son petit-fils ou sa petite-fille. 
Alors, bien entendu, nous avons eu envie d'en savoir davantage sur ce qui est derrière ce projet, d'où nos questions à Jonas Parienté, et ses réponses, ci-dessous. 

On imagine que c'est une relation particulière avec votre (ou vos) propres grand-mères qui vous a donné l'idée de ce projet. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? 

Vous avez raison, c’est évidemment l’amour que j’ai tissé avec mes grands-mères qui a inspiré ce projet. En fait avant d’élaborer ce projet dans sa forme actuelle, j’avais il y a une quinzaine d’années de cela, filmé mes deux grands-mères, avec l’idée de faire un film sur elles, pour parler à la fois de leurs différences, puisque ma grand-mère paternelle était juive égyptienne et ma grand-mère maternelle juive polonaise, et donc je voulais raconter l’histoire de ma famille à travers leur histoire personnelle, tout en mélangeant leur univers personnel au sein d’un même film, puisque cela correspondait à l’identité de ma famille, moitié séfarade, moitié ashkénaze, avec encore une fois des différences quand même très exacerbées, notamment dans la cuisine, mais aussi quelques traits communs, bien évidemment – et c’est quelques années plus tard, en repensant à ce projet que je n’ai pas pu faire aboutir parce que ma grand-mère maternelle est décédée, en y repensant, à cette envie que j’avais de raconter l’histoire de ma grand-mère à travers les différences dans la cuisine, que j’ai pensé à inviter d’autres réalisateurs à faire une sorte d’œuvre collective, où chacun viendrait mettre sa pierre à l’édifice, et donc chaque pierre serait un film… sur sa propre grand-mère. 

Comment procédez-vous pour mener à bien ce projet ? Comment trouvez-vous les volontaires, et où ? 

Alors, actuellement en ligne il y a onze films qui ont été  "publiés", on en a encore trois qui sont en cours de finalisation, et ces films constituent ce que j’ai appelé  "une première saison", (même si c’est autoproduit et qu’on n’a pas d’entité derrière qui nous oblige à considérer que c'est une saison 1, ou une saison 2), et pour cette "saison 1" on a eu deux approches. D’une part j’ai commencé par proposer à des gens autour de moi que je connaissais, et qui étaient réalisateurs de participer, puisqu’au début le projet était une simple idée, et j’avais besoin de tester cette formule avec d’autres réalisateurs pour voir si vraiment ça racontait quelque chose, donc j’ai demandé à un ami qui vit au Brésil, à une amie dont la grand-mère est croate, et à un autre réalisateur encore dont la grand-mère est bretonne, s’ils voulaient bien faire les premiers films en même temps que moi, pour voir si justement le fait de faire tous ces films avec le même format de 8 minutes racontait quelque chose. J’ai été très heureux du résultat puisque chaque film est assez différent et en même temps on sent bien qu'il y a chaque fois cette intimité entre le petit-fils ou la petite-fille et la grand-mère, qui fonctionne très bien et rend les films très attachants. J’ai donc eu envie de prolonger l’aventure, et là, ce que j’ai fait dans une seconde phase, c’est de faire un appel à réalisateurs sur internet, assez largement relayé, d'autant qu'en 2016 j’avais obtenu le patronage de l’UNESCO pour le projet, ce qui m’a permis de bien faire la publicité de l’appel à réalisateur. C’était un formulaire de candidature en ligne, et j’ai reçu une centaine de propositions d’un peu partout dans le monde, et j’avais constitué un jury, qui a sélectionné 8 films parmi ces candidatures. 

Vous visez le monde entier. Vous avez donc déjà tourné dans de nombreux pays, quels enseignements en avez-vous tiré ? Est-ce pour montrer que la cuisine est fédératrice et est-ce que cela permet de lutter contre les préjugés, ou le racisme ? 

Implicitement… un petit peu, mais je ne peux pas dire que le message porté par le projet soit celui-là de manière explicite, ou en tous cas de manière frontale, parce que… c’est sûr, c’est un projet qui implicitement montre bien toutes les passerelles culturelles qui existent de par le monde, d’autant plus qu’au 20èmesiècle et à la fin du 20èmesiècle beaucoup de familles se sont déplacées. Les petits-enfants n’habitent pas les mêmes villes ou les mêmes pays que leurs grands-parents ; il y a forcément des brassages et des métissages qui se retrouvent dans l’assiette, donc on va dire que le projet ne porte pas un message politique aigu, en revanche c’est un projet très universaliste qui justement vise à montrer l’humanité dans son ensemble, en montrant bien ce qu’ l’on a en commun, et, en l’occurrence la transmission d’une recette de cuisine par une grand-mère à son petit enfant, c’est quelque chose d’extrêmement universelle, et pour avoir fait des films, comme vous l’avez souligné, sur des continents différents, de l’Inde au Brésil en passant par les Etats-Unis ou l’Europe, ou l’Afrique du nord par exemple, concrètement, c’est plus ou moins la même histoire, c’est des histoires d’amour, c’est des histoires d’identité, et ça finalement, la religion ou la culture, ou l’ethnie, ne changent rien à ça. 

Ce sont vos deux thèmes de prédilection, finalement, n’est-ce pas… L’identité…

L’identité, c’est sûr. Et le deuxième serait ? 

La migration ? Les mouvements de population ? 

Euh, oui, c’est vrai aussi ! La cuisine en est un autre, mais du coup c’est un projet qui vient incarner beaucoup de mes sujets de fascination. 

Et le partage, qui est essentiel à l’acte de cuisiner ?

Oui, tout à fait. C’est un projet qui porte deux élans de partage. L’élan de partage des grands-mères et des petits-enfants qui s’échangent et partagent une recette et toute l’histoire que ça charrie, parce que, comme vous l’avez bien dit au début, on n’est pas un marmiton des grands-mères. Le projet vise à raconter comment autour d’une transmission de recette se raconte tout un tas d’autres choses. L’histoire d’une femme, d’abord, une femme qui a été fille dans des contrées comme, dans mon cas, la Pologne, ou l’Égypte, mais encore une fois ce sont des femmes qui ont grandi dans les années 20, 30, 40 un peu partout dans le monde, qui en tant que jeunes femmes ont traversé de grands chapitres de l’histoire de l’humanité, qui partagent ces recettes et ces histoires, et c’est vrai qu’en tant que web-série on est aussi dans une démarche de partage total, puisqu’on a n’a pas du tout de géo-blocage : par exemple sur internet il y a beaucoup de gens qui mettent des filtres pour ne cibler leur série ou leurs épisodes que sur un pays ou une région, – nous, on a fait en sorte que tous nos épisodes soient mis gratuitement en ligne, accessibles partout dans le monde, il n’y a pas de publicité, c’est vraiment effectivement deux strates de partage. 

Les relations entre petits-enfants et grands-parents diffèrent-elles fondamentalement selon les pays ? 

Pas tant que cela. Il y avait des choses que j’avais envie d’explorer à travers ce projet. Je trouve que ce n’est pas tant la culture qui fait la différence que la personnalité de la grand-mère. Par exemple, sur un même territoire, la France, on a des grands-mères qui ont des personnalités très différentes, donc on en a qui vont être très maternantes, comme la mienne, ou la grand-mère bretonne que j’ai évoqué un peu plus tôt, et puis il y en a qui sont un peu plus austères, un peu plus rêches, un peu plus pince-sans-rire… et, en fait, ce n’est pas une question de culture française, ou de culture orientale ou d’Europe de l’Est, mais vraiment plutôt qui on a en face, quelle personnalité elle a… (par exemple la grand-mère indienne) Ceci étant dit, peut-être que si on arrive à faire des films dans d’autres contrées encore, comme le Japon – j’aimerais beaucoup faire des films avec des  "Native Americans", des Amérindiens – qui me sont moins familières ; peut-être que la relation aux aînés fait que cela change la donne, mais pour l’instant c’est la personnalité de la femme qui prime…

La première question que l'on se pose, c’est celle de l’âge de ceux et celles qui filment ? Il faut quand même qu’ils aient l’âge de tenir une caméra, non ? Il faut qu’ils en soient capables, tout de même ?

C’est très vrai, mais ce n’est pas seulement la capacité de filmer, car de nos jours, certains enfants filment très bien avec des smartphones…  La contribution au projet ne se fait qu’avec des réalisateurs et des réalisatrices. Au-delà de tenir une caméra, on travaille aussi avec des gens qui savent raconter une histoire et dont le talent ne s’exprime pas que dans la façon de filmer, mais aussi de faire le montage d’un film, et ça c’est un dilemme que j’ai eu très, très, tôt dans la conception du projet, c’est de savoir si je l’ouvrais un peu à tout le monde, un peu au tout-venant, ou bien si je m’obligeais à ne travailler qu’avec des réalisateurs, sachant que je perds, du coup, l’immense majorité des gens dans le monde. Mais le fait est que j’avais regardé à l’époque sur YouTube un grand nombre de gens qui filmaient leurs grand-mères de façon un peu spontanée comme ça, et en fait j’ai trouvé que, malheureusement on se lassait relativement vite quand ce n’était pas fait avec une intention et un savoir-faire de réalisation… C’est vrai que ça limite un petit peu le projet, mais ceci étant dit, sur la plateforme de Grandma’s project, on a créé un deuxième volet qui s’adresse à tout le monde, et en gros qui consiste à partager une photo et un texte sur sa grand-mère, et là il n’y a pas du tout de filtre et pas de sélection et n’importe qui peut nous envoyer sur notre petit formulaire une photo et un texte. 

Image empruntée ICI.

On a aussi pensé à la réaction de nos auditeurs en particulier, face au film de Frankie Wallach sur sa grand-mère Julia, rescapée des camps, qui plaisante, tout en cuisinant, des kreplech, je crois, au sujet de son tatouage. Et on a envie de vous demander si vous avez des coups de cœur particuliers ? 

Oui, bien sûr, mais je pense que n’importe qui qui regarde des films sur des grands-mères différentes aura forcément un attachement pour certaines histoires, certaines personnalités ; encore une fois, donc j’ai aussi mes petits coups de cœur, mais après, ce ne sont que des films que j’aime beaucoup, puisque le travail a été fait très en amont avec chacun des réalisateurs. Avant même de filmer leur grand-mère ils nous proposaient un script, une intention, et je les ai accompagnés vraiment de la phase d’écriture jusqu’au montage, donc dans tous les cas je suis vraiment attaché à tous les films, mais après je sais que je me rends bien compte que le film de Frankie sur sa grand-mère Julia, rescapée des camps, est un film qui touche beaucoup, même au-delà de la communauté juive parce que, comme je vous le disais tout à l’heure, c’est une personnalité cette femme, et puis le film est très frais, très sympa, il transmet bien l’énergie de Frankie, sa réalisatrice, mais il y a effectivement en face une femme incroyable qui malgré tout ce qu’elle a vécu, toutes les immondices, les abominations dont elle a été témoin, est une femme drôle, reste une femme debout, et ça, ça impressionne beaucoup. 


Frankie et sa grand-mère Julia
Image empruntée ici  à partir d'une capture d'écran 
de la vidéo les concernant 


Combien de vidéos sont en ligne actuellement ? Sont-elles faciles à découvrir par nos auditeurs qui ne connaissent pas encore votre projet ?

Eh bien il y a 11 films en ligne et on les trouve facilement en tapant GRANDMA’S PROJECT sur les moteurs de recherche habituels. Quand on arrive sur le site, la première chose qu’on voit normalement, c’est les films. Je précise que sur le site il y a à la fois les films et tous les ingrédients des recettes, afin qu’on puisse, si on veut reproduire, disons, les kneidlers de la grand-mère de Frankie, on le peut, puisque toutes les étapes sont récapitulées, tous les ingrédients, même si j’imagine que parmi vos auditeurs certaines sont les  "maîtres" des kneidlers, mais sait-on jamais ! 


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Nous remercions vivement Jonas Parienté d'avoir accepté de répondre à nos questions. 

Vous l'aurez compris, il vous suffit de cliquer sur Grandma's Project, ICI (on vous facilite la tâche, vous le remarquez !) et vous aurez accès à ces surprenantes vidéos, ainsi qu'au détail des recettes qui les accompagnent. Et, surtout, vous découvrirez la relation particulière qui lie ces jeunes avec leurs aïeules, et la manière dont ces dernières racontent une histoire de famille, et d'héritage culturel. 

Attention, ce lien est celui de la page d'accueil. Promenez-vous, cliquez ensuite pour découvrir la panoplie de recettes et de grands-mères filmées, ainsi que le portrait de leurs petits-enfants.  Rappelez-vous, chaque film dure 8 minutes, donc vous avez devant vous 8x11 = 88 minutes d'émerveillement et d'émotion – et, en plus, c'est GRATUIT !

Nous vous souhaitons de belles découvertes, avec l'envie d'ajouter : si tout cela vous enthousiasme, n'hésitez pas à contribuer au succès de cette belle aventure en faisant une donation via Paypal... Juste une suggestion :)



Dernier point : vous pouvez aussi ré-écouter cette interview grâce au podcast de l'émission AU NOM DES ENFANTS du 26 mars 2019, en cliquant sur CE LIEN

À bientôt sur ce blog !


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Texte et mise en page de ce billet : Cathie Fidler



















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