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mardi 28 juin 2016

EN SOUVENIR DE ROBERT BROUSSKI : DÉVOILEMENT D'UNE PLAQUE À L’ÉCOLE DU PORT


Ce 27 juin 2016, nous avons enfin pu honorer la mémoire d’un jeune déporté juif des Alpes-Maritimes.

Il a déjà été décrit sur ce blog la longue procédure qui précède cet événement : les recherches dans les archives, les vérifications que cela implique, puis la préparation par des professeurs dévoués des élèves de l’établissement concerné, le concours de son directeur (principal ou proviseur) et, last but not least, l’attente du feu vert des autorités, de leur disponibilité dans un calendrier toujours chargé, pour qu’enfin arrive le jour émouvant de ce dévoilement.

En ce qui concerne l’école du Port, située à Nice, Quai Papacino, ce travail a débuté il y a de nombreuses années, impulsé par des membres de l’AMEJDAM, Sylvie Tafani en premier, puis par Maurice Germain, à présent disparu, et Feodor Merowka, l’époux de notre présidente.

Un seul nom y a été retrouvé, celui de Robert Brousski. Un seul. Il est rassurant de penser que tous les autres enfants juifs scolarisés dans cette école (et il y en avait presque une trentaine au patronyme révélateur) ont évité son sort terrible. Et il est émouvant de constater que c’est pour lui, pour lui seul, que s’est déroulée cette cérémonie, sous le soleil de juin, et apaisant de voir son nom enfin gravé dans la pierre, sur une plaque – son ultime tombeau.
Il fait déjà chaud, le matin de ce 27 juin. Les enfants de l’école primaire, qui ont préparé avec leurs maîtresses des chansons et des textes à lire attendent, rangés, alignés, sages, que le rituel se mette en place à l’heure annoncée. D’abord debout, et ensuite assis par terre, quand l’attente se fait trop longue. Puis ils se déplacent à l’ombre. Certains portent des chapeaux ou des casquettes. D’autres pas. Ils sont patients. Les adultes aussi, dont des témoins, des survivants, des enfants cachés ou de déportés, qui eux sont assis à l’ombre du préau.
C’est ainsi. Les cérémonies ont un début dont la ponctualité varie…


Ils étaient 200 enfants à participer à cette cérémonie

On ne peut s’empêcher de penser – « on » étant les adultes présents impliqués dans ce travail de mémoire –, que quelques moments d’inconfort, ce n’est rien pour des individus en bonne santé, à côté de ce qu’ont subi tant d'enfants juifs, dont Robert Brousski.


Ceci est la seule photo 
qui subsiste du jeune Robert Brousski

Arrivé de Paris avec ses parents, il a été inscrit (avec le statut de « réfugié ») dès 1940 dans cette école pour y préparer cet examen difficile qu’était alors le Certificat d’Études Primaires. Les petits élèves de CM2 de l’école du Port ne savaient rien de ce que cela représentait, et du fait que se côtoyaient dans cette même cour les "grands" (certains avaient 14 ou même 15 ans) et les petits du cours préparatoire, que l'on nommait aussi la 12ème.

Robert Brousski, était né à Paris le 11 janvier 1927. Sa mère exerçait le métier de tailleur, et son père était électricien. Ils vivaient dans le 12ème arrondissement, avant d'être domiciliés à Nice, rue Thaon de Revel. Telles sont les informations que comportent la fiche de leur passage au camp de Drancy et celle (en allemand) de leur convoi, conservées au Mémorial de la Shoah.

Robert n’envisageait sans doute pas de longues études au lycée de garçons de Nice ou d’ailleurs. Mais le passeport que représentait ce « certif’ » valait bien la peine que l’on se donnait pour l’obtenir. Il travaillait sans doute avec sérieux, avant d’être arrêté, par les hommes d’Aloïs Brunner, emprisonné avec ses parents à l’Hôtel Excelsior, puis placé dans un train à destination de Drancy, d’où il partirait le 15 mai 1944, par le convoi n°73 en route vers Kaunas (Kovna, en Lithuanie) et Reval (Tallinn, en Estonie)  – pour y être assassiné, probablement par balles, dans l'un ou l'autre de ces endroits. Il avait 17 ans. Son père, Hillel (ou Hilaire) Brousski, né 11 mai 1900 à Lodz, en Pologne, a  été déporté par le même convoi, et subit le même sort. Sur les 878 déportés hommes de ce convoi, dont 37 garçons entre 13 & 18 ans, seuls 22 sont revenus.

Sa maman, Suzanne (ou Sarah) BROUSSKI née le 10 juin 1903 à PARIS avait été déportée un mois avant vers Auschwitz par le convoi n° 71 au départ de Drancy le 13 avril 1944.

Le 15 mai… un peu plus de trois mois plus tard, Nice était libérée, et le cauchemar de la traque, achevé. Hélas trop tard pour cette famille. 


Avant...


Soixante-douze années plus tard, ce 27 juin 2016, une fois la plaque dévoilée, La Marseillaise jouée par la Musique des Sapeurs Pompiers de la Ville de Nice, nous avons continué à rappeler le souvenir de ce jeune homme qui avait l’avenir devant lui, et qui n’est jamais revenu, ni à Nice, ni ailleurs.

Après... La plaque intérieure


Photo prise sur la page facebook de Lauriano Azinheirinha,
dont le soutien nous est toujours précieux. 



Chacun l’a honoré à sa façon : les anonymes, en venant nombreux ce matin-là ; le personnel de l'école, en veillant au bon déroulement de la cérémonie ; les enfants en chantant une chanson (Comme toi) de Jean-Jacques Goldman, et une autre (On écrit sur les murs) de Demis Roussos, et en lisant de leur voix claire les arrêtés interdisant aux Juifs de vivre normalement ; le directeur de l’école du Port, M. Robert Bottau, en  remerciant l’AMEJDAM, puis ses élèves, avec une extrême gentillesse ; Michèle Merowka, la Présidente de l’AMEJDAM en expliquant avec une grande pédagogie le pourquoi de cette matinée, et en évoquant le tragique parcours de Robert Brousski ; MM. Eric Ciotti et Christian Estrosi (ce dernier ayant été présent à chaque pose de plaque depuis qu'il est maire, et encore aujourd'hui qu'il ne l'est plus) en rappelant le rôle essentiel de la ville, du département, et à présent de la région, dans ce travail de lutte contre l’oubli, auquel ils s’associent avec autant de célérité depuis longtemps. 

MM. Bottau & Estrosi, dont l'émotion était
palpable, face aux chants des enfants. 

Discours de M. Bottau, directeur de l'école du Port

Photo © Serge Binsztock



Avec les enfants élus du Conseil Municipal des enfants
et de gauche à droite : C. Estrosi, M. Merowka, R. Bottau, E. Ciotti, 
notre nouveau maire: Philippe Pradal, et L. Azinheirinha 

Photo ©Serge Binstock


 
Christian Estrosi remerciant Michèle Merowka. 

Avant de se séparer, tous les présents à cette cérémonie se sont associés à ce moment d’intense émotion, en souhaitant, une fois encore que... « jamais plus ».

À en juger par la curiosité manifestée par les enfants de l'école une fois les personnalités parties, et la tension retombée, il nous semble que l'optimisme est de mise. Rendez-vous donc à la rentrée, pour que des témoins "enfants cachés" de l'époque barbare viennent – ainsi que l'AMEJDAM s'en donne aussi la mission – répondre aux questions des élèves dans leur classe. Au frais, cette fois !


PS. Plusieurs livres ont été offerts à la bibliothèque de l'école par l'AMEJDAM afin que les jeunes lecteurs puissent poursuivre la découverte de cette période de notre histoire. 

Et pour plus de détails sur le convoi 73 qui emporta Robert Brousski et son père, cliquez ICI. Vous y verrez les stèles érigées ailleurs en mémoire de ces déportés de France. 

Texte et mise en page : Cathie Fidler
Photos © Jacques Lefebvre-Linetzky, sauf mentionné autrement.  



3 commentaires:

  1. Merci les amis.Merci pour ce travail de mémoire si important. KLS-F

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  2. Bravo pour ce reportage qui m'a fait revivre ces instants d'émotions. C'était une belle cérémonie qui a provoquée des discussions acharnées entre deux petites filles d(une huitaine d'années "au sujet de Dieu"! Tâche oh! combien difficile que de mener une chorale si nombreuse qui nous a tant émue.
    Andrée Poch-Karsenti

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  3. N’oublions jamais, Robert et les autres enfants de la Shoah.

    Nous ne devons jamais oublier nos responsabilités pour garder la mémoire sacrée .

    Bravo, et merci à tous.

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